Pourquoi les passagers doivent-ils encore éteindre leurs téléphones portables dans un avion ?
En septembre, l'Agence européenne de sécurité aérienne a donné son feu vert à une utilisation normale des smartphones dans les appareils. Mais les compagnies préfèrent toujours que les téléphones restent éteints. Explications.
"Nous vous demandons de ne pas rallumer vos téléphones portables avant l'arrêt complet de l'appareil." Les années passent et les consignes données aux voyageurs qui prennent l'avion restent peu ou prou les mêmes : smartphones, tablettes et ordinateurs portables doivent rester en sommeil durant le décollage et l'atterrissage, et le "mode avion", qui coupe toutes les connexions, doit être activé lors du vol.
Du côté de l'Union européenne, pourtant, l'affaire semblait entendue. En décembre 2013, la Commission a autorisé l'utilisation des différents appareils électroniques durant toutes les étapes du voyage, du moment que ceux-ci étaient configurés en "mode avion". Mieux encore, en septembre 2014, l'Agence européenne de la sécurité aérienne a donné son feu vert à l'utilisation des smartphones "avec une liberté comparable à celle des trains" : du début à la fin du trajet, sans restriction quant à l'usage d'une connexion. Mais dans les deux cas, le dernier mot revient aux compagnies, qui n'ont pas changé leurs habitudes.
Pourquoi cette frilosité envers les téléphones portables ? Francetv info vous dit tout.
Parce qu'ils peuvent (légèrement) interférer avec les systèmes de communication de l'avion
Pour les compagnies aériennes, interdire l'utilisation normale des téléphones portables est un principe de précaution. Lorsqu'ils sont utilisés, ces appareils créent en effet des courants magnétiques qui peuvent, en théorie, engendrer des perturbations avec les équipements de l'avion qui permettent au pilote de communiquer avec l'extérieur. Or, c'est lors du décollage et de l'atterrissage que ces échanges sont les plus nombreux et les plus importants.
Il faudrait toutefois que votre iPhone soit dopé aux hormones pour qu'il puisse saboter la liaison entre le commandant de bord et la tour de contrôle. "A ma connaissance, il n'a jamais été prouvé qu'un signal aussi faible que celui émis par un téléphone puisse créer des interférences sur la réception d'un autre signal envoyé à un avion, et qui transite par radar ou satellite", explique à francetv info Nicolas Larrieu, enseignant-chercheur au laboratoire télécom de l'Ecole nationale de l'aviation civile, à Toulouse (Haute-Garonne).
"Les composants électroniques présents dans un avion sont beaucoup plus élaborés que ceux que l'on trouve dans les appareils destinés au grand public, qui sont incapables 'd'arroser' suffisamment les signaux pour brouiller efficacement les communications", ajoute le spécialiste. Il n'est donc "pas surpris" de voir les instances européennes revenir sur ces interdictions.
Parce qu'ils peuvent (beaucoup) distraire les passagers
Si les compagnies aériennes refusent de vous voir pianoter sur votre smartphone avant le décollage, c'est également pour s'assurer que vous accordiez un minimum d'attention au personnel navigant, qui profite de ce moment pour prodiguer les consignes de sécurité. "C'est le volet pédagogique de la mesure, qui explique aussi que l'on demande aux passagers de retirer leurs écouteurs à ce moment-là", précise Nicolas Larrieu. Et tant pis si vous ronchonnez car vous savez déjà que les sorties de secours sont situées à l'avant, à l'arrière et au milieu de l'appareil.
Contactée par francetv info, Air France ajoute qu'elle demande aussi à ses passagers de ranger leurs appareils volumineux, comme les ordinateurs portables ou les lecteurs DVD, lorsque l'avion roule, décolle ou atterrit. Il ne s'agit pas là de protéger les communications du pilote, mais le crâne de votre voisin : "En cas de fortes décélérations, [ces appareils] peuvent devenir des projectiles et occasionner des blessures", précise la compagnie aérienne.
Parce que changer de politique est long et coûteux
Cela n'a l'air de rien, mais autoriser formellement les passagers à envoyer un SMS rassurant à sa grand-mère dès que l'avion a touché le sol peut coûter cher aux compagnies aériennes. Un responsable d'Air France note ainsi que si l'Agence européenne de sécurité aérienne laisse le choix aux compagnies d'autoriser l'utilisation normale des téléphones, celles-ci ne peuvent officiellement donner leur feu vert qu'après avoir effectué des vérifications de sécurité. "Il faudrait tester l'ensemble de notre flotte, ce qui prendrait du temps et serait coûteux", répond à francetv info la compagnie, qui préfère demander à ses passagers d'utiliser le "mode avion" du début à la fin du vol.
"Moderniser les processus prend toujours plus de temps dans le monde de l'aviation que dans celui des autres transports", confirme Nicolas Larrieu. "Avant d'être implémenté [mis en place], chaque nouveau matériel doit être testé, homologué et réglementé pour des impératifs de sécurité", ajoute le chercheur. Ce qui n'empêche pas le progrès : Air France teste actuellement, sur un Boeing 777, une connexion wifi qui s'active et se désactive en fonction de l'altitude de l'avion. Et les clients qui voyagent en première classe avec certains appareils de Lufthansa disposent d'un point d'accès qui leur permet de téléphoner en vol.
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