Départementales : en Corrèze, le PS bien parti pour perdre le fief de François Hollande
Sauf surprise, la droite devrait reprendre ce département du Limousin, conquis en 2008 par l'actuel chef de l'Etat.
La prise de guerre serait emblématique pour la droite. La Corrèze, fief du chef de l'Etat, est susceptible de basculer entre les mains de l'UMP lors des élections départementales des 22 et 29 mars. Ancré à gauche depuis l'arrivée de François Hollande à sa tête en 2008, le département est le théâtre d'un sévère rééquilibrage depuis les municipales de mars 2014. La gauche, qui tenait les quatre plus grosses communes, en a perdu trois (Brive-la-Gaillarde, Ussel et Malemort-sur-Corrèze) et n'a conservé que Tulle. Logiquement, au mois de septembre, les deux sièges corréziens au Sénat sont passés de gauche à droite.
"Qu'a-t-il apporté à la Corrèze, à part l'austérité ?"
Forte de cette bonne dynamique politique, la droite a donc toutes les chances de récupérer le conseil général (désormais appelé conseil départemental), sept ans après en avoir été dépossédé. D'autant que la majorité actuelle ne tient pas à grand-chose : la gauche compte 20 sièges (dont trois communistes), la droite 17.
"Une élection n'est jamais acquise, souligne le chef de file de la droite, Pascal Coste, mais des éléments objectifs nous permettent d'être confiants." "Sur le terrain, l'effet Hollande a disparu, assure à francetv info celui qui est aussi maire de la petite commune de Beynat. Certes, les gens ne le vomissent pas, mais ils se rendent compte qu'il souffre de la comparaison avec Chirac", l'autre monument du département. "Chirac a amené l'autoroute. Hollande, qu'a-t-il apporté à la Corrèze, à part l'austérité ?"
"C'est moins fort qu'en 2012, mais il conserve ici une certaine dose d'amitié et de confiance. C'est notre François !" vibre, en désaccord, la députée PS Sophie Dessus, élue dans l'ancienne circonscription de François Hollande. Le maire PS de Tulle et conseiller à l'Elysée Bernard Combes, par ailleurs candidat à la réélection dans son canton, reconnaît "une forme de mécontentement". Et si les Français ne sont pas confrontés à une austérité comparable à celle de l'Espagne, c'est grâce, selon lui, à la gauche, "qui défend les acquis sociaux".
Ni l'une ni l'autre n'osent admettre que la droite est la grande favorite du scrutin départemental. "C'est du 50-50", lâche pudiquement la députée, conseillant à la droite de ne pas crier victoire trop tôt. Bernard Combes, lui, considère l'élection comme "très ouverte".
Le PS lâché par ses alliés communistes
Mais la gauche semble bien mal embarquée. Pour la première fois depuis des lustres, les communistes n'ont pas fait alliance avec les socialistes. La gauche de la gauche a décidé de s'unir et de présenter des candidats dans tous les cantons. Dans une charte commune, le PCF, EELV, le Parti de gauche, Ensemble et Nouvelle Donne promettent de maintenir leurs candidats en cas de qualification pour le second tour, ce qui serait fatal au PS. "Dans le cas contraire, nous ne soutiendrons aucun-e candidat-e qui ne prendrait pas en compte les points essentiels de notre programme", préviennent-ils. Autrement dit, ils ne donneront pas de consigne de vote.
Pourquoi les communistes se sont-ils engagés dans cette stratégie qui offre un boulevard à la droite ? Alain Vacher, conseiller général communiste sortant, a participé à l'exécutif départemental comme vice-président chargé des collèges, sous la présidence de François Hollande, puis de son successeur, Gérard Bonnet. "La politique menée au niveau départemental me convenait parfaitement", concède-t-il.
C'est surtout le virage libéral opéré par le président de la République au niveau national qui ne passe pas. "Son ennemi était la finance, mais il a changé son fusil d'épaule une fois élu, jusqu'à rendre une visite de courtoisie aux milliardaires à Davos !" épingle Alain Vacher. L'élu communiste, également conseiller municipal d'opposition à Brive, se désole devant "les dotations de plus en plus faibles de l'Etat pour le budget des collectivités locales". Bref, pour lui, "les socialistes ne sont plus des alliés". Faute d'accord à gauche, les communistes, qui comptent trois élus dans l'assemblée sortante, risquent d'être privés de représentants au conseil départemental.
FN et redécoupage des cantons : deux inconnues
Deux éléments pourraient néanmoins venir perturber la victoire annoncée de la droite. D'abord, le Front national présente des candidats dans presque la moitié des cantons. Historiquement faible en Corrèze, le FN y a pourtant recueilli près de 20% des voix aux européennes de 2014.
Pour Sophie Dessus, maire d'Uzerche depuis 2001, les candidats FN "sont totalement inconnus". "On ne les voit pas, ils ne font pas campagne sur les marchés. Ce sont des personnes que Marine Le Pen a posées là pour compter ses pions", tacle-t-elle. Difficile de savoir à quel point de tels candidats peuvent nuire à l'UMP. "On ne sait pas ce que ça peut donner en milieu rural", note prudemment Pascal Coste.
L'autre grande inconnue, c'est la conséquence du nouveau découpage induit par la réforme du mode de scrutin par binômes, qui rebat totalement les cartes. Le nombre de cantons passe en Corrèze de 37 à 19. "C'est difficile d'en mesurer les effets", observe Pascal Coste. "Entre cette modification, le flou sur les compétences et le changement de nom de ces élections, certains électeurs sont un peu perdus et risquent de s'abstenir", craint le candidat UMP.
Les cantons supprimés sont surtout situés à la campagne. A l'inverse, Brive-la-Gaillarde conserve quatre de ses cinq cantons. Résultat : la plus grande ville de Corrèze (47 000 habitants) comptera huit élus au lieu de cinq. C'est ici, dans cette commune où le maire socialiste sortant, Philippe Nauche, a été sèchement battu en 2014, que pourrait se jouer l'éventuelle bascule du département.
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