Présidentielle 2022 : "Ça rappelle des heures assez sombres de l'histoire de France", s'inquiète un Français de confession juive qui a reçu le SMS de campagne d'Eric Zemmour
Une enquête pénale a été ouverte par le parquet de Paris, le mardi 12 avril, après l'envoi de messages par l'équipe du candidat à la présidentielle à des Français de confession juive.
Comment l'équipe d'Éric Zemmour a-t-elle pu contacter par SMS, juste avant le 1er tour, une dizaine de milliers de Français de confession juive ? Une enquête pénale a été ouverte par le parquet de Paris, le mardi 12 avril, après la découverte de ces message envoyés par l'équipe du candidat à la présidentielle.
Cette enquête a été ouverte pour "détention, conservation, enregistrement, transmission de données à caractère personnel en dehors des cas prévus par la loi" et "communication à un tiers sans autorisation et détournement des finalités d'un fichier de données à caractère personnel", après deux plaintes déposées par deux associations juives, l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et de l'association J'accuse AIPJ, inquiètes de l'existence de telles listes à connotation religieuse.
"S'ils ont eu notre numéro de téléphone, est-ce qu'ils ont l'adresse ?"
Plusieurs questions restent ainsi en suspens et notamment, la première : comment le candidat a-t-il obtenu leurs numéros ? C'est ce que demande par exemple Acher, qui a reçu ce message, le vendredi 8 avril, à deux jours du premier tour et à quelques heures de la période de réserve qui interdit toute communication politique.
"Juste avant l'entrée de Shabbat, j'ai reçu un texto en provenance d'Éric Zemmour, raconte-t-il, avec cette interrogation du candidat : "Pourrons-nous vivre en paix encore longtemps en France ?". J'ai cliqué sur le lien et je suis tombé sur un 'message aux Français de confession juive', quelque chose de très alarmiste. En gros, si vous votez pas pour moi, nos enfants en pâtirons. Tous mes amis Juifs ne l'ont pas reçu, mais par contre, aucun de mes amis non-Juifs ne l'a reçu. Évidemment, ça fait un peu peur. Et puis, on ne sait pas : s'ils ont eu notre numéro de téléphone, est-ce qu'ils ont l'adresse ? Ça rappelle des heures assez sombres de notre histoire et de l'histoire de France", conclut Acher, qui fait donc partie de la dizaine de milliers de personnes qui ont reçu ce message dénonçant le problème de l'antisémitisme en France et les "racailles" qui "pourrissent la vie" des Juifs ainsi que le terrorisme islamiste.
Cinq ans de prison et 300.000 euros d'amende
"Pour la première fois, dans le cadre d’une campagne présidentielle, on a un véritable fichier ethnique instrumentalisé par un candidat à des fins électorales. On n'a pas souvenir d'une telle liste de Juifs, depuis la rafle du Vel d'Hiv", dénonce ainsi Maître Sacha Ghozlan, avocat de l'une des associations qui porte plainte, dénonce la pratique.
De son côté, l'équipe d'Éric Zemmour, qui a recueilli 7,07% des suffrages au premier tour de l'élection présidentielle, explique avoir eu recours à un "courtier en données personnelles". Sauf qu'il est interdit de constituer de tels listings sur la base de convictions religieuses, à moins que l'on ait expressément donné son consentement. Le code pénal punit un tel acte de cinq ans de prison, et 300.000 euros d'amende.
"On ne sait pas exactement comment ils ont récupéré cette base de données, sur quelles bases ils ont fait ce profilage, c'est à dire de diviser la base de données en fonction d'une catégorie bien particulière qui pourrait être la croyance religieuse ou la conviction particulière, précise Me. Alexandre Lazarègue, avocat spécialiste du droit du numérique. On peut tout à fait utiliser des bases de données, on peut acheter des bases de données. C'est quelque chose de tout à fait légal, mais il faut s'assurer du consentement des individus qui sont concernés par cette base de données. Et évidemment, il y a quelque chose de strictement interdit : orienter le message en fonction d'une croyance religieuse, sans que les personnes qui reçoivent ce message y aient consenti." C'est pour cette raison notamment que, lundi 11 avril, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) avait ouvert une instruction après ce démarchage.
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