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Les mesures "gilets jaunes" sont-elles vraiment financées par la Sécurité sociale, sans compensation de l'Etat ?

Ces mesures grèvent le budget de la Sécurité sociale de 2,7 milliards d'euros.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des "gilets jaunes" manifestent le 26 octobre 2019 à Paris pour le 50e samedi consécutif. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

Un cadeau très onéreux. À l'approche du premier anniversaire de la mobilisation, vous nous demandez, dans le live de franceinfo, s'il est vrai que la Sécurité sociale finance les mesures dites "gilets jaunes", prises par le gouvernement en décembre 2018. Vous vous également savoir s'il est exact que l'Etat ne remboursera pas ces dépenses à la Sécu.

Remontons le temps, pour vous répondre. En décembre 2018, Emmanuel Macron annonce une série de mesures en faveur du pouvoir d'achat, censées apaiser la colère des "gilets jaunes", qui manifestent en masse tous les samedis depuis le 17 novembre. Le chef de l'Etat décide alors que la hausse de la CSG – passée de 6,6% à 8,3% au 1er janvier 2018 – est annulée pour les retraités qui touchent une pension inférieure à 2 000 euros. Il décrète aussi que les heures supplémentaires seront exonérées de cotisations sociales, à partir du 1er janvier 2019.

La loi Veil n'est pas respectée

Pour les comptes de la Sécurité sociale, ces deux mesures sont loin d'être indolores, car la CSG (contribution sociale généralisée) et les cotisations sociales financent l'organisme. En juin, la Commission des comptes de la Sécurité sociale a fait ses calculs. La baisse du taux de CSG pour les petites retraites coûtera 1,5 milliard d'euros et l'exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires pèsera 1,2 milliard d'euros : soit un manque à gagner de 2,7 milliards d'euros. De quoi aggraver sérieusement le "creusement" de son déficit, notamment pour sa branche retraites.

Depuis 1994, la loi Veil oblige l'Etat à compenser intégralement "toute mesure de réduction ou d'exonération de contribution" à la Sécurité sociale. En vertu de cette loi, il devrait donc prendre 2,7 milliards d'euros sur son propre budget pour combler le "trou" laissé par ses mesures "gilets jaunes". Pourtant, ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020.

Un "trou" de plus de 5 milliards d'euros

Dans la nuit du mardi 22 au mercredi 23 octobre, les députés ont adopté l'article 3 du projet de loi, par 89 voix contre 42. Cet article acte la non-compensation par l'Etat à la Sécurité sociale des mesures dites "gilets jaunes". Le débat a été long et l'atmosphère tendue. Les oppositions de droite comme de gauche ont ferraillé. En vain. Une semaine plus tôt, les députés avaient voté en commission en faveur de la compensation. Les oppositions avaient même reçu le soutien de quelques députés de la majorité. Une fois dans l'hémicycle, leurs amendements ont été repoussés, par 93 voix contre 51.

Le projet de budget dans son ensemble a finalement été largement adopté en première lecture, le 29 octobre, par 339 voix contre 188 et 23 abstentions. A l'exception de quatre "marcheurs" et deux députés MoDem qui se sont abstenus, les élus de la majorité ont soutenu le texte, critiqué par la gauche comme la droite. Le Sénat doit encore se prononcer et pourrait encore modifier le texte. 

En l'état, le déficit de la Sécu devrait donc atteindre 5,4 milliards d'euros en 2019 et 5,1 milliards l'an prochain. Cette dégradation des comptes est en partie due aux "mesures d'urgence", mais aussi à des prévisions économiques trop optimistes, notamment en matière de croissance.

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