"Uber pour ados" : trois questions sur le service de VTC destiné aux 13-17 ans

Cette application va permettre aux adolescents de commander des courses dans 13 villes de France. Un service qui pose des questions de sécurité.
Article rédigé par Paolo Philippe
France Télévisions
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Une course Uber sur un téléphone (photo d'illustration). (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS / AFP)

Uber vise des clients de plus en plus jeunes. La plateforme américaine, qui permet déjà de commander des courses VTC (voiture de transport avec chauffeur) et de se faire livrer des repas lance, mercredi 30 octobre en France, "Uber pour ados", un service qui permettra aux personnes âgées de 13 à 17 ans de commander des courses. Franceinfo fait le point sur ce nouveau service et ses limites.

1 Qu'est-ce que ce service ?

A partir de mercredi, tout adolescent de 13 à 17 ans pourra commander des courses de VTC sur l'application Uber. Pour cela, il lui suffira d'être invité par un adulte titulaire d'un compte, auquel il sera lié. L'adolescent pourra ensuite commander ses courses, sans l'accord de l'adulte. Ce dernier pourra fixer un plafond de dépenses mensuelles, puisque c'est son moyen de paiement qui sera rattaché au compte du mineur. Cet adulte sera seulement notifié de la course, qu'il pourra suivre "en temps réel", explique Uber dans un communiqué.

Ce service concernera "13 agglomérations" en France. Il s'agit d'Amiens, Angers, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris (et l'Ile-de-France), Perpignan, Strasbourg et Toulouse. Lancé en 2023 aux Etats-Unis et au Canada, ce service existe aussi dans 17 pays d'Europe dont le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la Belgique,

2 Comment Uber compte-t-il le sécuriser ?

Uber promet "des fonctionnalités de sécurité personnalisées, automatiques, accessibles en quelques clics et non désactivables". L'entreprise de VTC évoque un "code PIN unique" à destination du chauffeur, qui ne pourra pas démarrer la course sans le bon code, et un suivi en temps réel du trajet. L'adulte référent recevra "le nom du chauffeur, les informations sur le véhicule et la destination demandée", explique Uber, qui promet aussi que les adultes pourront joindre à tout moment les chauffeurs. Seuls les plus "expérimentés" pourront d'ailleurs prendre en charge des adolescents.

"Ils devront aussi avoir une note d'au moins 4,85/5", précise Manon Guignard, responsable communication d'Uber France, qui assure que l'entreprise vérifie "tous les antécédents" des chauffeurs qu'elle engage. Selon la préfecture de police de Paris, le casier judiciaire des chauffeurs de VTC ne peut notamment pas comporter de "condamnation définitive (...) à une peine criminelle ou à une peine correctionnelle d'au moins six mois d'emprisonnement pour vol, escroquerie, abus de confiance, atteinte volontaire à l'intégrité de la personne, agression sexuelle, trafic d'armes, extorsion de fonds ou infraction à la législation sur les stupéfiants.".

Samuel Comblez, psychologue et directeur adjoint de l'association e-Enfance, voit d'un "bon œil" ce nouveau service "sécurisé de bout en bout". "Ce n'est pas une garantie à 100%, mais il y a moins de risques pour un adolescent de se déplacer dans un véhicule où les parents ont l'identité du chauffeur et peuvent suivre le trajet que s'il faisait du stop ou prenait seul les transports en commun", estime cet expert qu'Uber a sondé il y a quelques mois. Samuel Comblez avait insisté auprès de l'entreprise américaine pour que les adultes puissent joindre à tout moment le chauffeur.

3 Quelles sont les limites ?

Si Uber vante "un produit qui permet aux adolescents de se déplacer en toute autonomie (tout) en apportant de la sérénité aux parents", certaines règles interrogent, quant à la sécurité des mineurs. Il n'est pas précisé que le compte des adolescents soit lié à celui de ses parents. N'importe quel adulte qui possède un compte Uber peut inviter un mineur à créer un compte "adolescent" avec seulement un numéro de téléphone, à condition de payer ses trajets, sans qu'il y ait de lien de responsabilité parentale.

Par ailleurs, la création d'un "compte adolescent" repose sur un acte purement "déclaratif", reconnaît Manon Guignard. L'adulte doit simplement communiquer "la date de naissance" du jeune, sans fournir de preuve (carte d'identité, passeport) qui permettrait de vérifier que l'âge est le bon. Les adolescents qui commandent une course peuvent en outre "décider d'être accompagnés d'autres personnes, sans avoir besoin de justifier leur identité", admet Manon Guignard. Si Uber note que les autres passagers doivent avoir au moins 13 ans et déclarer avoir "l'autorisation du parent ou tuteur légal", aucune vérification ne devra être effectuée par le chauffeur.

"Il y a aussi un point de vigilance sur les données, afin qu'elles ne soient pas utilisées à des fins commerciales ou de surveillance", prévient Samuel Comblez. Pour l'avocat Jérôme Giusti, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle et en droit du numérique, "il peut y avoir aussi des fuites de données, comme avec Free récemment". "Pour les trajets, Uber va collecter le nom, le prénom et l'âge, ce qui peut être problématique", s'inquiète celui qui est par ailleurs codirecteur de l'observatoire justice et sécurité à la Fondation Jean-Jaurès, qui plaide dans des dossiers contre Uber.

Ce nouveau service s'inscrit dans la "quête permanente de nouveaux marchés" de l'entreprise américaine, estime encore l'avocat. "Uber veut créer chez ces jeunes des habitudes de transports qu'ils garderont ensuite."

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