Municipales : les villes que la gauche espère gagner
Après la vague rose de 2008, la gauche se prépare à un reflux. Mais le PS et ses alliés convoitent quelques villes. Tour d'horizon.
Les élections municipales des 23 et 30 mars devraient, selon toute logique, rééquilibrer le rapport gauche-droite. En 2008, une mini-vague rose avait permis à la gauche de ravir 37 villes de plus de 30 000 habitants à la droite, devenant ainsi majoritaire (149 villes contre 107, selon le site France-Politique.com). Si un reflux est attendu, le PS et ses alliés lorgnent toutefois quelques villes. Tour d'horizon.
Marseille : miser sur l'usure de Gaudin
Une victoire à Marseille permettrait à la gauche d'occulter une éventuelle défaite sur le plan national. Pour gagner, Patrick Mennucci (PS) compte surtout sur l'usure d'un Jean-Claude Gaudin maire (UMP) depuis dix-huit ans, et qui brigue un quatrième mandat.
Les jeux s'annoncent toutefois serrés. La primaire socialiste a laissé des traces : la sénatrice Samia Ghali a eu du mal à digérer sa défaite et la ministre Marie-Arlette Carlotti, qui s'attaque au très stratégique 3e secteur (4e et 5e arrondissements), en est ressortie considérablement affaiblie. Enfin, il n'est pas impossible qu'une poussée du Front national rende la situation particulièrement complexe en privant et l'UMP et le PS de majorité absolue au conseil municipal.
Aix-en-Provence, Montauban, Calais, Corbeil : combattre des maires contestés
Aix-en-Provence. Après avoir perdu son siège de députée en 2012, la maire UMP sortante, Maryse Joissains, menacée par la justice dans une affaire d'emploi fictif, pourrait cette fois perdre la ville. Son ancien premier adjoint, Jean Chorro (UMP), s'est allié avec l'UDI Bruno Genzana, un attelage à bord duquel a pris place Salima Saa, une valeur montante de l'UMP. La situation paraît favorable pour Edouard Baldo, qui a remporté la primaire PS. Cependant, plusieurs socialistes, dont Alexandre Medvedowsky, candidat PS en 2008, ont rejoint le MoDem François-Xavier de Peretti. Jacky Lecuivre, candidat malheureux à la primaire PS, a, lui, rallié la candidature de l'ancien bâtonnier Jean-Louis Keita (sans étiquette).
Montauban. Dérapages homophobes, privation de cantine pour les enfants d'étrangers, refus de marier un couple franco-tunisien… Le mandat de Brigitte Barèges a été émaillé de multiples polémiques. Elue en 2001, réélue en 2008 avec seulement 166 voix d'avance, elle a été largement battue aux législatives en 2012 par la socialiste Valérie Rabault. La députée se retrouve justement sur la liste menée par l'ancien maire PS Roland Garrigues.
Calais. Ville communiste de 1971 à 2008, Calais pourrait rebasculer à gauche. La maire UMP Natacha Bouchart, qui a fait polémique ces dernières semaines en appelant ses administrés à dénoncer par mail les squats de migrants, devra faire face à une sévère concurrence à droite. François Dubout, qui avait atteint le second tour en 2008 sous les couleurs du FN, monte une liste "divers droite". Le Front national, représenté par Françoise Vernalde, monte sa propre liste. A gauche, le premier tour dira qui, de l'ancien maire Jacky Hénin (PCF) ou du député Yann Capet (PS), est le mieux placé pour (re)conquérir la mairie.
Corbeil-Essonnes. L'élection de 2008, gagnée de justesse par Serge Dassault (UMP), a été annulée, de même que l'élection partielle organisée en 2009, remportée par son bras droit, Jean-Pierre Bechter. Il a fallu une troisième élection pour confirmer ce dernier au poste de maire. Cerné par les affaires, l'élu UMP, mis en examen dans une affaire d'achat de votes, se porte à nouveau candidat en 2014. Dans ce contexte lourd, la gauche rêve de reprendre la mairie, mais a du mal à s'unir. Le député socialiste Carlos Da Silva, proche de Manuel Valls, et le communiste Bruno Piriou devraient ainsi mener chacun une liste.
Nancy, Avignon, Bayonne : profiter du vide laissé par les sortants
Dans plusieurs villes, des maires sortants qui ont marqué l'histoire de leur territoire ne se représentent pas. Des situations délicates pour les équipes en place, surtout lorsque ces communes votent majoritairement à gauche lors des élections nationales.
Nancy. Après trente années de mandat, le centriste André Rossinot raccroche. L'UDI Laurent Hénart, qui fait figure de successeur naturel, a reçu le soutien de l'UMP. Mais réussira-t-il à faire oublier la figure tutélaire de la ville ? Le PS, représenté par Mathieu Klein, va tenter de surfer sur les résultats électoraux de 2012 : ville habituellement de droite, Nancy a voté Hollande à 55% au second tour, et la socialiste Chaynesse Khirouni a pris à Laurent Hénart son siège de député.
Avignon. Cécile Helle (PS) va tenter de reprendre cette ville perdue par la gauche en 1995. La maire sortante (UMP) Marie-Josée Roig, fragilisée par un scandale d'emploi fictif dont elle aurait fait bénéficier son fils, ne se représente pas. Le candidat désigné, Bernard Chaussegros, a certes réussi à rallier plusieurs élus de l'équipe sortante qui menaçaient d'entrer en dissidence, mais le score du FN pourrait être déterminant. Philippe Lottiaux, énarque, ancien directeur de cabinet de Patrick Balkany à Levallois-Perret et humoriste à ses heures perdues, est en effet susceptible de provoquer une triangulaire qui handicaperait l'UMP.
Bayonne. C'est la fin de l'ère Grenet, qui remonte à 1959 avec l'élection d'Henri Grenet, maire jusqu'en 1995, date à laquelle son fils a pris le relais. Le radical Jean Grenet, lourdement battu aux législatives en 2012, a décidé de passer la main. Echaudé par les dissensions locales entre la droite et le centre, il ne soutient que du bout des lèvres la liste UDI-UMP menée par son premier adjoint, Jean-René Etchegaray. Une aubaine pour Henri Etcheto (PS), dont la capacité à draguer les régionalistes pourrait s'avérer déterminante au second tour.
Le Havre, Perpignan, Mulhouse : tirer parti de la faible notoriété du maire
Dans plusieurs villes, la gauche espère tirer profit d'un relatif manque de notoriété du maire sortant. Au Havre, à Perpignan ou à Mulhouse, le maire a pris ses fonctions en cours de mandat, après la démission de son prédécesseur. Chacun d'eux mènera donc pour la première fois une élection municipale en son nom.
Le Havre. Edouard Philippe (UMP), devenu maire en 2010, réussira-t-il à conserver la ville dirigée pendant quinze ans par Antoine Rufenacht dans le giron de l'UMP ? Le bilan de la municipalité actuelle pourrait peser lourd dans cet ancien bastion communiste où François Hollande a dépassé les 58% au second tour de la présidentielle. A gauche, deux listes devraient se départager au premier tour : celle du PCF, dirigée par Nathalie Nail, et celle du PS, des Verts et du PRG, emmenée par le socialiste Camille Galap.
Perpignan. La "fraude à la chaussette" constatée lors de l'élection de 2008, gagnée de justesse par l'UMP Jean-Paul Alduy, avait provoqué l'annulation du scrutin. Une seconde chance que n'avait pas su saisir la gauche en 2009, Jean-Paul Alduy ayant été largement réélu. Quelques semaines plus tard, ce dernier avait décidé de passer la main à son premier adjoint. C'est donc Jean-Marc Pujol qui va mener ce nouveau round. Comme en 2008, Louis Aliot (FN), qui rêve d'une victoire, pourrait tout au moins provoquer une triangulaire compliquée pour l'UMP. Si la gauche veut gagner, un terrain d'entente devra toutefois être trouvé entre le socialiste Jacques Cresta et l'écologiste (ex-PS) Jean Codognès.
Mulhouse. Le changement de parti de l'ex-socialiste Jean-Marie Bockel, devenu ministre de Nicolas Sarkozy en 2007, continue à faire de Mulhouse un cas à part. Réélu maire de justesse en 2008 avec le soutien de l'UMP et du centre, Jean-Marie Bockel (Gauche moderne) a laissé sa place en 2010 à son premier adjoint, l'UMP Jean Rottner. Une passation controversée pour une partie des élus mulhousiens, qui réclamaient une nouvelle élection. Cette année, Jean Rottner, certes soutenu par Bockel, devra rassembler suffisamment de suffrages sur son nom pour devancer le socialiste Pierre Freyburger et la frontiste Martine Binder, qui devrait provoquer une triangulaire.
Et aussi…
D'autres villes figurent sur le tableau de chasse de la gauche. C'est le cas de Douai, où Jacques Vernier, maire depuis 1983, ne se représente pas. A Saint-Quentin, Xavier Bertrand pourrait être victime d'une triangulaire avec le FN. A Saint-Brieuc, la gauche, majoritaire lors des scrutins nationaux, espère empêcher Bruno Joncour (MoDem) d'effectuer un troisième mandat. A Châteauroux, la succession de Jean-François Mayet (UMP), qui ne se représente pas, est périlleuse pour la droite, tout comme celle du radical Serge Lepeltier à Bourges. En région parisienne, Garges-lès-Gonesse et Melun sont les deux principales villes dans le viseur du PS et/ou de ses alliés.
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