Cinq scènes marquantes de victoire, un soir de présidentielle
De la Bastille au Fouquet's, de la place de la République à l'Hôtel de Ville, comment les vainqueurs de l'élection présidentielle ont-ils fêté l'événement dans la capitale ? Cinq anecdotes symboliques.
A 20 heures précises, le soir du second tour de la présidentielle, survient le moment historique. L'instant où le nom du vainqueur s'affiche enfin en lettres majuscules sur le petit écran, au terme d'une campagne forcément haletante.
Rituel obligé, les partisans du nouveau chef de l'Etat (ou du même, reconduit) se précipitent alors au rendez-vous convenu, qu'il s'agisse de la Concorde, de la Bastille ou de la République. Toujours situées rive droite (comme l'Elysée), ces fêtes très médiatisées engendrent des scènes emblématiques. Franceinfo revient sur cinq exemples.
"Mitterrand, du soleil !"
10 mai 1981. Cela fait vingt-cinq ans que la gauche n'a pas été au pouvoir. A 20 heures très exactement, la petite lucarne dévoile un crâne chauve qui peut appartenir à l'un ou l'autre des duellistes. Mais le suspense dure peu : le socialiste, François Mitterrand, l'emporte, par 51,76% des voix, contre le sortant, Valéry Giscard d'Estaing. Une foule en liesse envahit rapidement la place de la Bastille, où deux camions podiums ont pris place. Très vite, il devient difficile d'y accéder tant la masse est compacte.
Deux heures plus tard, le nouveau président n'a toujours pas quitté son fief de Château-Chinon, dans la Nièvre. A la Bastille, les chanteurs – Renaud, Bernard Lavilliers, Marie-Paule Belle – se succèdent sur l'estrade, malgré le violent orage qui éclate vers 23 heures. Des trombes d'eau se déversent sur l'assistance, sans dissiper la joie ambiante . Et les spectateurs commencent alors à scander, rappelle Europe 1 : "Mit-ter-rand, du so-leil ! Mit-ter-rand, du so-leil !". A 200 km de là, de nuit et sous une pluie battante, l'idole du "peuple de gauche" prend la route, dans une Renault 30, pour rejoindre Paris. Il n'arrivera que vers 2 heures du matin au siège du PS, rue de Solférino. A la Bastille, on danse encore, dans l'attente d'un avenir lumineux.
La Bastille en 1981 et en 2012
Une moto de France 2 poursuit Chirac
7 mai 1995. Le second tour laisse peu de place au doute. Le parti socialiste a longtemps attendu que Jacques Delors se décide, avant de désigner Lionel Jospin comme candidat, trois mois à peine avant l'élection. Par 52,6% des voix, le président du RPR Jacques Chirac l'emporte. Son tour est venu, et aussi celui d'une information plus nerveuse : avec le lancement de radios et de chaînes d'info en continu, le paysage audiovisuel a changé.
France 2 va donner le rythme de la soirée, avec une innovation qui fera couler beaucoup d'encre. Muni d'une caméra et juché à l'arrière d'une moto, le reporter Benoît Duquesne se lance à la poursuite du président fraîchement élu. "Alors que Jacques Chirac salue la foule à bord de sa CX Prestige", raconte Le Figaro, le journaliste tente en vain de l'interpeller. Et de lui poser cette question qui taraude la presse : le maire de Paris va-t-il ou non rejoindre ses partisans qui l'attendent place de la Concorde ? Finalement, Jacques Chirac préfèrera se rendre à l'Hôtel de ville, où l'attend, le lendemain, la journée chargée des cérémonies du 8-Mai. Mais la poursuite à moto restera un objet télévisuel culte, dont s'enorgueillissait Benoît Duquesne. "C'était une belle première, c'était une première mondiale."
A la République après le front républicain
5 mai 2002. Quinze jours après le coup de tonnerre du 21 avril 2002, qui voit pour la première fois la qualification pour le second tour du candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen, Jacques Chirac est réélu président de la République. Avec 82% des voix, il devient le président le mieux élu de la Ve République, grâce au report massif des voix de gauche. Néanmoins, le cœur n'est pas totalement à la fête ce soir-là.
Devant ses partisans et une assistance hétéroclite, l'ancien maire de Paris prononce place de la République un discours solennel où il marque avant tout sa volonté de rassemblement : "Ce soir, nous célébrons la République. Nous la célébrons, comme chaque fois dans l’Histoire, quand elle remporte une victoire (...) Elle a refusé de céder à la tentation de l’intolérance et de la démagogie (...) Ne laissons pas retomber ce souffle qui nous a portés".
Bling-bling et happy few
6 mai 2007. Une victoire nette et sans bavure : le candidat de l'UMP, Nicolas Sarkoy, remporte l'élection présidentielle par 53% des voix, contre la socialiste Ségolène Royal. La fête de la victoire est organisée place de la Concorde. Sur l'air des Filles de mon pays, le chanteur Enrico Macias y fredonne en boucle : "Ah qu'elles sont jolies, les filles de Sarkozy", tandis que Mireille Mathieu entonne les Mille colombes au côté du nouveau président élu.
Mais la véritable fête ne se tient pas en plein air : elle se déroule, pour les "happy few", sous les lambris du Fouquet's. Dans le restaurant classé des Champs-Elysées se bousculent des vedettes du cinéma et du show-biz, comme Christian Clavier ou Johnny Hallyday, mais aussi des grands patrons comme le président de LVMH, Bernard Arnault, le PDG d'Havas, Vincent Bolloré, ou encore celui de Bouygues, Martin Bouygues... Une soirée "bling-bling" qui sera beaucoup reprochée au nouveau chef de l'Etat.
"Embrasse-moi sur la bouche !"
6 mai 2012. "Embrasse-moi sur la bouche ! Maintenant !" Vainqueur de la présidentielle avec 51,6% des voix, François Hollande fête son élection place de la Bastille, à Paris. Il se trouve sur l'estrade lorsque sa compagne d'alors, Valérie Trierweiler, lui intime de l'embrasser devant la foule. Le vainqueur se plie à la demande, à contrecœur, semble-t-il.
Valérie Trierweiler cherchait-elle sa place, déjà ? Voulait-elle s'inscrire sur l'image de la victoire, ce 6 mai 2012 ? Les psychologues s'en donnent à cœur joie dans l'analyse. L'Express y voit surtout un geste de jalousie, annonciateur de la rupture. A la Bastille ce soir-là, le député socialiste de Corrèze venait tout juste de faire une double bise à Ségolène Royal, la mère de ses quatre enfants, présente elle aussi sur l'estrade. Inquiète, la journaliste de Paris-Match entendait, selon le magazine, rétablir sa prééminence.
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