Egypte : la Cour constitutionnelle demande la dissolution de l'Assemblée
EGYPTE - Un tiers des sièges de l'Assemblée du peuple ont été jugés inconstitutionnels. Cette décision, prise à deux jours du second tour de l'élection présidentielle, devrait entraîner la dissolution de la chambre basse du Parlement.
A deux jours du second tour de l'élection présidentielle, l'Egypte va-t-elle retomber dans le chaos ? La Cour constitutionnelle égyptienne a décidé d'invalider un tiers des sièges de l'Assemblée du peuple, jeudi 14 juin. La composition de l'Assemblée est "entièrement illégale", a précisé la haute instance égyptienne.
La Cour a aussi décidé d'invalider une loi interdisant aux anciens piliers du régime d'Hosni Moubarak de se présenter au second tour de l'élection présidentielle. Cette décision permet à Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre du président déchu, de maintenir sa candidature à la présidentielle. Il affrontera donc le candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, samedi et dimanche.
Ce dernier a déclaré jeudi qu'il respectait la décision de la cour de considérer l'Assemblée, dominée par les islamistes, comme anticonstitutionnelle. "Je respecte le jugement (…) en raison de mon respect pour les institutions de l'Etat et pour le principe de la séparation des pouvoirs", a-t-il dit à la télévision privée Dream TV.
• "Juridiquement, ça se tient. Mais pourquoi maintenant ?"
La première décision de la Cour constitutionnelle entraîne la dissolution de la chambre basse du Parlement, a déclaré le président de la Cour à l'agence Reuters. Ce sera à l'exécutif, a-t-il ajouté, de convoquer un nouveau scrutin. Remportées par les islamistes, les élections législatives ont eu lieu entre novembre 2011 et janvier 2012.
Comment expliquer cette dissolution ? La loi électorale invalidée avait créé deux modes de scrutin simultanés : deux tiers de liste proportionnelle pour les partis et un tiers d’uninominal à deux tours pour les candidats indépendants. Mais les partis islamistes avaient fait amender cette loi pour permettre à leurs candidats de briguer les sièges uninominaux, explique RFI.fr. Cette loi est donc jugée anticonstitutionnelle. Pour Tewfik Aclimandos, chercheur spécialiste de l'Egypte au Collège de France, ce n'est pas une surprise : "Tout scrutin ne laissant pas assez de place aux candidats indépendants risque d'avoir des problèmes en Egypte."
"Juridiquement, la décision de la Cour constitutionnelle se tient, explique Tewfik Aclimandos à FTVi. Politiquement, ça ne paraît pas opportun. On savait qu'il y avait ce risque. A un moment, le Premier ministre s'est emporté, en prétendant avoir préparé le décret de dissolution car cette loi parlementaire [qui régit le scrutin législatif] n'est pas constitutionnelle. Mais pourquoi maintenant ? C'est ce qui semble le plus étrange, car la Cour pouvait le faire depuis plusieurs mois."
• "Un coup d'Etat"
Mohammed Beltagui, un haut dirigeant des Frères musulmans égyptiens, qui détiennent près de la moitié des sièges de députés, a dénoncé comme un "coup d'Etat total" la décision de la Cour constitutionnelle, sur la page Facebook (lien en arabe) de la confrérie.
Le candidat islamiste dissident à la présidentielle Abdel Moneim Aboul Foutouh a également qualifié la dissolution de "coup d'Etat" sur sa page Facebook. "Maintenir le candidat de l'armée [dans la course] et renverser le Parlement élu après avoir accordé à la police militaire le droit de procéder à des arrestations est un véritable coup d'Etat et quiconque pense que des millions de jeunes vont laisser le coup d'Etat se produire se leurre", écrit-il. Foutouh rappelle le décret adopté la veille par le gouvernement, qui accorde à la police militaire et aux services de renseignement de l'armée le pouvoir d'arrêter des civils et de les déférer devant la justice militaire.
Craignant des débordements, les forces de l'ordre se sont déployées devant le bâtiment de la Cour constitutionnelle, au Caire. Dans un message diffusé sur son site internet, l'ambassade des Etats-Unis a prévenu que la décision de la Cour, quelle qu'elle soit, risquait d'accentuer "le degré de tension" dans le pays. Washington, de son côté, a appelé l'Egypte à respecter le processus "démocratique".
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