Circulaire Castaner : "une manipulation politique assez machiavélique", dénonce Damien Abad
Le député Les Républicains de l'Ain dénonce un "mépris et un irrespect des élus locaux" après la circulaire envoyée par Christophe Castaner aux préfets en amont des élections municipales en mars.
La circulaire Castaner sur les élections municipales constitue "une manipulation politique assez machiavélique", a déclaré lundi 20 janvier sur franceinfo Damien Abad. Dans un courrier adressé le 7 janvier, Christophe Castaner informe que les préfets n'attribueront plus de nuance politique aux candidats dans les communes de moins de 9 000 habitants pour les élections municipales.
Le "nuançage" consiste à attribuer une couleur politique aux candidats ayant déposé une liste "sans étiquette", par exemple "divers droite", "divers gauche", "centriste"... Une pratique contestée par nombre d'élus qui ne se retrouvent pas dans les nuances qui leur sont accolées. Le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée dénonce un "mépris et un irrespect des élus locaux" et espère que le Conseil d'Etat révèlera "l'illégalité" de cette circulaire.
franceinfo : Deux conseillers municipaux Les Républicains de l'Ain ont déposé un recours devant le Conseil d'Etat. Qu'en attendez-vous ?
Damien Abad : J'attends du Conseil d'Etat simplement qu'il juge de l'illégalité de cette circulaire et qu'il la suspende pour une raison très claire : cette circulaire est contraire à la hiérarchie des normes. Elle est contraire à un décret qui avait été pris et qui fait que l'expression politique doit être la règle pour toutes les communes de plus de 1 000 habitants. Or, cette circulaire dit que pour toutes les communes de moins de 9 000 habitants, il n'y aura plus besoin de nuance politique en tant que telle. Ensuite, cette circulaire est illégale parce qu'on crée une nouvelle catégorie "divers centre" dans laquelle, pour se rattacher, il suffit juste d'un soutien de La République en marche. Cela veut dire concrètement qu'il y a une différence entre La République en marche et les autres partis politiques, puisque les autres partis politiques ont besoin d'une investiture, là où La République en marche rejoint juste d'un soutien pour prendre des maires dans le giron de la majorité présidentielle. Et donc, c'est tout simplement un mépris et un irrespect des élus locaux et des maires qui ne veulent pas supporter ou porter la responsabilité de l'impopularité du gouvernement.
Et en quoi, pour vous, c'est un déni de démocratie ?
C'est un déni de démocratie, parce qu'on porte atteinte au droit à l'information des citoyens, parce qu'on porte atteinte à l'expression politique des communes de 6, 7 ou 8 000 habitants dans lesquelles il y a forcément des enjeux également politiques. Et elle porte atteinte à la sincérité du scrutin et à l'objectivité des résultats en tant que tels, car cela veut dire qu'on ne pourra pas savoir qui a gagné les élections municipales, quelles sont les forces politiques territoriales dans ce pays. Donc, l'objectif c'est de brouiller les pistes, de créer de la confusion et simplement d'altérer la sincérité du scrutin municipal.
C'est une manipulation politique assez machiavélique.
Damien Abadà franceinfo
La réalité, c'est que comme la majorité n'a pas de troupes, elle veut gagner sur tapis vert ce qu'elle n'est pas capable de gagner dans les urnes parce qu'elle manque d'ancrage territorial. Nous, nous disons très clairement qu'aujourd'hui, les maires ne peuvent pas être les porte-chapeau d'un gouvernement à la dérive. Prenons l'exemple de Toulouse demain avec un tel "nuançage" "divers centre", ça veut dire que Jean-Luc Moudenc, qui a une majorité d'élus Républicains sur sa liste, pourrait être nuancé par la préfecture comme "divers centre", donc dans le giron de la majorité présidentielle, alors même que la majorité de sa liste est composée de la société civile et d'élus Les Républicains. Ceci est juste anormal et ceci est une manipulation grossière que personne ne peut accepter.
Le gouvernement, lui, se défend et explique que c'est une réponse aux maires des petites communes qui réclament de ne pas se voir à accoler une étiquette partisane. Qu'en pensez-vous ?
En faisant cela ce gouvernement va politiser parce qu'il va coller une étiquette majorité présidentielle à des maires qui ne voulaient pas cette étiquette-là avec la catégorie "divers centre". Et puis, en ce qui concerne les communes de 1 000 à 9 000, il faut reconnaître quand même que ce n'est pas la même chose pour une commune de 1 000 habitants dont je comprends tout à fait qu'il ne faut pas politiser ce scrutin, que dans une commune de 7 000 ou 8 000 habitants comme La Grande-Motte ou Divonne-les-Bains où il y a forcément des enjeux et des forces politiques.
Vous faites quoi en cas d'échec au Conseil d'Etat ?
Je fais confiance aux institutions de la République, au Conseil d'État, qui est une autorité indépendante, et qui va juger de la légalité de cette circulaire. Après, nous verrons bien. Ce qui est sûr aujourd'hui, c'est que nous ne sommes pas tous seuls : d'autres partis politiques ont emboîté le pas, vont déposer des recours. Ça montre bien qu'il y a quand même un problème dans l'expression politique, c'est-à-dire que 96% du territoire français ne connaîtra plus aucune expression politique. Nous pensons qu'il y a aussi une France des territoires qui mérite le respect et la considération.
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