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Vrai ou faux Depuis le premier tour, Emmanuel Macron se déplace-t-il dans les villes où il a le moins convaincu, à l’inverse de Marine Le Pen ?

Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, dénonce la "campagne en charentaises" de Marine Le Pen, qui ne se rendrait, durant cet entre-deux-tours, que dans les villes qui lui sont favorables, contrairement selon lui à Emmanuel Macron. Mais cette assertion n'est pas exacte.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un panneau électoral avec les affiches d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, le 18 avril 2022, à Perpignan (Pyrénées-Orientales). (ARNAUD LE VU / HANS LUCAS / AFP)

Ils multiplient les bains de foule, les selfies, portent des enfants à bout de bras devant les caméras et essuient parfois quelques insultes. Le sprint final est bien lancé pour les deux candidats à l'élection présidentielle. A six jours du second tour, dimanche, Marine Le Pen et Emmanuel Macron effectuent leurs derniers déplacements de campagne pour convaincre les électeurs. 

Mais comment les deux finalistes choisissent-ils leurs points de chute, avant de sillonner la France, lors de cet entre-deux-tours ? Emmanuel Macron se rend "dans des villes où Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont été en tête, pour aller se confronter à des Français qui ne sont pas forcément d'accord avec lui (...). C'est la différence entre lui et Marine Le Pen", a assuré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, invité de France 2 lundi 18 avril. Il dénonce ainsi la "campagne en charentaises" de la candidate du RN. Mais dit-il vrai ou fake? Franceinfo se penche sur les stratégies de déplacements des deux finalistes depuis le lundi 11 avril.

A la conquête des électeurs de Mélenchon

Contrairement à 2017, Emmanuel Macron a multiplié les déplacements dans cet entre-deux-tours. Depuis une semaine, il a rencontré les Français et les Françaises cinq jours sur sept, s'octroyant une pause le mercredi 13 avril, jour du Conseil des ministres, et dimanche 18 avril. 

Son seul déplacement dans une municipalité où il est arrivé en tête au premier tour était à Paris, où il a recueilli 35% des votes, pour visiter le chantier de la cathédrale Notre-Dame, trois ans après l'incendie, vendredi dernier.

Dans son agenda, une seule journée a été consacrée à un déplacement en terres frontistes, lundi 11 avril. Emmanuel Macron a échangé avec des habitants de Denain (Nord), puis Carvin et Lens (Pas-de-Calais). Ces trois communes sont largement acquises au RN, les votes au premier tour oscillant entre 39 et 41% pour Marine Le Pen. Trois autres journées de déplacement ont visé des villes qui étaient, elles, majoritairement acquises au candidat de La France insoumise. En Alsace, Emmanuel Macron s'est exprimé mardi 12 avril à Mulhouse et à Strasbourg, où Jean-Luc Mélenchon a recueilli respectivement 36% et 35% des voix au premier tour. Il s'est accordé un passage en terre conquise à Châtenois (32% pour Emmanuel Macron).

Puis, jeudi 14 mars, il s'est concentré sur les énergies renouvelables pour tenter de convaincre l'électorat de gauche au Havre (Seine-Maritime), une ville dirigée par Edouard Philippe, son ancien Premier ministre. Dans cette municipalité, Emmanuel Macron (27% au premier tour) talonne Jean-Luc Mélenchon (30%). L'écologie a aussi été au centre d'un long plaidoyer lors de son déplacement à Marseille, samedi 16 avril, où Jean-Luc Mélenchon est largement sorti en tête au premier tour, avec 31% des votes, soit 9 points de plus qu'Emmanuel Macron. 

Par cet itinéraire, "Emmanuel Macron a de manière claire privilégié les terres de gauche", note Pascal Perrineau, professeur des universités à Sciences Po Paris, contacté par franceinfo. "Les thèmes abordés ont changé, avec davantage de social, d'écologie, contrairement aux thématiques de droite du premier tour." Gabriel Attal dit donc vrai : Emmanuel Macron a bien visé des terres "hostiles" lors de ses récentes pérégrinations.  

Le Pen, de Soucy à Avignon

De son côté, la candidate d'extrême droite s'est déplacée six jours sur sept, soit un de plus qu'Emmanuel Macron. Elle s'est arrêtée lundi matin dans le marché d'une commune voisine de Caen (Calvados), Saint-Pierre-en-Auge, où elle est arrivée en tête avec 34,91% des suffrages au premier tour. Opte-t-elle pour autant pour la "facilité" lors de ses déplacements?

Durant la première semaine de l'entre-deux-tours, elle a effectivement choisi deux terres conquises. Lundi 11 avril, elle a rendu visite à un agriculteur du village de Soucy (Yonne), 1 500 habitants, 36% de votes pour Marine Le Pen au premier tour. Samedi 16 avril, elle a visité Saint-Rémy-sur-Avre. Dans cette ville de 4 000 habitants située près de Dreux (Eure-et-Loir), 37% des voix lui ont été attribuées le 10 avril. La candidate y a fait une halte dans un bar PMU, puis a rencontré des commerçantes d'une brocante.

Mais les autres jours ont été consacrés aux visites de communes qui ne lui étaient pas favorables. A Vernon (Eure), où Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon étaient au coude-à-coude (29% et 28% des votes), Marine Le Pen a reçu un accueil mitigé, mardi 12 avril. Devant l'hôtel Normandy, les "Marine présidente !" scandés faisaient écho aux "Marine, Poutine !" Le lendemain, elle a rencontré les ouvriers d'une cimenterie à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où Emmanuel Macron est arrivé en tête au premier tour, avec 35% des suffrages.

Convaincre l'électorat de Zemmour 

Le jeudi 14, elle s'est rendue à Avignon pour un meeting. Une ville acquise à Jean-Luc Mélenchon (36% des suffrages), où elle n'a récolté que 18,9% des suffrages le 10avril. "Cette ville, qui n'est pas une grande métropole, fait partie de l'arc méditerranéen favorable au RN, avec des relais locaux, nuance Pascal Perrineau. Il s'agit d'envoyer un signal pour récupérer l'électorat parti chez Eric Zemmour."

Enfin, vendredi, elle a été chahutée lors de la visite du marché de Pertuis (Vaucluse), au son des "Marine casse-toi, la France n'est pas à toi !" et interpellée sur sa position sur le port du voile islamique. Dans cette municipalité, elle talonnait Emmanuel Macron au premier tour (25,79% pour lui contre 25,45% pour elle).

L'affirmation de Gabriel Attal n'est donc pas entièrement exacte. Emmanuel Macron se frotte bien en majorité à des territoires dominés par la gauche ou l'extrême droite. Mais Marine Le Pen ne cède pas à la facilité de rester chez ses partisans. Elle adopte la même stratégie d'aller convaincre ses opposants. 

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