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Municipales : pourquoi l'UMP a fait le deuil de Neuilly

Dans le fief de Nicolas Sarkozy, le parti soutient l'UDI Jean-Christophe Fromantin. Le maire sortant est à la tête d'une liste qui se veut sans étiquette.

Article rédigé par Salomé Legrand - A Neuilly-sur-Seine,
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'hôtel de ville de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), le 12 février 2008. (JEAN AYISSI / AFP)

Il n’y aura pas de candidat UMP aux prochaines élections municipales à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), l'ex-fief de Nicolas Sarkozy. Le maire actuel, Jean-Christophe Fromantin, UDI même s'il se présente sans étiquette, a trouvé un accord avec Roger Karoutchi, le secrétaire départemental de l'UMP, lundi 6 janvier. Reste à la commission nationale d'investiture de trancher.

Elu à l’issue de l'épique campagne de 2008, Fromantin se dirige toutefois fois vers un second mandat, et espère une campagne "dans l'apaisement". Voici pourquoi l'UMP a fait le deuil de Neuilly. 

 Parce que Fromantin s'est bien implanté

Jean-Christophe Fromantin réalise un coup de maître en 2008, à l'issue du psychodrame qui voit trahisons et échanges incendiaires troubler le calme de la ville au plus haut revenu médian par habitant de France. David Martinon, un temps soutenu par le clan Sarkozy, est lâché à peine un mois avant le premier tour et se retire de la course. Au bout du compte, Fromantin, nouveau venu en politique, ravit la mairie avec 61% des voix. "La revanche de l'argenterie de famille sur le bling-bling", selon Jean-François Minne, un de ses ex-coéquipiers, auteur de Hold-up sur la mairie de Neuilly (éditions Pascal Galodé, juin 2008).

Et Jean-Christophe Fromantin s'en vante, il a "désarkoïsé" Neuilly, rappelle Le Monde Magazine (lien payant), qui décrit sa méthode. Marié, père de quatre enfants, catholique engagé, chef d'entreprise, il colle parfaitement aux critères des Neuilléens, dont le profil à quelque peu évolué ces dernières années. "En dix ans, on est passé des manteaux de vison aux nannies avec poussettes multiples", caricature Marie, militante UMP, emmitouflée dans un grand châle noir à la permanence du parti à Neuilly. "La population s'est renouvelée, on a de plus en plus de quadras, cadres sup' ou professions libérales qui viennent chercher un cadre de vie", confirme Franck Keller, candidat divers droite à l'hôtel de ville.

"JCF" l'a bien compris, qui joue à fond sur la communication. Et le passionné de voile et de marathon d'inviter par exemple les habitants à courir avec lui le dimanche matin. Il a été rejoint par plusieurs adjoints UMP passés de l'opposition à la majorité en cours de mandature. "On a vu des anti-Fromantin endurcis considéraient que finalement, faute de grives on mange des merles", explique Sabine, militante dans le département depuis 15 ans.

Parce que l'UMP a passé un deal avec le maire

"Le bureau départemental de l'UMP a proposé lundi soir à la commission nationale d'investiture d'apporter le soutien officiel du parti à M. Fromantin", a annoncé le sénateur UMP Roger Karoutchi. Le baron local précise : "Un tour de table a été fait et la quasi-unanimité des membres du bureau se sont ralliés à cette proposition."

"Les élus du conseil municipal avaient attiré l'attention de l'UMP sur la nécessité d'investir un candidat (...) et prennent acte du compromis signé entre messieurs Fromantin et Karoutchi sans en connaître aucune des modalités, ni même s'il s'agit d'un 'accord entre amis'", ont regretté de concert deux conseillers UMP de la majorité municipale, Valérie Gallais et Michel Deloison, deux d'opposition, Arnaud Teullé et Florence Maurin-Fournier, et un ancien UDI, Jean-François Rouzières.

Franck Keller va plus loin pour expliquer cet accord : "Il s'agit de sauver la tête de Jean Sarkozy : en échange d'un soutien à la mairie, Fromantin ne présente personne dans le canton sud l'an prochain." Un "pacte de Neuilly" déjà évoqué par France inter en octobre 2013.

Parce que l'UMP ne veut pas être facteur de divisions

Malgré ses yeux bleus qui pétillent à l'idée de refaire tomber la mairie de "Nicolas" dans l’escarcelle de l’UMP, "un symbole", Sabine estime qu'il est "trop tard pour se lancer" : "C’est plus facile quand c’est de la vraie opposition." "Même nous qui sommes 'tatata tatata', confie-t-elle en mimant quelqu’un qui sonne la charge, on a du mal à être vraiment contre Jean-Christophe Fromantin." 

Sur 45 élus, le conseil municipal ne compte que cinq élus d'opposition, tous UMP ou divers droite. Pas un "socialo-communiste", selon l'appellation consacrée le long des boulevards neuilléens. Les militantes ont bien quelques reproches à faire au maire et député, mais pour la forme : "trop psychorigide""pas assez ouvert vis-à-vis de l’UMP", et même "ambigu" dans ses rapports avec l’UDI (prononcez U-di), dont Fromantin rédige le projet présidentiel tout en rejetant l'étiquette pour sa candidature à Neuilly.

Devant une vitrine de pulls en cachemire crème, Colette lui trouve "l'air très équilibré". Avant de préciser: "Attention, ce n'est pas quelle que soit l'étiquette, c'est tant qu'il n'est pas à gauche." "Au niveau national, l'UMP veut donner une image de rassembleur", abonde Michel Deloison. "On essaie d'être lucide, de ne pas chercher la guerre inutilement, surtout qu'on est issus de la même famille, la droite", martèle dans le même sens Anthony Dodeman responsable du parti pour Neuilly, qui réfute tout abandon de la ville par l'UMP. 

Parce qu'il n'y avait pas de candidat incontesté à l'UMP

Premier à refuser de s’aventurer sur ce "terrain médiatiquement abrasif": Jean Sarkozy. Dès décembre, le fils de l’ancien chef de l'Etat jurait au Lab : "Je ne serai candidat sur aucune liste à Neuilly pour ces élections municipales."

Sans conviction, l’UMP a, selon Le JDD, testé trois noms, dont Michelle Alliot-Marie, via un sondage mi-décembre. Mais l'ancienne ministre aurait préféré viser une tête de liste de l’UMP aux européennes dans le Sud-Ouest. Autre candidate potentielle : Constance Le Grip, 53 ans, ancienne conseillère parlementaire de Nicolas Sarkozy et députée européenne.

Mais aussi Bernard Lepidi, 63 ans, théoriquement suspendu après sa candidature dissidente aux législatives de 2012, mais dans le lot malgré tout. Pas abattu par l'avis de la fédération, ce dernier compte "redire au niveau national sa volonté d'être candidat", quitte à "demander à Nicolas Sarkozy d'intercéder en sa faveur".

Seul à foncer coûte que coûte : Franck Keller, 42 ans, cadre supérieur dans le secteur immobilier. En campagne depuis juin, il a un temps demandé l'investiture UMP avant de retirer sa requête. "Je ne me retrouve pas dans les valeurs des dirigeants UMP de Neuilly", assène-t-il à franctev info. Il les accuse de servir leurs intérêts politiciens sans se soucier des habitants. Tout en admettant : "Il y a plus de coups à prendre qu’à gagner."

"C’est comme Benoît XVI après Jean-Paul II, c’est difficile de passer après Nicolas [Sarkozy]", résume Sabine dans la permanence locale de l'UMP, aux murs bleus recouverts d'affiches plus ou moins défraîchies. 

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