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Sanctions américaines contre le pétrole iranien : "De toute évidence, ce n’est pas bon pour le consommateur"

Patrice Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières, réagit à l'annonce lundi par Donald Trump de mettre fin le 2 mai aux dérogations accordées par les Etats-Unis à huit pays pour acheter du pétrole iranien.

Article rédigé par franceinfo
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Une raffinerie de pétrole sur l'ile de Lavan, en Iran, en 2004. (BEHROUZ MEHRI / AFP)

"De toute évidence, ce n’est pas bon pour le consommateur", affirme mardi 23 avril sur franceinfo, Patrice Geoffron, professeur de sciences économiques à l’Université Paris-Dauphine et directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières (CGEMP). Lundi, Donald Trump a annoncé que les États-Unis mettront fin le 2 mai aux dérogations accordées à huit pays pour acheter du pétrole iranien, parmi lesquels la Chine, l’Inde, l’Italie et la Grèce. Le président américain veut ainsi accentuer la pression sur Téhéran, dont le pétrole constitue sa principale source de revenus. Selon Washington, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unies se sont engagés à compenser la baisse des exportations iraniennes.

franceinfo : La décision de Donald Trump a déjà provoqué la hausse des cours du pétrole. Est-ce que notre carburant va coûter plus cher ?

Patrice Geoffron : Oui, et la remontée du prix du pétrole a en fait commencé à la fin 2018 et de manière assez sensible. On est aujourd’hui autour de 75$ le baril, évidemment ce qui est en train de se dessiner n’est pas de nature à interrompre cette montée. De toute évidence, ce n’est pas bon pour le consommateur. Les prix tels qu’ils se dessinaient il y a quelques mois étaient avec un prix du baril qui était sensiblement plus bas. Ce qu’on observe, c’est que cette instabilité est très probablement de nature à se produire, parce qu’on avait touché un plus bas au mois de décembre dernier mais qui faisait suite à un plus haut quelques mois auparavant, donc ce mécanisme de yo-yo est évidemment très déstabilisant.

Donald Trump compte sur son allié l’Arabie Saoudite et les autres pays de l’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, pour compenser la baisse de l’offre. Est-ce qu’il a raison de compter sur ces pays ?

Le président américain est engagé dans un jeu assez complexe et dans lequel sa position a varié déjà plusieurs fois. Ce qu’on peut observer, c’est que dès lors que les États-Unis sont les premiers producteurs de pétrole au niveau mondial, et même devant l’Arabie Saoudite et les Russes, le président américain a plus de marge de manœuvre que ses prédécesseurs qui n’avaient pas ce type de ressource , en tous cas pas avec ce niveau de production. Donc les États-Unis ont moins de soucis de sécurité d’approvisionnement que ce n’était le cas dans le passé, ils font de l’embargo, de la pression sur un certain nombre de pays producteurs, l’Iran, le Venezuela. Par ailleurs, il y a des soucis évidemment qu’on a à l’esprit du côté de la Libye dont la production devrait baisser compte tenu de l’instabilité... Donc tous ses éléments sont des éléments de nature à faire baisser la production. Est-ce que l’Arabie Saoudite est prête à compenser ? On peut imaginer que oui, dans la mesure où les Saoudiens ont évidemment sur le long terme une franche hostilité à l’égard de l’Iran, mais enfin ce grand jeu qui est en train de se dessiner est tout sauf clair.

Parmi les pays qui peuvent être sanctionnés, il y a la Chine. Pékin réagit ce matin en disant protester contre les sanctions américaines. Est-ce que ces sanctions vont tendre encore un peu plus les relations entre les États-Unis et la Chine ?

Evidemment, cela s’inscrit dans un deuxième grand jeu qui est celui du commerce international avec la guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde, et tout particulièrement la Chine. Néanmoins, observons que les flux de pétrole entre l’Iran et la Chine sont assez limités. L’Iran produisait un peu moins de 2 millions de barils au mois de mars, comparativement à un potentiel de 4 millions, et sur ces 2 millions à peu près 1/3 allait vers la Chine, donc on n’a pas un sujet de sécurité d’approvisionnement majeur du côté chinois, en revanche on a évidemment une problématique de souveraineté.

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