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Présidentielle : "Les 8-10 jours à venir vont être absolument décisifs pour voir si l'abstention sera record", estime le directeur général délégué d'Ipsos

Selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos, les Français ont le sentiment que le système démocratique est de moins en moins adapté à "une succession de crises brutales, pandémiques, internationales et économiques".

Article rédigé par franceinfo
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Brice Teinturier, le 4 octobre 2017, à Paris. (ERIC PIERMONT / AFP)

"Les 8-10 jours à venir vont être absolument décisifs pour voir si l'abstention sera record", assure lundi 28 mars sur franceinfo Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos, alors que les Français semblent se détourner de la campagne présidentielle. Après un dimanche de meetings politiques, lundi 28 mars marque le début de la campagne officielle.

franceinfo : Comment expliquer un tel désintérêt pour l’élection présidentielle ?

Brice Teinturier : D'abord, on a un intérêt qui est plus faible effectivement qu'en 2017, plus faible de 6 points pour la campagne et une intention d'aller voter qui est plus faible de deux points. Cela veut dire que tout va se jouer dans les huit derniers jours. On a deux schémas possibles, soit dans les huit derniers jours, comme en 2017, la mobilisation remonte et on peut espérer à ce moment-là une abstention contenue à 25%, soit on est sur un schéma différent. Et là, effectivement, on peut être dans la zone des 28-30% d'abstention que nous mesurons donc aujourd'hui.

Sentez-vous un frémissement ?

Non, pas vraiment. Ce qu'on sent, c'est qu'il y a eu au moment de l'Ukraine, un regain très fort de l'intérêt, mais qui est retombé ensuite. En réalité, c'était un intérêt non pour la campagne électorale, mais pour l'actualité. Et ce qu'on mesure dans les causes de l'abstention potentielle, qui peut donc être effectivement extrêmement forte, c'est que les abstentionnistes potentiels ont le sentiment d'entendre la même chose depuis toujours, donc des mesures qui ne leur parlent pas. Deuxième raison, il est difficile de s'intéresser à cette campagne électorale avec l'Ukraine. Et puis, une troisième raison qui est nouvelle et qui est importante, c'est le sentiment que les jeux sont faits.

Cela rejoint l'idée du pronostic que font les Français sur cette élection. lls nous disent massivement qu’Emmanuel Macron sera qualifié pour le second tour à 94% et 72% qu'il est élu. En un mot, c'est une élection qui leur apparaît comme décalée par rapport à leurs attentes et où les jeux seraient faits. Vous ajoutez deux autres choses, c'est le comportement maintenant de plus en plus structurellement abstentionniste des jeunes. On voit une abstention potentiellement à 45% chez les plus jeunes, contre 20% pour les plus âgés. Et puis, dernier élément très important et nouveau, nous avons basculé dans le temps des crises et le temps des crises, ce n'est pas le même paradigme démocratique que le temps plus apaisé où vous convoquez les électeurs tous les cinq ans pour réguler des oppositions. Les Français ont le sentiment que le système démocratique est de moins en moins adapté à une succession de crises brutales, pandémiques, internationales, économiques et joue en défaveur de ce cycle électoral que nous connaissions depuis maintenant longtemps.

Est-ce que cette abstention rend le travail des institutions de sondage plus difficile ?

Cette abstention nous incite à une certaine prudence sur ce que nous mesurons parce qu'il peut y avoir une déformation ultime des niveaux d'intentions de vote que nous mesurons en fonction des catégories qui, in fine, vont aller se mobiliser ou pas. Donc, les variations doivent être prises en compte. On a une clarification, on a des tendances qui sont en train de s'affirmer, mais nous n'avons toujours pas de cristallisation du vote, à la fois en termes de certitudes de choix qui ont augmenté, mais qui reste quand même dans la zone des 65% seulement. Et puis, en termes de mobilisation, qui donc introduisent un facteur d'incertitude.

Imaginez que, par exemple, in fine, un certain nombre d'électeurs qui comptaient voter pour Emmanuel Macron vont se dire finalement, il va être qualifié. Pourquoi pas un peu de Jadot ? Pourquoi un peu d'abstention ? Pourquoi pas ceci ou cela ? Et ça nous rappelle furieusement ce qui s'était passé le 21 avril 2002, où beaucoup d'électeurs persuadés que Jospin allait être qualifié, s'étaient autorisés des votes différents. Donc, on est dans une situation qui, malgré tout, doit nous inciter à une certaine prudence sur ce que nous mesurons. Les écarts sont assez forts. Il y a bien des dynamiques qui sont en train de s'opérer, mais on n'est pas encore dans quelque chose de cristallisé. Les huit-dix jours à venir vont être absolument décisifs. Pour voir si l'abstention sera record ou si elle va engendrer des modifications dans les intentions de vote.

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