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Elections municipales 2020 : comment expliquer "la débâcle prévue" de la République en marche lors du second tour ?

La majorité présidentielle n'est pas parvenue à s'imposer dans les grandes villes, même lorsqu'elle s'est alliée avec la droite pour ce second tour. A Bordeaux, Strasbourg ou Lyon, LREM échoue face aux écologistes. 

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Le Premier ministre, Edouard Philippe, la candidate LREM à la mairie de Paris, Agnès Buzyn et le député de Paris Stanislas Guerini, le 10 mars 2020 à Paris.  (MAXPPP)

"Nous éprouvons une déception" face à des scores parfois "extrêmement décevants", a reconnu la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, dimanche 28 juin sur France 2. Dans les grandes villes françaises, la majorité présidentielle n'est arrivée en tête qu'au Havre (Seine-Maritime) avec Edouard Philippe, lors du second tour des élections municipales, dimanche. La République en marche (LREM) subit ainsi de lourdes défaites à Bordeaux, Strasbourg et Lyon face aux écologistes, malgré des alliances avec la droite. 

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Si le Premier ministre, Edouard Philippe, l'emporte confortablement au Havre avec près de 59% des voix, les scores de candidats de la majorité présidentielle sont décevants dans nombre de grandes villes françaises, comme à Paris où Agnès Buzyn ne recueille que 13,3% des voix, arrivant troisième derrière Anne Hidalgo (48,7%) et Rachida Dati (33,8%), d'après une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France et les chaînes parlementaires.

"Il y a des endroits où notre propre division interne a conduit à des scores extrêmement divisants", a souligné Sibeth Ndiaye. Comme à Paris avec la candidature de Cédric Villani, LREM avait enregistré en effet, au cours de cette campagne, des dissidences dans un tiers des 50 plus grandes villes françaises, relèvent Les Echos.

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"Bien sûr qu'il y a une déception", mais "nous étions entrants dans cette élection municipale", a tempéré le député de Paris et délégué général de LREM, Stanislas Guerini, dimanche soir sur France 2. "Quand on est entrant, c'est difficile. C'est une étape pour un jeune mouvement", a-t-il insisté. 

La suite logique d'un premier tour difficile

"C'est une débâcle prévue. Je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement", analyse auprès de franceinfo le politologue Olivier Costa, chercheur au CNRS et à Sciences Po Bordeaux, et auteur d'un article sur "le difficile atterrissage municipal de LREM"

Cette campagne pour le second tour s'annonçait en effet difficile pour La République en marche, après de premiers scores très décevants le 15 mars. Si deux membres du gouvernement (Gérald Darmanin et Franck Riester) avaient été réélus dès le premier tour dans leurs villes de Tourcoing (Nord) et Coulommiers (Seine-et-Marne), seuls 13 maires ayant l'étiquette LREM l'avaient emporté le 15 mars, relève la fondation Jean-Jaurès. Celle-ci ajoute que "30 % des maires qui avaient pris l'étiquette LREM sont réélus, ce qui, là aussi, marque une contre-performance". A l'issue du premier tour, le mouvement d'Emmanuel Macron comptait ainsi seulement 268 conseillers municipaux élus, contre 3 539 pour Les Républicains et 1 810 pour le Parti socialiste, ou encore 1 072 pour le Parti communiste français, note Libération dans sa rubrique Checknews

Dans les grandes villes, le parti était souvent arrivé en troisième position le 15 mars, comme à Besançon (Doubs), à Lille ou encore à Rennes, tout en étant éliminé à Limoges (Haute-Vienne), Montpellier ou Dijon (Côte-d'Or). Même résultat dans des villes particulièrement visées par la formation politique, comme à Paris (17,26%) ou Bordeaux (12,69%). "Les résultats ont été vraiment très mauvais au premier tour : aucun député La République en marche n'a fait plus de 20% au premier tour. Souvent, ils faisaient moins de 10%", poursuit Olivier Costa. 

Un ancrage local quasi inexistant

Pour ce scrutin, "on part de zéro sur le terrain", reconnaissait dès février auprès de franceinfo François Patriat, chef de file des sénateurs LREM. Le parti n'avait "pas de candidat investi dans la très grande majorité des communes", rappelle Olivier Costa dans son article pour The Conversation. La République en marche s'était d'ailleurs fixée un objectif chiffré modeste, de l'ordre de 10 000 conseillers municipaux à l'issue du scrutin — moins de 2% des 525 000 élus municipaux en France. "Nous avons besoin d'avoir cette implantation locale", a concédé Sibeth Ndiaye dimanche soir sur France 2. 

Pour le politologue Olivier Costa, "LREM avait extrêmement peu de ressources à l'échelle locale" pour affronter ces élections municipales. "C'est un parti qui a trois ans et qui a refusé pendant longtemps l'idée même d'être un parti, en allant jusqu'au local avec des personnes sur le terrain, qui mènent campagne, détaille-t-il. Et quasiment tous les maires sortants ne sont pas LREM. Ces gens-là bénéficient d'une grande prime."

LREM se découvre sans aucune ressource sur le terrain pour tracter, pour les réunions publiques, sans leader au niveau local.

Olivier Costa, politologue

à franceinfo

"C'est un parti qui a négligé l'implantation territoriale", confirme auprès de franceinfo le politologue Pascal Perrineau, évoquant un "très faible nombre de candidats" et des campagnes "extrêmement laborieuses".

A cela s'ajoutait "un contexte difficile" à l'échelle nationale, poursuit Olivier Costa. "Nous sommes au creux de la vague dans le mandat présidentiel. Il y a le Covid-19, il y a eu les 'gilets jaunes', la crise économique... C'est assez compliqué pour le président, et cela permet à l'opposition de se refaire", développe le chercheur. "On a une opinion publique très critique sur la gestion par le gouvernement de la crise du coronavirus, avec un niveau très fort d'inquiétude de l'électorat sur le pouvoir d'achat", commente également Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Un contexte qui a visiblement profité aux candidats écologistes dans les grandes villes.

Les alliances à droite, un raté

Pour pallier ce manque d'implantation locale, des alliances ont été scellées en vue du second tour, en particulier avec des listes de droite. LREM, interrogée par Checknews, explique ainsi que sur 296 listes "investies ou soutenues" par le mouvement et présentes au second tour "dans les villes de plus de 9 000 habitants (hors arrondissements Paris-Lyon-Marseille)", moins de la moitié (125) sont "autonomes ou alliées avec le centre". Par ailleurs, 33 se sont alliées avec la gauche, et pas moins de 76 ont dû trouver des accords avec la droite pour avoir une chance de gagner. 

A Strasbourg par exemple, le marcheur Alain Fontanel et le candidat LR Jean-Philippe Vetter (respectivement 19,86% et 18,26% des voix au premier tour) ont annoncé une alliance début juin, tout comme à Bordeaux où le candidat LREM Thomas Cazenave (12,69% des votes le 15 mars) a rallié la liste du maire LR sortant Nicolas Florian (34,55% des voix au premier tour). Un rapprochement entre les candidats de la majorité présidentielle et des Républicains s'est également opéré à Tours (Indre-et-Loire) et à Aurillac (Cantal). 

Des alliances controversées, voire contestées au sein même du mouvement, qui a retiré son soutien à huit listes alliées. Le candidat LREM à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Eric Faidy, a perdu son investiture après s'être allié à Jean-Pierre Brenas, à la tête d'une liste LR-MoDem. Même cas de figure à Lyon, où Gérard Collomb et Yann Cucherat ont perdu le soutien de LREM pour la métropole et la mairie, après avoir scellé une alliance avec Les Républicains. 

Et dans ces grandes villes, cette stratégie d'alliance avec la droite n'a finalement pas payé, sauf à Toulouse, où Jean-Luc Moudenc (LR-LREM) l'emporte avec 51,6% des voix, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria. Ailleurs, OIivier Costa parle d'un "suicide politique". A Strasbourg, Alain Fontanel arrive deuxième avec 34,95% des voix, derrière Jeanne Barseghian (EELV-PCF) qui recueille 41,7% des voix, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria. Même scénario à Lyon, où selon cette estimation, Yann Cucherat n'obtient que 30,8% des voix, très loin derrière l'écologiste Grégory Doucet (52,4%). Quant à Bordeaux, pourtant à droite depuis 1947, Nicolas Florian arrive deuxième avec 43,2% des voix, d'après cette même estimation. 

Ils se sont leurrés. LREM s'est privée de 50% de ses électeurs.

Olivier Costa, politologue

à franceinfo

Faire alliance avec la droite était "faire très peu de cas du fait qu'une majorité d'électeurs LREM en 2017 venaient de la gauche", analyse Olivier Costa. Le chercheur cite notamment le cas de Bordeaux, où Nicolas Florian "travaille avec des personnes issues de la droite traditionaliste", bien loin des électeurs du mouvement proches de la gauche.

L'exception havraise, celle d'Edouard Philippe  

Dans la ville du Havre (Seine-Maritime), le Premier ministre, Edouard Philippe, l'emporte largement avec 58,83% des voix, face à son rival Jean-Paul Lecoq, député du PCF. Ce dernier avait recueilli pas moins de 35,88% des suffrages lors du premier tour, contre 43,6% pour le chef du gouvernement, maire de la ville portuaire entre 2010 et 2017. 

Avec une abstention très incertaine et cette percée solide du candidat communiste le 15 mars, une large victoire d'Edouard Philippe n'était pas assurée. Il y a deux semaines, un sondage Ifop créditait le Premier ministre de 53% des intentions de vote au second tour, contre 47% pour Jean-Paul Lecoq. L'ancien maire bénéficiait toutefois d'une popularité en hausse à l'échelle nationale, avec 48% d'opinions favorables d'après un sondage Odoxa pour CGI, la presse régionale, France Inter et L'Express. Un regain de popularité lié à son rôle dans la gestion de la crise du coronavirus. Une fusion manquée entre les listes de Jean-Paul Lecoq et de l'écologiste Alexis Deck (8,28% des voix au premier tour) a aussi pu jouer en sa faveur. 

"C'est une large victoire, liée à la très bonne image qu'Edouard Philippe a eue et s'est construite pendant la crise sanitaire", analyse auprès de franceinfo le politologue Pascal Perrineau. "Il y a eu un effet d'image extrêmement fort qui le détache de l'impopularité du président de la République", poursuit-il. Une victoire néanmoins en demi-teinte pour LREM, le Premier ministre n'étant toujours pas encarté au parti.

Pour d'autres candidats sans alliance avec la droite ou la gauche pour le second tour, les résultats sont aussi décevants dans plusieurs grandes villes. A Lille par exemple, Violette Spillebout arrive troisième avec 20,58% des voix, d'après une estimation Ipsos/Sopra Steria. A Nantes, Valérie Oppelt est elle aussi troisième avec 12,68% des voix. 

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