Election américaine : les scénarios du pire
Barack Obama ou Mitt Romney ? Le nom du nouveau président américain est attendu dans la nuit du 6 novembre. Mais le résultat peut traîner. Francetv info détaille pourquoi.
PRESIDENTIELLE AMERICAINE – En France, c’est facile. En vertu du suffrage universel direct, les citoyens votent, on compte les bulletins, et quelques semaines plus tard, François Hollande croise Nicolas Sarkozy sur le perron de l'Elysée. La route de la Maison Blanche, en revanche, se révèle beaucoup plus complexe.
Retrouvez ici les résultats de l'élection avec notre carte interactive.
Entre ces swing states imprévisibles, les surprises de son scrutin indirect (les citoyens élisent des grands électeurs, chargés à leur tour d'élire le président) et les caprices du vote électronique, francetv info a identifié les trois scénarios catastrophes qui menacent (un peu, voire très très peu) le déroulement des élections américaines, mardi 6 novembre.
1L'égalité parfaite
Les grands électeurs étant au nombre de 538, il faut obtenir la majorité absolue de 270 voix pour s’installer pour quatre ans dans le bureau ovale. Improbable, le cas d’une égalité parfaite – 269 voix pour Barack Obama et autant pour Mitt Romney – , reste néanmoins possible théoriquement. A hauteur de 0.4% de chance selon le blogueur-statisticien du New York Times, Nate Silver.
Comment c’est possible ? Les Etats américains se divisent en trois catégories : les Etats traditionnellement démocrates (Californie, New York, Illinois, etc.), les Etats traditionnellement républicains (Texas, Georgie, Indiana, etc.) et les swing states, susceptibles de basculer d'un côté comme de l'autre (Ohio, Floride, Iowa, etc.) Ils détiennent la clé de l'élection, mais aussi le pouvoir de verrouiller la situation.
Comment ? Pour le site 270towin (lien en anglais), il existe pas moins de 27 combinaisons pouvant mener à cette situation d'égalité, dont l'une d'entre elles est illustrée ci-dessous par la carte interactive du New York Times.
Comment s'en sortir ? Puisqu'il faut bien mettre quelqu'un à la Maison Blanche, la Constitution américaine (et plus précisément le 12e amendement, explique Politico) a prévu une solution pour départager les candidats en cas de "tie". Cette fois, ce ne sont plus les grands électeurs qui votent, mais la Chambre des représentants, d'ailleurs en partie renouvelée par un vote tenu le même jour que l'élection présidentielle. Bien qu'elle compte 435 membres (un parlementaire pour environ 400 000 citoyens), chaque Etat dispose à cette occasion d'une seule voix, quelle que soit sa population. Il faut donc 26 voix (sur 50), pour l'emporter.
2Un duo Romney - Biden
Dans le cas de figure vu plus haut, la Chambre des représentants – équivalent de notre Assemblée nationale – élit le président, tandis que la deuxième chambre, le Sénat, choisit le vice-président des Etats-Unis. Or, compte tenu des sondages, les élections de mardi devraient confirmer la situation actuelle, rapporte Le Monde.fr, soit une Chambre des représentants à majorité républicaine et un Sénat à majorité démocrate.
En d'autres termes, si ces chambres devaient élire le président des Etats-Unis conformément à leur couleur politique, le président serait Mitt Romney, et le rôle de vice-président reviendrait au colistier de Barack Obama, le démocrate Joe Biden . "La République survivrait", mais cet exécutif bi-partisan constituerait toutefois "un cauchemar pour notre système politique", imagine Politico.
3Etre élu avec moins de voix que l'adversaire
Autre spécificité du système électoral américain : la possibilité de remporter les élections grâce au vote "collégial" – les grands électeurs – en dépit d'un plus petit nombre de voix dites "populaires" – monsieur et madame Toutlemonde. Normalement, le vote populaire et le vote collégial vont dans le même sens. Toutefois, "il y a eu quatre exceptions, en 1824, 1876, 1888 et en 2000, où le collège électoral n'a pas élu le candidat ayant recueilli la majorité des suffrages populaires", détaille Slate.fr. Pour Nate Silver, cette option a 10% de chance de se produire cette année.
Comment c'est possible ? A l'exception du Maine et du Nevada, dont les grands électeurs votent démocrate ou républicain proportionnellement aux résultats du vote des citoyens, il suffit qu'un candidat obtienne la majorité des suffrages pour rafler automatiquement la voix de tous les grands électeurs de l'Etat.
En 2000, le démocrate Al Gore avait remporté le scrutin populaire au niveau national avec 50 996 582 voix, contre 50 456 062 pour George W. Bush, mais n'avait obtenu que 266 voix au collège électoral contre 271 pour George W. Bush.
Selon le site Politico (lien en anglais), une telle "victoire" menace davantage le président sortant. Comment ? En admettant que Mitt Romney remporte une victoire écrasante dans les Etats du Sud, traditionnellement républicains et qu'Obama l'emporte de justesse dans des bastions démocrates. Si les résultat se révèlent très serrés dans les fameux swing states et qu'Obama remporte l'Ohio, le Wisconsin et le Nevada, il pourrait griller Romney en nombre de grands électeurs, sans pourtant avoir convaincu une majorité d'Américains.
Comment s'en sortir ? Si le vote collégial l'emporte sur le vote populaire, le candidat malheureux peut, en cas de résultat très serré, demander un recompte des voix. Ainsi, en 2000, Al Gore avait demandé un recomptage manuel et plongé le pays dans un mélodrame de 36 jours, se souvient un blog de radio-Canada.
A l'issue de cette bataille juridique entre candidats, "la Cour suprême des Etats-Unis [avait fini] par trancher : on arrête le recomptage, on prend les chiffres en l’état. Bush sera président."
4Des candidats difficiles à départager
Si la nature du suffrage peut déboucher sur les situations tordues détaillées plus haut, le système électoral, "imprécis, coûteux et inefficace", selon une étude du Pew Center, menace également de troubler la bonne tenue des élections. Des morts inscrits sur les listes électorales (1,8 millions de personnes – quand-même), des personnes non-inscrites ou à l'inverse, inscrites dans plusieurs Etats... Les motifs de réclamations ne manquent pas et pourraient rythmer les jours qui suivent le scrutin.
Comment c'est possible ? Le vote anticipé, dont Barack Obama a fait la promotion, ou encore le vote par correspondance, parfois "jusqu'à la veille ou au jour même du scrutin, cachet de la poste faisant foi", précise Slate.fr, peuvent venir encore fausser les résultats en cas d'élection archi-serrée.
En outre, selon La Presse.ca, le vote électronique, largement répandu dans le pays, n'est pas exempt de défauts : "les systèmes de vote sont jugés insuffisants ou ont besoin d'être améliorés dans 20 Etats américains sur 50, estimait un rapport publié début 2012 par le département de droit de l'université Rutgers", rapporte le site québécois.
Et c'est sans compter sur les possibles conséquences de l'ouragan Sandy, lequel a frappé la côte Est fin octobre, faisant d'importants dégâts, notamment sur le réseau électrique. "Sans électricité, les machines électroniques fonctionneront aussi longtemps que leurs batteries seront en état de marche. Ça veut dire aussi que les électeurs qui votent manuellement ne pourront pas recevoir de scanners [un récépissé] pour identifier d'éventuelles erreurs de bulletins", note Thad Hall, chercheur de l'université d'Utah, cité par le site.
Comment s'en sortir ? Depuis "la débâcle" de 2000, "les équipes de campagne savent que dans un scrutin serré, elles devront se battre sur le recomptage ou aller au tribunal", explique Richard Hasen, professeur à l'université de Californie et auteur d'un nouveau livre sur "les guerres électorales" (The Voting Wars), cité par L'Express.fr. Dans ce cas, la justice viendrait confirmer ou infirmer la voix des urnes.
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