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Recomposition de la gauche : "À l'échelle présidentielle, il y a l'épineux problème de la production d'un candidat unique" estime Rémi Lefebvre

Alors qu'une vingtaine de maires écologistes et socialistes se sont rassemblés à Tours (Indre-et-Loire) mardi pour une journée d'échanges, Rémi Lefebvre estime que la recomposition de la gauche sera beaucoup plus compliquée à l'heure de l'élection présidentielle. Pour le politologue, un candidat commun entre socialistes et écologistes paraît pourtant "faisable".

Article rédigé par franceinfo
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Le maire de Grenoble Eric Piolle, celui de Tours, Emmanuel Denis, et la maire de Paris Anne Hidalgo rassemblés ce mardi pour discuter de la "social-écologie" (GUILLAUME SOUVANT / AFP)

"A l'échelle présidentielle, il y a l'épineux problème de la production d'un candidat unique. Ça c'est un vrai problème", estime mardi 21 juillet sur franceinfo Rémi Lefebvre, politologue, professeur à l'université de Lille 2 et chercheur au Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS), auteur de "Municipales : quels enjeux démocratiques ?" (La Documentation française, fév. 2020). Une vingtaine de maires de gauche et écologistes, se sont réunis mardi à Tours autour d'Anne Hidalgo et Eric Piolle, avec l'ambition d'accélérer la transition écologique.

"Je suis assez optimiste au niveau local, c'est beaucoup plus compliqué au niveau national", a ajouté Rémi Lefebvre. "Il y a un espace politique qui existe toujours à gauche. Le problème, c'est que cet espace comporte des sensibilités assez différentes". Mais, pour lui, un candidat commun du Parti socialiste et des écologistes "paraît faisable".

franceinfo : Y a-t-il une nouvelle gauche qui se met en place ?

Rémi Lefebvre : C'est assez habituel, l'échelle locale pour la gauche a souvent été, historiquement, un lieu de laboratoire, d'expérimentation, de vitrine. Là, il y a la conjonction de deux échéances : les élections municipales, dont on vient de sortir, et l'élection présidentielle qui pointe le bout de son nez. On est aujourd'hui dans une pré-campagne présidentielle, donc c'est normal que la gauche utilise ses positions locales pour travailler collectivement à une alternative pour l'élection présidentielle. C'est assez classique, une élection municipale qui préfigure une élection présidentielle, et la gauche qui essaie de tirer le meilleur parti de ses positions urbaines essentiellement.

Socialistes, écologistes, peuvent-ils réellement travailler main dans la main, quand on voit par exemple comment la gauche s'est déchirée pour prendre la tête de la métropole de Grenoble ?

Dans certains endroits, c'est difficile, mais concrètement je pense que ces élections municipales ont été le creuset de listes d'union, de listes citoyennes. On a quand même un parti socialiste qui s'est beaucoup écologisé pendant ces élections municipales. A l'échelle municipale, c'est sans doute beaucoup plus facile qu'à l'échelle présidentielle, pour la gauche. A l'échelle présidentielle, il y a l'épineux problème de la production d'un candidat unique. Ca c'est un vrai problème, en plus les Verts sont divisés.

Aux élections municipales, c'est quand même plus facile de travailler collectivement dans la proximité, pour des politiques publiques territoriales

Rémi Lefebvre

à franceinfo

Je suis assez optimiste au niveau local, c'est beaucoup plus compliqué au niveau national.

Au niveau national, est-ce que ça répond à un besoin ?

Oui ça répond à un besoin de l'opinion, il y a une opinion de gauche, qui est minoritaire, qui pèse 25 à 30% dans l'opinion. Une partie de cette opinion de gauche, qui avait voté Macron à la dernière présidentielle, est déçue. Donc il y a un espace politique qui existe toujours à gauche. Le problème, c'est que cet espace comporte des sensibilités assez différentes. Il y a une sensibilité radicale, il y a une sensibilité réformiste, aujourd'hui portée par la démarche de Joffrin, il y a des écolos pur jus. Il y a un pluralisme dans ce courant de l'opinion, qui est difficile à faire coaguler pour une élection présidentielle.

Ça peut être le retour de la gauche plurielle ?

Le problème de la gauche plurielle, il faut se souvenir que c'était au moment des législatives de 1997, c'est quand même d'avoir un candidat unique à l'élection présidentielle. Jean-Luc Mélenchon est d'ores et déjà candidat. Il faut donc un candidat commun du Parti socialiste et des écologistes. Ça paraît faisable. On voit que le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, est plutôt d'accord sur cette option, après il faut trouver une solution pour dégager une candidature commune.

On a résolu à gauche qu'une partie du problème : on sait très bien qu'il ne peut pas y avoir deux candidats à gauche à l'élection présidentielle, avec une perspective de victoire

Rémi Lefebvre

à franceinfo

Donc il y a quand même beaucoup d'équations et de problèmes à résoudre, dans les mois qui viennent, avec cette élection présidentielle, qui malgré tout s'annonce difficile. Emmanuel Macron est candidat à sa ré-élection, Marine Le Pen est candidate à nouveau, et la gauche n'a pas de visibilité sur son leadership.

Est-ce qu'un Yannick Jadot, ou un Eric Piolle, qui montent en puissance ces derniers mois, pourraient incarner ça ?

On voit que ce sont deux sensibilités assez différentes au sein de l'écologie. Eric Piolle est très clairement plus radical, plus centré sur la gauche. Yannick Jadot est lui dans une perspective, plus d'une espèce de macronisme écologique. Ce n'est pas tout à fait le même positionnement politique. La question pour les écologistes va être, d'abord, d'imposer cette idée que le candidat de gauche doit être écologiste, sachant que les écologistes ne veulent pas s'adresser qu'à la gauche - ça, c'est clairement le discours de Yannick Jadot.

Ensuite, la question, c'est comment est-ce qu'ils vont désigner ce candidat ? On a Eric Piolle qui va chercher plutôt des soutiens vers Anne Hidalgo, vers la gauche. Yannick Jadot est un peu isolé. Il y a beaucoup de choses qui vont se passer au sein d'EELV. La question est de savoir comment ils vont réguler ces ambitions, et porter une candidature de rassemblement, des écologistes bien sûr, mais aussi au-delà, de la gauche et éventuellement de la gauche socialiste.

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