A quoi ressemblerait la France de Nathalie Arthaud ?
Si elle est élue présidente de la République, la candidate de Lutte ouvrière entend entre autres interdire les licenciements et augmenter le smic à 1 800 euros net.
Nathalie Arthaud, candidate de Lutte ouvrière (LO) à l'élection présidentielle, pour la deuxième fois, est "fière" d'être la seule candidate communiste révolutionnaire à l'élection, écrit-elle sur son site. "Quand on est un salarié, quand on est un chômeur, quand on appartient à la classe populaire, voter pour Valls, pour Macron, pour Fillon, pour Le Pen, c'est voter contre son camp, c'est voter contre ses intérêts, et c'est tendre le bâton pour se faire battre", martèle la professeure d'économie et gestion à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), qui se présente, comme Arlette Laguiller en son temps, comme la candidate des "travailleuses et travailleurs". Alors, que signifie voter Lutte ouvrière ? Franceinfo vous raconte la France rêvée de Nathalie Arthaud, à travers son programme.
Economie : "interdiction des licenciements" et "smic à 1 800 euros"
Depuis la première candidature d'Arlette Laguiller en 1974, le discours a peu changé. Lutte ouvrière veut défendre les "petits", "les exploités", qu'ils soient "artisans, commerçants, ouvriers, paysans", contre la "bourgeoisie".
C'est l'une de ses trois propositions phares. Nathalie Arthaud souhaite d'abord interdire "les licenciements et les suppressions d’emplois, en commençant par les entreprises qui font des bénéfices". La candidate estime en effet que le chômage "résulte de la guerre que livre le patronat pour maintenir et augmenter ses profits". Selon les calculs de cette prof d'économie, les 56 milliards d'euros de dividendes versés aux actionnaires des entreprises du CAC40, en 2016, auraient pu permettre "l’embauche de 1,5 million de travailleurs dans les services publics ou la construction de 170 grands hôpitaux ou la construction de 500 000 logements".
En résumé, "il faut prendre sur les profits pour répartir le travail entre tous, sans perte de salaire". Pour cela, la candidate veut "mettre fin à la propriété privée des moyens de production, des usines, des banques, des transports et des grandes chaînes de distribution". En un mot : nationaliser, pour "éradiquer le chômage". Cela passe aussi par une réduction du temps de travail, comme l'envisage Jean-Luc Mélenchon, avec les 32 heures. Mais la candidate ne précise pas à combien d'heures elle veut réduire le travail hebdomadaire. Nathalie Arthaud prévoit aussi le retour de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans et la réduction de la durée de cotisation à 37,5 annuités.
Travailler moins, mais gagner plus. Nathalie Arthaud entend également "augmenter les salaires et les pensions de 300 euros" et fixer le smic à 1 800 euros net mensuels. "C'est un minimum pour vivre, pour pouvoir se chauffer, payer son loyer, payer des études à ses enfants, pouvoir réparer sa voiture quand elle tombe en panne", argumente-t-elle. La candidate communiste veut aussi instaurer un montant minimum de retraite, équivalent à ce smic. Pour le pouvoir d'achat des "travailleurs" qu'elle défend, Nathalie Arthaud envisage en outre de supprimer la TVA, considérée comme un "impôt injuste" et estime qu'il faudrait "faire reposer la fiscalité exclusivement sur les profits du capital".
Elle met également l'accent sur l'accès au logement. Citant la Fondation Abbé-Pierre, elle estime qu'il faudrait construire "au moins 500 000 logements neufs par an". "Pour cela, il faut que l’Etat embauche directement tous les professionnels nécessaires à la construction de logements sociaux de qualité, à un prix abordable". En attendant, la candidate LO juge indispensable "d’interdire les expulsions locatives, d’encadrer les loyers dans le parc immobilier privé et de réquisitionner les logements vacants".
Nathalie Arthaud veut enfin imposer "la transparence des comptes des entreprises, lever le secret bancaire et le secret des affaires". Permettre aux salariés d'avoir accès aux comptes de leur entreprise et d'échanger des informations leur permettrait de "constater que les licenciements et les suppressions d’emplois sont le plus souvent le résultat d’une politique et d’un choix, celui des capitalistes de privilégier leurs profits au détriment des emplois et des salaires", justifie-t-elle.
Société : "véritable laïcité" et "régularisation de tous les sans-papiers"
Suivant la doctrine marxiste, Nathalie Arthaud ne se prononce pas "pour l’interdiction des religions", mais milite "contre leur influence". Elle défend donc une laïcité stricte qui "imposerait d'arrêter toute forme de subvention à l'enseignement religieux". C'est d'ailleurs la seule proposition concrète de Nathalie Arthaud concernant l'éducation. A ce chapitre, la candidate annonce seulement qu'il "faudrait consacrer l’agent public à l’éducation au lieu de la distribuer, à perte, au grand patronat".
La religion doit donc, pour la candidate, rester dans la sphère privée. Pour autant, Nathalie Arthaud se prononce "contre le port du voile, pas pour des raisons de laïcité", mais parce qu'elle y voit "le symbole de l'oppression de la femme". Mais elle est opposée à l'interdiction du voile à l'université. Nathalie Arthaud se targue par ailleurs d'appartenir à la première organisation politique qui ait présenté une femme, Arlette Laguiller, à l’élection présidentielle de 1974.
Sa "lutte contre l'oppression des femmes" la conduit par ailleurs à s'opposer à la prostitution, fruit "de sociétés d'exploitations où tout peut devenir une marchandise". Si elle ajoute que les lois actuelles ne protègent pas les personnes prostituées, la candidate ne propose pas d'alternative, et considère que la sortie du capitalisme mettrait fin, de fait, à la prostitution. En attendant de renverser le système, la candidate LO se dit favorable à l'attribution "de véritables moyens financiers et humains dans l’hébergement et le suivi social des mineurs isolés et des jeunes exclus, notamment LGBT", et souhaite "augmenter les moyens alloués à l’hébergement d’urgence, à la protection et à la prise en charge des victimes de violences".
Dans le même temps, elle se dit "bien sûr favorable à la régularisation de tous les sans-papiers" et souhaite "accueillir les migrants à bras ouverts". Nathalie Arthaud fustige au passage la "démagogie xénophobe, qui constitue le fonds de commerce privilégié de Le Pen".
Santé : "médecine gratuite pour tous"
La santé est "un droit pour tous", estime Nathalie Arthaud. Ainsi, "la collectivité devrait assurer la gratuité de tous les soins". Comment financer un tel projet ? "Les grands groupes industriels, en particulier pharmaceutiques et de la finance, regorgent d'argent. C'est sur leurs profits qu'il faut prendre pour assurer une médecine gratuite pour tous", écrit-elle sur son site. La candidate trotskyste trouverait en outre "normal que le système de Sécurité sociale soit exclusivement financé en prenant sur les revenus de la classe bourgeoise".
Dans une réponse à un courrier de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), Nathalie Arthaud détaille sa position sur la question de l'euthanasie. Elle estime que la législation actuelle n'est "pas suffisante", "parce que les moyens manquent pour l’hôpital, notamment que les personnels hospitaliers ne sont pas assez nombreux, débordés et souvent dans l’impossibilité de prendre le temps de soulager ne serait-ce que la douleur morale des mourants". Elle se prononce donc "pour qu’il soit permis à chacun de pouvoir s’appuyer sur une aide active à mourir lorsqu’il juge que sa propre vie n’est plus que de la survie, douloureuse".
En matière de santé publique, Nathalie Arthaud se dit par ailleurs "favorable à la dépénalisation du cannabis". Elle estime que sa prohibition est "bien sûr un échec total" mais s'interroge sur le progrès que constituerait sa légalisation. D'une manière générale, "c'est la prévention et pas la répression qui doit être le maître-mot de la politique de santé à mener, c’est évident", assure-t-elle. Et cette prévention consiste à "changer radicalement le cadre social dans lequel nous vivons".
Environnement : "une politique planifiée à l'échelle de la planète"
Pas un mot sur le diesel, les énergies renouvelables ou la transition énergétique. L'écologie communiste passe par la planification et la nationalisation. Si Nathalie Arthaud porte un regard plutôt bienveillant sur le nucléaire, elle critique vivement son usage par les économies capitalistes. Selon elle, "le principal danger du nucléaire ne réside pas dans la technique elle-même mais, comme Fukushima l’a montré, dans l’irresponsabilité des entreprises qui la mettent en œuvre", même quand l’Etat en est l'actionnaire majoritaire, comme EDF, qui "fonctionne avec la même logique".
Pour elle, il est nécessaire d'organiser "l’économie d’une façon rationnelle, planifiée, pour répondre aux besoins du plus grand nombre tout en préservant l’environnement". La candidate communiste défend donc "sur toutes les questions écologiques, une politique concertée et planifiée à l’échelle de la planète". Son projet sonne par ailleurs comme une défense des lanceurs d'alertes. Elle veut supprimer le secret industriel, "pour permettre à chaque salarié de rendre public les malversations ou les risques pour la santé publique ou l’environnement dont il a connaissance, sans risquer d’être licencié".
Nathalie Arthaud rejette également toute notion de fiscalité écologique, qui vise selon elle à "culpabiliser l'ensemble de la population pour les problèmes environnementaux" et "à dédouaner les industriels de leurs responsabilités dans la pollution".
Vie publique : "démocratie plus directe" et "transparence totale"
C'est également par le prisme du communisme que Nathalie Arthaud envisage la vie politique. Pour elle, "le véritable pouvoir n’est pas entre les mains des députés, des sénateurs ou même du président de la République", mais "dans les conseils d’administration des grandes entreprises capitalistes et des banques". Des "riches bourgeois" qui emploient "une myriade d’agents qui influencent les élus, quand ils ne les achètent pas purement et simplement".
Nathalie Arthaud juge tout de même possible "de construire un Etat infiniment plus démocratique que l'Etat actuel", en permettant notamment à "la population de participer directement à toutes les tâches administratives et de police". Mais cela ne passe certainement pas par "la généralisation des référendums", assure-t-elle. Selon la candidate, qui cite l'exemple du Brexit, ce type de scrutin risque de "libérer toutes les vannes de la démagogie".
La candidate "du camp des travailleurs" estime enfin que "les mandats électifs devraient être courts et ne donner lieu à aucun privilège (pas d’indemnisation supérieure au salaire d’un travailleur qualifié)". Les élus devraient en outre "être révocables à tout moment par les électeurs". Répondant à des propositions de Libération sur la transparence de la vie publique, Nathalie Arthaud se dit favorable à "la transparence totale : toutes les informations concernant les revenus et le patrimoine des élus doivent être publiques et accessibles à tous".
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