Le Front national peut-il remporter des départements aux prochaines élections ?
La candidate frontiste Sophie Montel a échoué de peu à remporter la législative partielle dans le Doubs dimanche 8 février. Prochain objectif du FN : les départementales. Combien peut-il gagner de départements ?
Sérieux avertissement pour le PS et l'UMP. Le socialiste Frédéric Barbier l'a finalement emporté dimanche 8 février dans la 4e circonscription du Doubs, mais de peu : 51,43% des voix contre 48,57% pour la candidate frontiste Sophie Montel L'UMP Charles Demouge, lui, avait été éliminé dès le premier tour du scrutin.
Malgré sa défaite, le Front national s'est proclamé "grand vainqueur", au vu de son score, et pense déjà au coup d'après : les départementales des 22 et 29 mars 2015. La gauche détient 61 départements sur 101, dont 48 pour le seul PS. Quels départements risquent de passer au Front national ? Et combien ? A quoi va ressembler la séquence des départementales pour le parti de Marine Le Pen ? Tentative de réponse.
Le mode de scrutin désavantage le FN
Compilés par L'Internaute, les sondages sur les départementales se suivent et se ressemblent. Publié le 27 janvier, une enquête Odoxa pour la presse régionale établissait que le FN restait en tête des intentions de vote avec 26% (- 2 points) devant l’UMP à 23% (- 2 points) et le PS à 20% (+3 points). Gaël Slimane, président de l'institut Odoxa, le confirme à francetv info : "depuis décembre, dans nos sondages, le Front national arrive constamment en tête".
Mais il s'agit d'une enquête à l'échelon national, et non local. Directeur du pôle opinion de l'Ifop, Jérôme Fourquet explique à Francetv info qu'il est difficile d'en déduire quels départements le FN peut gagner ou non. "Les départementales, explique-t-il,sont une triple course d'obstacles pour le Front national. Il faut que ses candidats se qualifient au premier tour, gagnent au second, puis l'emportent dans une majorité de cantons." Les 98 conseils départementaux sont en effet renouvelés au terme d'un scrutin binominal mixte (deux conseillers départementaux de sexe différent) majoritaire à deux tours. Pour diriger le département, il faut ensuite qu'un parti emporte la moitié des cantons, ou passe des accords avec d'autres partis.
"Or, poursuit Jérôme Fourquet, cette dernière étape n'est pas la moindre : c'est très compliqué d'enchaîner dix victoires ou plus au second tour, dans les configurations du duel. A ce stade, il ne faut pas un sondage, mais dix ou vingt s'il y a dix ou vingt cantons, pour analyser les chances réelles du FN de l'emporter dans un département".
Il lui sera difficile de gagner un département
Il va être difficile, avec un tel scrutin, de remporter un département. Mais pas impossible. Le Front national peut-il être en mesure fin mars de diriger un département? Passage en revue des trois départements le plus souvent évoqués.
L'Aisne ? Le chercheur en sciences politiques Joël Gombin a bien voulu se prêter pour francetv info "au jeu du pronostic". Quels départements pourrait remporter le FN ? " Je verrais plutôt l'Aisne, a-t-il répondu. Les raisons ? "Il y a à la fois un niveau élevé du Front national et un rapport gauche/droite équilibré, contrairement au Var, par exemple, où le niveau du Front national est équivalent, mais où l'UMP devrait l'emporter dans les duels face aux Front national". Aux européennes, la liste emmenée par Marine Le Pen a récolté 40% des suffrages, dans l'Aisne.
L'Oise ? Ce n'est pas exclu car la "porosité" entre "l'UMP et le FN est forte ici", affirmait dans le JDD Sébastien Chenu, récemment passé de la formation de Nicolas Sarkozy au Rassemblement bleu Marine, et candidat aux départementales à Beauvais.
Aux européennes 2014, le Front national est arrivé en tête du département, avec 38,3% des suffrages. Michel Guiniot, secrétaire départemental du Front national dans l'Oise, rappelle à francetv info que la Picardie a été la première "région Front national" de France aux européennes, enregistrant plus de 38% des suffrages. Il se félicite d'avoir présenté dès dimanche 8 février à la presse ses "84 candidats" aux départementales. Enfin, il souligne que sur 21 cantons, 10 avaient voté FN à "plus de 40% aux européennes" et 8 autres cantons avaient donné "entre 30 et 40%" des voix à son parti.
Le Vaucluse ? Le Front national a décidé de partir tôt en campagne dans el Vaucluse puisqu'il a déjà investi 15 binômes sur 17, selon Le Figaro. Y compris "face à la Ligue du Sud, le microparti de Jacques Bompard, dans ses fiefs d'Orange, dont il est maire, et de Bollène, où sa femme, Marie-Claude, est élue." Ce qui risque de le perdre... Joël Gombin ne croit pas à "une victoire dans le Vaucluse où la concurrence Ligue du Sud / FN peut-être ravageuse pour l'extrême-droite." Aux européennes 2014, la liste du Front national, menée par Jean-Marie Le Pen, a recueilli 36,4% des voix dans le Vaucluse.
Mais son pouvoir de nuisance sera fort
Qu'il remporte ou non des départements, le Front national pourrait gagner entre 30 et 84 cantons, selon cette carte publiée le 3 décembre 2014 par Paris Match. Ce qui pourrait le placer en situation d'arbitre pour la présidence de certains conseils généraux, sauf accord entre l'UMP et le PS pour se passer de ses suffrages.
Crainte clairement exprimée par le sénateur UMP Eric Doligé, dans une déclaration à Public Sénat: "Non, le FN n’est probablement pas en mesure de prendre des départements. Mais il peut empêcher des majorités absolues de droite ou de gauche dans deux ou trois départements. Il y a probablement le Vaucluse, l’Oise et il peut y avoir l’Aisne."
Joel Gombin confirme le risque, dans un certain nombre de cas, de se retrouver dans la même configuration que lors des régionales de 1998 : avec des majorités relatives, et le Front national en position d'arbitre. Cinq présidents de région avaient alors été élus grâce au Front national, rappelle Slate.
La question, selon le politologue, n'est donc pas tellement "de savoir quels départements le FN va remporter, mais quel rôle il tiendra là où il aura une minorité de blocage". On va, estime-t-il, avoir des 'troisièmes tours'". L'UMP choisira-t-il de passer des "accords techniques" -soutien sans participation- avec le PS ? Avec le FN ?
En écho, Gaël Slimane estime que même si l'UMP sort objectivement gagnant du second tour, avec une "razzia" sur les sièges et les "départements", "ça va tanguer" dans les discussions pour le second tour. Avec le dilemme du Doubs (Front républicain ? stratégie du "ni-ni ?") dupliqué dans des dizaines d'endroits. Et l'impuissance de Nicolas Sarkozy à imposer sa ligne ?
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