Présidentielle 2022 : pour son dernier grand meeting, Valérie Pécresse tente de faire oublier l'échec du Zénith en louant "sa résistance"
En rassemblant ses troupes Porte de Versailles, ce dimanche à Paris, Valérie Pécresse a voulu effacer le meeting raté du Zénith pour espérer recoller dans les sondages. Mais à une semaine du premier tour, la marche semble très haute pour la candidate LR.
C'était le meeting de la dernière chance pour Valérie Pécresse. Ce dimanche 3 avril, à une semaine du premier tour, la candidate des Républicains a rassemblé plusieurs milliers de sympathisants au Parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris. L'objectif : relancer la dynamique autour de sa candidature et surtout faire oublier le meeting raté du 13 février au Zénith.
Si ce rendez-vous était censé lancer sa campagne en faisant d'elle la principale rivale d'Emmanuel Macron, il avait surtout signé le début de la gueule de bois. Créditée de 16 à 17% des intentions de vote il y a encore un mois et demi, voire en position de l'emporter au deuxième tour face au président-candidat au lendemain de sa victoire au Congrès LR début décembre, Valérie Pécresse flirte aujourd'hui avec la barre des 10%, selon notre baromètre Ipsos-Sopra-Steria.
Ce "crash" du Zénith, comme l'avait surnommé de nombreux commentateurs à l'époque, Valérie Pécresse a donc voulu en tirer les leçons. "J'ai été marquée par cet échec du Zénith. J'ai voulu faire un discours comme un homme avec des mots puissants, des mots d'hommes, a-t-elle reconnu il y a quelques jours. J'ai décidé depuis de faire cette campagne de manière totalement différente, de manière libérée et a cappella."
"Un meeting sans artifice et sans prompteur"
C'est avec ce traumatisme en tête que la candidate LR a voulu préparer "un meeting totalement différent, sans artifice, sans confetti et sans étincelle contrairement à ce qu'on a vu hier chez Emmanuel Macron", dixit Brice Hortefeux, l'ancien ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy. "Un grand rendez-vous de l'anthenticité où Valérie sera elle-même", promettait aussi un ténor du parti juste avant le début, annonçant "une candidate qui sera naturelle et qui a vraiment eu le temps de se roder".
Avant de prendre la parole, Valérie Pécresse a pu compter sur le soutiens de plusieurs figures des Républicains. Laurent Wauquiez, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui a tenu à "rendre hommage à la force de caractère de Valérie Pécresse", fustigeant dans le même temps "la comédie" du meeting d'Emmanuel Macron hier après-midi du côté de La Défense Arena.
"On t'a reproché de ne pas assez faire la comédie. Mais pour la comédie, c'était hier qu'il fallait se tourner. La France n'a pas besoin de comédiens."
Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpesau meeting de Valérie Pécresse
Galvanisée par les prises de paroles des ténors du parti comme Gérard Larcher, le président du Sénat ou encore de Christian Jacob, le président des LR, Valérie Pécresse s'est ensuite présentée devant ses électeurs en femme nouvelle. "Dans cette campagne, je viens devant les Français telle que je suis et telle que je resterai. Vous m'avez vu gagner. Vous m'avez vu trébucher. Vous m'avez vu me relever. Vous avez découvert ma résistance. Ma vérité. Je ne lâche rien. Ce courage, je veux le mettre à votre service", a-t-elle lancé en introduction.
Plus à l'aise et moins théâtrale qu'au Zénith, Valérie Pécresse a semblé plus directe, n'hésitant pas, contrairement à son premier grand meeting, à poursuivre son propos lorsque les militants donnaient un peu trop de voix. La candidate LR a aussi voulu convaincre son auditoire sur les changements que connaîtrait le pays, si elle venait à être élue à la tête de l'Etat.
"Elire une femme présidente de la République, cela doit changer les choses pour toutes les femmes de France. Je créerai une justice spécialisée contre les violences faites aux femmes. Leurs droits seront défendus, leur parole entendue"
Valérie Pécresse, candidate LR à la présidentielle
Un ton qui convainc
Valérie Pécresse s'est aussi présentée en "candidate de la sécurité et du pouvoir d'achat", une manière de concurrencer Eric Zemmour et Marine Le Pen qui la devancent dans les sondages. Emmanuel Macron a aussi été dans son viseur à plusieurs reprises, dénonçant notamment la dette laissée par le président sortant. "Ce pognon de dingue, selon l'expression de Jupiter, nous promet une dette folle. 'Je dépense donc je suis' : voilà le projet d'Emmanuel Macron", a-t-elle taclé.
Un discours plutôt bien tourné et des punchlines qui ont, semble-t-il, convaincu les élus du premier rang, très critiques en février sur sa prestation du Zénith. "Je l'ai trouvé excellente aussi bien sur la forme que sur le fond", raconte à chaud Jean-François Copé, le maire de Meaux. Pour Othman Nasrou, l'un des porte-paroles de la campagne, le meeting, le 19e du nom, est "un succès".
"Le Zénith, c'était son premier grand meeting. Quel candidat a vraiment réussi son premier meeting ? Rappelez-vous des premiers meetings d'Emmanuel Macron en 2017... Ce soir, Valérie a vraiment trouvé son style et son ton."
Othman Nasrou, porte-parole de la campagne de Valérie Pécresseà franceinfo
Même son de cloche du côté des militants présents, comme Hervé et Jeanne, un couple de retraité franciliens. "Nous avions été très deçus au Zénith et depuis, nous hésitions entre Emmanuel Macron et Valérie Pécresse. Heureusement, ce soir, elle nous a convaincus et rassurés", glissent-ils. Mais pour Loïc, jeune militant LR de Normandie, la messe est dite. "Le côté positif, c'est qu'elle progresse et j'ai trouvé que c'était un bon discours. Mais, je pense que c'est trop tard pour rattraper les points qui nous manquent dans les sondages et espérer se qualifier pour le second tour."
Une "performance scénique" qui ne fait pas tout
Pas certain que ce meeting, certes meilleur sur la forme que les précédents, ne suffise en effet à sauver l'élection de Valérie Pécresse. Pour Arnaud Mercier, professeur en communication à l'université Paris Pathéon-Assas, "la performance scénique d'un candidat nous dit des choses mais cela ne suffit pas à expliquer le vote".
Selon ce spécialiste de communication politique, c'est avant tout le positionnement politique de la candidate qui lui fait défaut. "Elle est victime d'un effet d'étau très prévisible, avec d'un côté une partie de son électoral libéral traditionnel qui est parti chez Emmanuel Macron et de l'autre, des électeurs souverainistes qui vont voter Marine Le Pen ou Eric Zemmour, assure Arnaud Mercier. Elle était dans une mâchoire et elle s'est fait broyer."
"Dire la même chose et ne pas assumer ses propres valeurs en changeant simplement de ton et de personnage risque de faire d'elle un personnage insincère. L'enjeu pour elle aujourd'hui, c'est surtout d'atteindre au moins les 10%."
Arnaud Mercier, professeur en communication politiqueà franceinfo
"Une mission difficile, voire impossible"
Un sentiment partagé par les sondeurs. Selon Mathieu Gallard, directeurs d'études à Ipsos, Valérie Pécresse n'est pas parvenue à imposer ses idées dans le débat politique marqué par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Mais surtout : "Si elle connaît désormais une baisse constante dans les sondages, c'est parce que pour les électeurs d'Eric Zemmour et de Marine Le Pen, elle est trop faible sur l’immigration et ne propose pas grand-chose sur le pouvoir d’achat. Quant à Emmanuel Macron, de nombreux électeurs de Valérie Pécresse se sont tournés vers lui car ils souhaitent une continuité de l'action de l'Etat dans la gestion du dossier ukrainien."
A une semaine du premier tour, la fin de la campagne s'annonce compliquée pour Valérie Pécresse. "On ne lâchera rien, on va jouer le tout pour le tout et viser le second tour", promettait un cadre des Républicains au pied de la scène après le meeting. Avant de reconnaître quelques minutes plus tard, en off, "une mission difficile, voire impossible pour Valérie".
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