Procès du crash du vol Rio-Paris : à la barre un expert pointe la responsabilité des pilotes
En ce troisième jour de procès du crash du vol Rio-Paris, les premiers experts sont venus témoigner. La justice leur a demandé d'investiguer sur les causes de la catastrophe aérienne, qui a fait 228 morts le 1er juin 2009.
Troisième journée du procès du crash du vol Rio-Paris, au tribunal correctionnel de Paris. La journée de mercredi 12 octobre est consacrée à l'audition des experts aéronautiques. Hubert Arnould est le premier appelé à la barre. L'ingénieur fait partie du premier collège de quatre experts nommés en 2009, après la catastrophe aérienne.
Pendant près de deux heures, il livre un récit chirurgical, il manie les graphiques et les diagrammes. "Au départ de Rio, l'avion était parfaitement navigable. Tout s’est bien déroulé même lorsque que l’appareil est entré dans la zone orageuse. Les grêlons ont tapé sur la carlingue sans abîmer le radar météo. Rien n’a perturbé l’équipage durant le vol", explique-t-il avant d'ajouter : "L’A330 n’avait en 2009 jamais connu d’accident mortel". Outre le crash du Rio-Paris – la catastrophe aérienne la plus meurtrière de l'histoire d'Air France – un deuxième accident mortel impliquant un avion A330 a eu lieu, un an plus tard, en 2010, à Tripoli en Libye. Hubert Arnould poursuit : "La maintenance de l’appareil par Air France était parfaite."
Les sondes Pitot : l'élément déclencheur
"Tout s’est passé en quatre minutes", relève-t-il. Entre 2h10 – heure de la dernière position connue de l’appareil – et 2h14, lorsque l’avion a frappé l’océan Atlantique. Les sondes Pitot sont bien l’élément déclencheur, selon l'expert. "Pour le déterminer il nous a fallu attendre l’exploitation des boîtes noires", retrouvées deux ans après le crash. "Il a suffi d’une seule petite minute pendant laquelle les sondes ont givré pour que tout bascule. L’équipage a paniqué", avance Hubert Arnould. Selon lui, la faute de l'accident revient aux pilotes.
"De mon avis d’ingénieur, l’accident aurait pu être évité si l’équipage avait contourné l’orage, comme l’ont fait tous les autres avions cette nuit-là."
Hubert Arnouldfranceinfo
L'expert estime que "l’accident aurait pu être évité si le pilote le plus expérimenté n’était pas allé dormir" et si l'un des deux co-pilotes "n’avait pas touché aux commandes de l’avion". L'ingénieur pointe la responsabilité de l'équipage, son comportement et sa réaction ce 1er juin 2009. "Une sonde qui givre c’est un événement qui arrive au moins une fois dans une carrière de pilote, ce n’est pas un événement catastrophique". Il souligne que "moins d’une minute après avoir transmis des informations erronées, les sondes Pitot ont refonctionné normalement". Mais malheureusement, il était déjà trop tard. "Ce qui est arrivé est tout à fait anormal, ça n’aurait jamais dû arriver", conclut Hubert Arnould. D’autres experts entendus mercredi après-midi n’ont pas la même lecture du crash et de ses causes. Leurs conclusions interrogent clairement le rôle d'Air France et d'Airbus vis-à-vis du givrage des sondes Pitot.
Faut-il ou non diffuser les enregistrements de vol ?
La question de la diffusion des enregistrements contenus dans les boîtes noires a été débattue lors du troisième jour du procès. Ces enregistrements dont les transcriptions écrites sont déjà partout dans la presse, font vivre les derniers instants dans le cockpit. "Les mots sont une chose, entendre la voix en est une autre", rappelle maître Alain Jakubowicz, un des avocats des parties civiles. Il représente l'association "Entraide et Solidarité AF447". Conscient que cette diffusion sera très pénible à écouter pour nombre de proches de victimes, il estime néanmoins qu'il "est absolument indispensable" de les diffuser à l’audience.
C’est pourquoi les avocats des pilotes, eux, demandent la mise en place d’un huis clos, au moins partiel, afin que ces enregistrements ne soient pas rendus publics, "et pour respecter la dignité des pilotes", insiste maître Claire Hocquet qui représente le syndicat de pilotes Snpel. Pour un autre encore, "cette diffusion permettrait de délivrer au tribunal l’information la plus juste".
Du côté de la défense, maître François Saint-Pierre, avocat d’Air France ne s’y oppose pas à cette diffusion, même si rappelle-t-il, "Air France est très soucieuse de la confidentialité des enregistrements de ses pilotes". Il ne s'oppose pas non plus au huis clos : "Ce n’est pas la presse que nous craignons". La défense de l'entreprise Airbus partage cet avis. La présidente rendra sa décision jeudi 13 octobre dans la matinée. Si elle donne son accord, la diffusion des boîtes noires aura lieu lundi. Airbus et Air France sont jugés pour homicides involontaires. 228 passagers et membres d'équipage sont morts dans le crash vol AF447 Rio-Paris, il y a 13 ans.
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