Accusations de NKM : Anne Hidalgo a-t-elle quelque chose à se reprocher ?
La candidate PS à la mairie de Paris n'a jamais été condamnée pour "travail déguisé", comme l'affirme sa rivale UMP.
L'attaque qui a mis le feu aux poudres figure dans un "indiscret" du Journal du dimanche paru dimanche 31 mars. Entre autres choses, Nathalie Kosciusko-Morizet reproche à Anne Hidalgo, sa rivale dans la course à la mairie de Paris, d'avoir "été condamnée en 2012 à 20 000 euros d'amende pour travail déguisé à l'Atelier d'urbanisme de la Ville de Paris".
Depuis, les deux camps s'invectivent à coups de communiqués vengeurs. Anne Hidalgo, qui réfute ces accusations, a annoncé le dépôt d'une plainte en diffamation. L'élue socialiste a-t-elle vraiment été condamnée ? Que peut-il lui être reproché ? Francetv info tente de tirer cette affaire au clair.
1Sur quoi reposent les accusations de NKM ?
En 2010, le suicide d'une salariée provoque une enquête de l'Inspection du travail à l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur). Les investigations révèlent que cette association, présidée par Anne Hidalgo en tant que première adjointe au maire de Paris, ne respecte pas la législation sur la durée du travail. Le parquet décide alors de poursuivre l'Apur, ainsi que son directeur, Francis Rol-Tanguy.
Plus précisément, l'Apur est poursuivie dans deux procédures distinctes : l'une pour "emploi de salarié pendant les heures supplémentaires sans majoration de salaire conforme", l'autre pour "dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif" (fixée à 10 heures) et "dépassement de la durée maximale hebdomadaire absolue de travail" (fixée à 48 heures).
Dans le premier volet, l'association et son directeur ont été condamnés mais dispensés de peine par le tribunal de police. "En effet, la flexibilité du temps de travail au sein de l'APUR (...), à l'origine des contraventions poursuivies, participent d'un consensus partagé au sein du personnel", relève le jugement que s'est procuré francetv info. "Des mesures ont été ultérieurement mises en place par l'association afin d'éviter le renouvellement des infractions", souligne encore le tribunal pour expliquer sa clémence.
Dans le second volet, le tribunal de police a condamné l'Apur à 220 000 euros d'amende et son directeur à 50 000 euros. Mais début 2013, la cour d'appel de Paris, tout en les reconnaissant coupables, les a dispensés de peine : "L'Apur a non seulement payé les salariés concernés pour les heures supplémentaires qu'ils ont effectuées, mais aussi, pris les dispositions utiles au non-renouvellement des infractions reprochées, notamment par la mise en place de forfaits jours."
2Hidalgo n'apparaît nulle part dans la procédure
A aucun moment, ni le tribunal de police ni la cour d'appel ne font la moindre référence à Anne Hidalgo, pourtant explicitement visée par Nathalie Kosciusko-Morizet. "Madame Hidalgo n'a jamais été mise en cause dans cette affaire", confirme à francetv info l'avocat de l'Apur et de Francis Rol-Tanguy. Il précise que son client n'a jamais nié sa responsabilité, ni rejeté la faute sur la présidente de l'Apur.
Deuxième contre-vérité de la part de la prétendante UMP à la mairie de Paris : le motif de la condamnation. Selon les propos rapportés par le JDD, Nathalie Kosciusko-Morizet évoque le "travail déguisé", infraction qui n'existe pas dans le Code du travail. Dans un communiqué, son avocat, Me Jean-Yves Dupeux, parle de "travail dissimulé", communément appelé "travail au noir", un délit passible de trois ans de prison.
Or, les infractions pour lesquelles ont été condamnés l'Apur et son directeur (non-paiement des heures supplémentaires et dépassement de la durée du travail) sont beaucoup moins graves : il s'agit de contraventions punies d'une amende maximale de 750 euros. L'importance des sommes initialement réclamées par la justice s'explique par le fait que ces contraventions donnent lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés et de jours pris en compte.
3Quel rôle en tant que présidente du conseil d'administration ?
Si la justice n'a rien reproché à Anne Hidalgo dans la gestion de l'Apur, l'élue a-t-elle une responsabilité morale ?
Selon les statuts de l'Atelier parisien d'urbanisme, qui regroupe des organismes publics (Ville de Paris, région Ile-de-France, Etat, CAF, RATP, chambre de commerce...), l'association se réunit au moins deux fois par an en conseil d'administration, qu'Anne Hidalgo préside depuis 2008. Le conseil d'administration a pour but de fixer les grandes orientations, mais il est aussi "l'organe de décision et de contrôle interne pour la gestion administrative et financière".
Au quotidien, l'association est pilotée par un directeur général qui "assure la gestion administrative et financière". "A ce titre, il recrute et gère le personnel", indiquent encore les statuts. "En clair, c'est lui qui gère la boutique, résume un connaisseur du dossier. Il ne revenait pas à la présidente du conseil d'administration de compter le nombre d'heures effectuées par chacun des 85 employés !"
Mais pour le conseiller de Paris UMP Jérôme Dubus, qui siège au conseil d'administration de l'Apur, Anne Hidalgo est loin d'être une "présidente dormante". "Elle imprime une présidence très active, c'est notamment elle qui présente les projets de budget", affirme-t-il. Pour cet adversaire politique, l'adjointe socialiste a fait preuve "au minimum de légèreté, vraisemblablement de négligence" pour n'avoir pas mis fin à "une situation qui durait depuis l'an 2000, et la mise en place des 35 heures". Une critique d'autant plus cruelle qu'Anne Hidalgo a débuté sa carrière, à 24 ans, comme inspectrice du travail.
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