Quenelles, propos négationnistes... Trois "gilets jaunes" soupçonnés d'avoir insulté une femme de confession juive samedi soir dans le métro parisien
La préfecture de police de Paris a indiqué dimanche matin qu’une enquête avait été ouverte.
"J’étais contente de mon esclandre", se félicite Agnès*. Cette femme de "74 ans et demi" a eu un vif échange, samedi 22 décembre, dans le métro parisien avec trois hommes vêtus de "gilets jaunes" qui ont tenu des propos antisémites et négationnistes. La préfecture de police de Paris a annoncé, dimanche 23 décembre, avoir ouvert une enquête. Franceinfo revient sur cette affaire.
Comment a commencé l'affaire ?
Tout est parti du témoignage de Thibaut Chevillard, journaliste à 20 Minutes. Samedi soir, il raconte avoir été témoin d'une scène choquante dans la ligne 4 du métro. Le journaliste dit qu'un peu après 23 heures, il monte à la station Réaumur-Sébastopol. "A l'intérieur, trois 'gilets jaunes', un peu éméchés, hurlant : 'Macron démission !' Il s'agissait d'hommes d'une quarantaine d'années, plutôt bon chic bon genre, qui rentraient de la manifestation", commente-t-il.
Un peu après 23h, nous sommes montés dans la rame à Réaumur-Sébastopol. A l'intérieur, trois gilets jaunes, un peu éméchés, hurlant : "Macron dé-mis-sion !" Il s'agissait d'hommes d'une quarantaine d'années, plutôt bon chic bon genre, qui rentraient de la manifestation.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) 22 décembre 2018
Les hommes ont ensuite commencé à faire des "quenelles", le geste controversé inventé par le polémiste Dieudonné. "Ce geste est un geste antisémite. Je suis juive", leur lance Agnès, qui les somme d'arrêter. En vain. "Ils ont rigolé. Puis l'un d'eux lui a répondu que les chambres à gaz n'existaient pas", raconte le journaliste.
Cette femme âgée leur a dit : "Ce geste est un geste antisémite. Je suis juive, j'ai été déportée à Auschwitz, je vous demande d'arrêter." Les trois hommes n'ont pas arrêté pour autant. Ils ont rigolé, Puis l'un d'eux lui a répondu que les chambres à gaz n'existaient pas.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) 22 décembre 2018
"Dégage la vieille !", ajoutent les hommes qui insultent Agnès. Elle descend à l'arrêt suivant. Les "gilets jaunes" continuent de scander "Macron, démission !" et descendent à la station Montparnasse-Bienvenue.
Personne dans le wagon n'a repris leurs chants nauséabonds. La gêne était même palpable. Mais personne ne s'est levé pour prendre la défense de cette petite vieille. J'ai eu honte de ce que je venais de voir. Honte de ne pas avoir bougé. Ce soir, j'ai juste la gerbe.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) 22 décembre 2018
Thibaut Chevillard a expliqué avoir raconté la scène sur Twitter car il avait "honte" de ne pas être intervenu. "On était sidérés. On ne savait pas comment réagir", a-t-il raconté à franceinfo.
Si cette dame tombe sur ce thread, et si elle ressent le besoin de déposer plainte, elle pourra compter sur mon témoignage.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) 23 décembre 2018
Comment les autorités ont-elles été prévenues ?
Des internautes ont signalé le témoignage de Thibaut Chevillard à la ligne 4 de la RATP sur Twitter. Dimanche matin, à 7h14, la RATP annonce que le service de la sûreté du réseau a été alerté.
Bonjour, je vous remercie pour ce signalement et j'en informe immédiatement notre service de la Sûreté RATP. Bonne journée, Mat.
— Ligne 4 RATP (@Ligne4_RATP) 23 décembre 2018
En milieu de matinée, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, condamne une scène "ignoble" et "insoutenable". "Tout sera mis en œuvre pour identifier ces individus", écrit-il.
Ignoble et insoutenable.
— Christophe Castaner (@CCastaner) 23 décembre 2018
Tout sera mis en œuvre pour identifier ces individus.
Ils doivent répondre de leurs actes abjects.
Couvert d’un gilet jaune ou caché derrière un pseudo sur Twitter, l'antisémitisme doit être combattu de toutes nos forces.https://t.co/HdVB1brcEB
A 12h10, la préfecture de police de Paris évoque une "agression antisémite" et annonce l'ouverture d'une enquête.
A la suite de l’agression antisémite dans une rame de la ligne 4 du métro à Réaumur-Sébastopol hier soir, la Police Régionale des Transports de @prefpolice se saisit pour mener les investigations. pic.twitter.com/3675KTTvgK
— Préfecture de police (@prefpolice) 23 décembre 2018
Le parquet de Paris précise à franceinfo que l'enquête a été ouverte pour "injures publiques en raison de la race ou de la religion, et contestation de crime contre l'humanité".
Comment la victime a-t-elle été retrouvée ?
A la mi-journée, Agnès n'a pas encore été identifiée. Mais en milieu d'après-midi, l'un de ses neveux raconte sur Facebook avoir reconnu sa tante dans le témoignage du journaliste de 20 Minutes. Il dit avoir déposé, samedi soir, sa tante à une station de métro. "Cette tante qui fait partie des trois seuls survivants de la Shoah [avec mon père et son frère, elle n'a pas été déportée, mais son père à été assassiné à Auschwitz] de la famille de mon père", précise-t-il.
"Cette tante nous raconte le soir sur notre groupe WhatsApp que sur le trajet elle a engueulé des 'gilets jaunes' visiblement alcoolisés qui faisaient des quenelles", poursuit-il.
Les proches d'Agnès contactent ensuite 20 Minutes. Le quotidien recueille alors sa réaction. Pour elle, il s'agit "sans doute des sympathisants du Front national". Agnès condamne "des propos d’ivrognes" et assure ne pas vouloir dramatiser ce qui lui est arrivé : "Je suis au-dessus de tout ça !"
*Le prénom a été modifié
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