Grève à la SNCF : pourquoi la rémunération des contrôleurs se trouve au cœur du conflit social

La compagnie ferroviaire se targue d'avoir nettement revalorisé la rémunération de ses chefs de bord, ces dernières années. Les grévistes dénoncent de "fausses" informations.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
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Un salarié de la SNCF en grève, le 13 octobre 2023, à Toulouse. (ALAIN PITTON / NURPHOTO / AFP)

La guerre de la communication bat son plein entre la SNCF et une partie des cheminots. En amont d'un week-end de mobilisation sociale des contrôleurs, qui se traduit par "un train sur deux" en circulation, vendredi 16, samedi 17 et dimanche 18 février, la compagnie ferroviaire a dénoncé un appel à la grève "incompréhensible", selon les mots du PDG de SNCF Voyageurs. "Les engagements de l'entreprise qui ont été pris en décembre 2022 ont été tenus", a assuré Christophe Fanichet, mardi, sur franceinfo.

En face, les syndicats grévistes estiment que "la SNCF joue l'opinion publique contre les contrôleurs pour les faire passer pour des enfants gâtés", déplore auprès de franceinfo Fabien Villedieu, délégué de SUD-Rail, l'un des deux syndicats à avoir appelé à la grève, avec la CGT-Cheminots. Les deux camps s'écharpent particulièrement sur les revenus des chefs de bord ou ASCT (agents du service commercial trains).

Divergences sur une augmentation de 500 euros en deux ans

La direction met en avant des revalorisations récentes et conséquentes pour tenter de décrédibiliser ce mouvement social. "Comment fait-on pour augmenter les contrôleurs de plus de 11%, alors qu'ils ont déjà eu 500 euros d'augmentation en deux ans ?", a fait mine d'interroger mardi, sur RTL, le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou.

"On voit bien que l'addition des augmentations commence à poser problème."

Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF

sur RTL

"L'augmentation de 500 euros bruts sur deux ans pour les contrôleurs est complètement fausse. Tous les contrôleurs ont regardé leur fiche de paie et personne n'a vu ça", réplique Fabien Villedieu. La direction ajoute que la rémunération des cheminots a augmenté en moyenne de 17% ces trois dernières années. "On a eu huit ans de blocages de salaires à la SNCF. Il faut comprendre ces 17% sur onze ans", balaie le syndicaliste. 

"Il faut mettre les 17% d'augmentation en parallèle avec l'inflation, qui est à 13% sur trois ans. Cela fait relativiser l'augmentation."

Fabien Villedieu, délégué SUD-Rail

à franceinfo

Sur le site de l'Insee, qui recense l'augmentation des prix années après années, l'inflation cumulée pour les années 2021, 2022 et 2023 est de 12,1%, un chiffre légèrement inférieur à celui avancé par le syndicaliste. 

Quel salaire en début de carrière ?

Les syndicats remettent surtout en cause les chiffres selon lesquels les chefs de bord percevraient environ 3 000 bruts par mois en début de carrière. "Vous commencez à environ 2 000 euros brut à bord des TER, avant de passer dans des TGV à mi-carrière", résume Fabien Villedieu. Sur le site de la SNCF, plusieurs offres d'emploi de contrôleur consultées jeudi par franceinfo font état d'une rémunération annuelle comprise selon les profils entre 24 000 et 32 000 euros brut, "incluant les éléments variables"

Une offre d'emploi pour un poste de commercial à bord des trains TER à Tarbes (Hautes-Pyrénées), consultée le 15 février 2024. (CAPTURE D'ECRAN SNCF)

La compagnie ferroviaire vante par ailleurs "des avantages spécifiques tels que l’accompagnement au logement pouvant comprendre une aide financière, la mutuelle, la quasi-gratuité des voyages en train, l’épargne salariale, le comité d’entreprise…" En revanche, difficile d'obtenir des chiffres récents sur la rémunération brute moyenne en milieu et en fin de carrière. Elle s'élevait respectivement, sur la période 2012-2015, à 28 816 euros et 35 816 euros, selon les données du groupe, hors indemnités diverses de 25% et 19%. Contactée, SNCF Voyageurs n'a pas répondu aux questions de franceinfo.

Des primes récentes mises en avant par la direction

Au-delà de ces éléments extra-salariaux, la direction de la compagnie ferroviaire a insisté, ces derniers jours, sur les mesures financières adoptées récemment en faveur des cheminots. Elle cite une prime de 400 euros de partage de la valeur (PPV) versée en décembre dernier, et une autre de 400 euros qui doit être payée le 1er mars, à tous les cheminots. 

Le groupe souligne aussi les évolutions de l'indemnité de résidence qui "vont permettre à plus de 80% des ASCT de gagner 50 euros par mois en plus, soit 600 euros par an, et ce, de manière pérenne". Celle-ci est versée aux cheminots qui habitent dans des zones où le marché immobilier est en tension. Outre ces éléments, la SNCF a rappelé "que l'intéressement devrait s'élever autour de 1 200 euros en mai 2024", selon les mots d'Alain Krakovitch, PDG de TGV Intercités, dans un courrier interne aux contrôleurs publié par BFMTV, la semaine dernière.

Mais ces diverses gratifications ne correspondent pas à une augmentation du traitement de base et de la prime de travail, deux des composantes du salaire du contrôleur, qui entrent en compte dans le calcul de la retraite. C'est la raison pour laquelle les chefs de bord grévistes demandent une augmentation de la prime de travail de 500 euros par mois. "S'il y a la possibilité de ne pas aller jusqu'au conflit, on est prêts à négocier à partir de 150 à 200 euros" d'augmentation, explique Fabien Villedieu à l'heure du début de la grève.

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