Cet article date de plus de sept ans.

Que va faire François Hollande après son départ de l'Elysée ?

Le chef de l'Etat laisse les clés du palais présidentiel à son successeur, dimanche. Et difficile de savoir ce qu'il va faire dans l'avenir. Une chose est sûre : il n'a pas dit qu'il arrêtait la politique.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
François Hollande et Emmanuel Macron, à la cérémonie commémorative de l'abolition de l'esclavage, le 10 mai 2017 à Paris. (DAVID NIVIERE/SIPA)

Ses proches "redoutent" ce moment : dimanche 14 mai, après s'être entretenu avec son successeur, Emmanuel Macron, François Hollande descendra les marches du perron de l'Elysée. Il ne sera plus, alors, président de la République. "On sait ce qu'il va se passer à ce moment-là, glisse une de ses proches. Ce sera quelque chose de très dur, le bilan de cinq ans, de tout ce qu'il a vécu."Je n'ai pas peur du vide", assure François Hollande à qui veut l'entendre. Ses amis n'en sont pas si sûrs : ils observent que jusqu'au bout, il aura occupé le terrain. La veille de la passation, il devait inaugurer la fondation Goodplanet en compagnie de Ségolène Royal. "Je crains que cette boulimie d'activités débouche sur un grand vide le 15 mai", soupire un de ses plus anciens compagnons de route.

"Cassure", "fin d'un cycle", "deuil"... Les mots employés par ses proches laissent entendre que François Hollande aura du mal à tourner la page. Peut-être la victoire d'Emmanuel Macron rend-elle ce départ un peu moins douloureux. "C'est son petit, quand même", sourit un de ses amis. Une proche tente de relativiser, en rappelant que François Hollande a déjà connu ce genre de période quand il a quitté la direction du PS à la fin de 2008, après onze années en tant que premier secrétaire. "Cela a été une période très dure, mais salvatrice et reconstructrice d'une certaine façon, explique-t-elle. Vous recommencez à apprendre, à lire, à réfléchir, à être libre de vous-même et de votre parole. Aujourd'hui, il a aussi cette appétence à revenir dans ce rapport simple et direct aux gens."

Des vacances, de nouveaux bureaux et un livre ?

Dans l'immédiat, son programme est plutôt simple : prendre des vacances et se reposer. "Ce quinquennat aura été très violent, estime une de ses proches. François Hollande a épongé beaucoup de violences et de douleurs, cela a été lourd. Il va retrouver un sommeil du juste, après cinq ans à pouvoir être réveillé à tout moment, notamment en raison du contexte terroriste."

Une fois ces congés passés, l'ancien président investira les bureaux parisiens mis à sa disposition en raison de son statut. Il n'a pas souhaité s'installer dans ceux qu'occupaient Jacques Chirac, rue de Lille, et a choisi des locaux au 242, rue de Rivoli, près de la Concorde et de l'Elysée. Il disposera de sept collaborateurs, un avantage parmi d'autres liés à son ancienne fonction, comme le rappelle Le Figaro (article payant). En cumulant les retraites liées à tous ses anciens mandats, il devrait toucher quelque 15 000 euros mensuels.

Sur son avenir, François Hollande n'a pas été très bavard. Il ne semble pas avoir "préparé une sortie très organisée", souligne l'un de ses proches. Bernard Poignant, un de ses vieux amis et conseillers, écarte déjà certaines pistes. "Je sais ce qu'il ne fera pas : il n'ira pas au Conseil constitutionnel, ne briguera pas de nouveau mandat politique, ne siégera pas au conseil d'administration d'une entreprise, ne donnera pas de conférence rémunérée. Pour le reste…" Un conseiller, qui lui a encore posé la question la semaine dernière, n'a pas obtenu de réponse claire. 

Il s'est contenté de me répondre : 'Je n'en sais rien, je vais voir, sans doute écrire un livre, après on verra.' Je ne suis pas sûr que cela soit clair dans sa tête.

Un conseiller de François Hollande

à franceinfo

Ce livre, c'est celui "qu'il aurait mieux fait d'écrire lui-même", soupire ce conseiller. Une allusion à Un président ne devrait pas dire ça (éd. Stock, 2016), des journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, qui a plombé un peu plus encore la volonté du président de se représenter. "Je me dois d'expliquer, dans un livre direct, ce que je n'ai sans doute pas assez expliqué", affirme François Hollande à L'Obs. Livrer le récit de son quinquennat, ou un essai sur l'exercice du pouvoir, pour tenter – même si c'est sans doute trop tard – de convaincre les Français. François Hollande semble, en effet, obsédé par la trace qu'il laissera, passant ses derniers mois à défendre son bilan. "Cela lui fera certainement du bien, de mettre sur le papier ce qu'il retire de tout ça. Il y a toujours le besoin de se justifier encore et encore", analyse un proche.

Une fondation pour laisser une trace

Dès septembre, François Hollande va prendre la direction d'une fondation, La France s'engage. Cette idée, soufflée au président par Martin Hirsch (directeur de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris) à la fin 2012, a abouti à la création, en 2013, d'un label pour récompenser et soutenir financièrement des projets innovants. De simple label, La France s'engage est devenue une fondation, financée notamment par le privé. Un moyen de pérenniser son existence au-delà des alternances politiques. Aujourd'hui, cet incubateur a soutenu plus de 140 associations ou projets, dans des domaines très divers : l'éducation, la culture, l'écologie, le social…

Patrick Kanner, dont le ministère de la Ville a piloté le projet, était aux côtés du chef de l'Etat lors de ces remises de prix. "Pour François Hollande, cela a été une forme de bouffée d'oxygène dans un quinquennat dramatiquement touché par le terrorisme, explique-t-il à franceinfo. La France s'engage représente une France ouverte, empathique, innovante. C'est la marque de fabrique que François Hollande veut laisser. D'une certaine façon, c'est sa pyramide du Louvre à lui, son grand chantier." 

En Corrèze pour "s'échapper de la vie parisienne"

Si l'ancien président travaillera à Paris, il n'a pas prévu d'oublier la Corrèze, bien au contraire. Elu pendant plus de trente ans de ce territoire, que ce soit comme conseiller général, député, président du conseil départemental ou maire de Tulle, François Hollande n'a jamais pensé s'y installer réellement. Même quand il était élu local, il se contentait d'une chambre louée au-dessus de sa permanence parlementaire. Paradoxe ?  Aujourd'hui qu'il n'a plus de mandat – et il ne compte plus en briguer –, il a demandé à son fidèle ami et successeur à la mairie de Tulle, Bernard Combes, de lui trouver une résidence secondaire, dans la ville ou dans les environs immédiats.

La Corrèze est sa terre d'adoption, il a besoin de retrouver ses racines politiques. Il s'y sent bien et connaît tout le monde.

Bernard Combes, maire de Tulle

à franceinfo

Le maire s'est donc mis en chasse d'une maison "avec un relatif isolement". Dimanche 7 mai, jour du second tour, François Hollande est venu voter à Tulle. Bernard Combes en a profité pour lui montrer, de l'extérieur, une maison qu'il avait repérée. "Il a regardé la vue, comment c'était disposé. Son garde du corps a vérifié l'orientation sur son smartphone". En somme, les préoccupations de n'importe quel acquéreur. En Corrèze, il pourra "s'échapper de la vie parisienne, assure Bernard Combes. Il va retrouver une forme d'anonymat et de reconnaissance, car il ne fera pas un mètre sans qu'on lui dise bonjour".

"Il y a une chose à faire, c'est de la politique"

Aucun des proches que nous avons contactés n'imagine François Hollande décrocher de la politique française. "D'ailleurs, il n'a jamais dit qu'il allait arrêter", fait-on remarquer à l'Elysée. "Je ne prendrai pas ma retraite de citoyen", a même prévenu le président sortant. Il devrait quand même commencer par observer une période de silence, notamment médiatique. "Cela va lui manquer de ne plus parler aux journalistes", sourit un de ses proches. A plusieurs reprises, Bernard Combes a évoqué avec lui le sujet : "Que vas-tu faire ? Il m'a toujours répondu : 'Il y a une chose à faire, c'est de la politique.'" Après avoir un temps songé à une fonction européenne (comme la présidence du Conseil européen, où le Polonais Donald Tusk a été reconduit en mars), François Hollande n'aurait plus de prétention internationale. Sa passion, c'est la politique intérieure.

Comment compte-t-il continuer ? "Personne ne le sait", admet un de ses proches conseillers, qui juge que sans mandat, il lui reste le "ministère de la parole". Mais même chez ses compagnons de route, certains doutent de sa capacité à peser. "Jusqu'au bout de ses doigts, il est imprégné de politique nationale, lâche l'un d'eux. Mais c'est fini, d'autres vont prendre le relais. J'espère qu'il en a conscience. C'est peut-être difficile pour lui d'intégrer cela." Va-t-il s'intéresser à l'avenir du Parti socialiste ? A la recomposition en cours ? Tenter d'y prendre sa part ?

Il ne sera ni premier secrétaire, ni porte-parole, mais il va regarder de près qui le sera. Il ne s'intéresse qu'à ça.

Un proche de François Hollande

à franceinfo

"Il aura à cœur de consulter et d'être consulté pour l'organisation d'une majorité autour des valeurs de la social-démocratie, pense Bernard Combes. Reprendre le PS, non. Dire qui est en meilleure capacité pour le faire, oui."

Pourrait-il, comme Nicolas Sarkozy l'a fait dans son camp, tenter de tirer les ficelles sans apparaître au premier plan ? "Je le vois tout à fait comme cela, glisse un hollandais. Mais Sarkozy l'a fait avec un certain succès. Pour François, cela va être plus dur. Si Macron réussit, il restera assez peu de place."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.