Le Canadien Benjamin Smith devient le nouveau patron d'Air France-KLM : trois questions sur une nomination qui fait déjà polémique
Après trois mois sans dirigeant, le groupe aéronautique a enfin un nouveau patron, le Canadien Benjamin Smith.
Trois mois que la société Air France-KLM n'avait plus de dirigeant. Pour reprendre le gouvernail et remplacer Jean-Marc Janaillac, qui avait démissionné le 4 mai, le conseil d'administration du groupe aéronautique a donné sa préférence à Benjamin Smith, le numéro deux d'Air Canada, jeudi 16 août.
Il est nommé au poste de directeur général de l'alliance franco-néerlandaise, tandis que la présidence non-exécutive devrait être assurée par Anne-Marie Couderc, actuelle présidente par intérim. Franceinfo vous explique qui est Benjamin Smith, et pourquoi sa nomination fait déjà polémique.
Qui est Benjamin Smith ?
Ce Canadien de 46 ans, surnommé "Ben", est décrit comme le "visionnaire de l'expansion stratégique et diversifiée du réseau mondial d'Air Canada" sur le site officiel de la compagnie. Diplômé en économie à l'université de Western Ontario, il a commencé sa carrière en 1990 à Air Ontario. Après avoir ouvert sa propre agence de voyage, il a rejoint Air Canada en 2002, comme directeur délégué de Tango, sa marque à bas coûts.
Le numéro deux d'Air Canada est surtout connu pour avoir développé, en 2013, Air Canada Rouge, la dernière filiale low cost de la compagnie. Interrogé par Le Monde, Merhan Ebrahimi, professeur à l'université du Québec à Montréal, souligne que Benjamin Smith est un "homme qui a un certain charisme et qui est charmant". Sa maîtrise de l'anglais et du français apporte quelques points à cet homme "très opérationnel", selon ce spécialiste de l'aéronautique. Le Canadien a "un excellent profil" et "a déjà fait ses preuves dans le secteur aérien", avait d'ailleurs estimé jeudi Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances, indiquant que le représentant de l'Etat au conseil d'administration voterait en sa faveur.
Pourquoi sa nomination fait-elle polémique ?
Avant même la confirmation officielle, la nomination de Benjamin Smith n'a pas échappé aux critiques. L'intersyndicale d'Air France s'est élevée contre cette perspective : "Il est inconcevable que la compagnie Air France, française depuis 1933, tombe dans les mains d'un dirigeant étranger dont la candidature serait poussée par un groupe industriel concurrent (Delta Airlines pour ne pas le citer)", peut-on lire dans un communiqué signé par neuf organisations.
Interrogé par France 2, l'économiste Pascal Perri estime pour sa part que la nomination de Benjamin Smith pourrait mettre le feu aux poudres au sein de la compagnie tricolore.
Si on parachute au dernier moment, en plein 15 août, quelqu’un qui viendrait de l’extérieur, qui n’a pas une feuille de route très claire, dont les intentions ne sont pas non plus tout à fait affichées, on risque de retrouver de l’irritant social à la rentrée d’Air France.
Pascal Perri, économisteà France 2
D'autant que la question de son salaire a, elle aussi, provoqué de nombreuses réactions. En effet, la rémunération de Benjamin Smith pourrait s'envoler par rapport à celle de son prédécesseur, Jean-Marc Janaillac. Libération annonce qu'elle pourrait être trois fois plus élevée, soit une rémunération globale de 3,3 millions d'euros par an. Le Figaro évoque un salaire de 3 à 3,25 millions d'euros, si le dirigeant atteint tous ses objectifs. Une information qui ne passe pas auprès de certains syndicats de la compagnie.
Pour fêter les 85 ans d’Air France le CA AFKLM (selon la presse) s’apprête a nommer à sa tête un Nord Américain avec une augmentation de 300%, bien qu’il n’ai encore rien démontré!Tout ceci se passe bien évidemment pendant le pont du 15 aout. Le CCE du 30 aout est délocalisé!
— FO Air France (@FO_AF) 14 août 2018
Que va-t-il devoir gérer ?
Si la nomination du nouveau directeur général de la compagnie clôt un chapitre fleuve long de plusieurs mois, les tensions internes ne sont toujours pas réglées.
En effet, un mouvement de grève perlé, entre février et juin, a touché la compagnie aérienne. Et il a coûté très cher à Air France : le 1er août, la compagnie évaluait à 335 millions d'euros les conséquences financières du mouvement. Celui-ci avait d'ailleurs conduit à la démission de Jean-Marc Janaillac, au mois de mai. A l'origine de ce mouvement, l'intersyndicale (qui réunit des organisations de pilotes, hôtesses, stewards et personnels au sol) demande une augmentation de salaires de 6%, au regard des bons résultats de la compagnie en 2017.
Et ce n'est pas terminé puisque l'intersyndicale a annoncé en juillet qu'"avec ou sans PDG, dès le mois de septembre (...) le conflit pour les salaires reprendra et seul un accord pourra y mettre fin".
Autres défis à prévoir pour Benjamin Smith, comme le rappelle Le Monde : faire face à la concurrence des compagnies à bas coûts et des compagnies du Golfe, et pérenniser la rentabilité du groupe.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.