Des députés de la majorité proposent de rétablir le vote par correspondance en France, le gouvernement réticent
Des élus de la majorité avaient déposé en juin une proposition de loi pour rétablir le vote à distance. Ils estiment que la présidentielle américaine, et ses 64 millions de votants par correspondance, est la preuve qu'il faut accélèrer sur ce sujet en France.
"L'exemple américain nous incite à nous retrousser les manches" : selon Jean-Noël Barrot, député MoDem, la présidentielle aux États-Unis avec 64 millions d'Américains qui ont voté par correspondance est un bon exemple pour rétablir ce mode de scrutin. Le vote par correspondance avait été supprimé fin 1975, car jugé à l'époque propice à de "graves fraudes". Entre la deuxième vague du Covid-19 et l'expérience américaine, le débat refait surface à l'Assemblée, à l'approche des élections régionales de 2021. Plusieurs piliers de la majorité poussent pour son rétablissement depuis plusieurs mois. Jean-Noël Barrot a d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens en juin dernier, mais le gouvernement se montre réticent.
"Nous sommes au XXIe siècle, je crois qu'on peut surmonter les problèmes de fond", poursuit Jean-Noël Barrot. La proposition du député des Yvelines a cependant été rapidement balayée par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lors des questions au gouvernement. "Nous ne sommes pas capable d'être certains aujourd'hui que ce scrutin, comme le scrutin électronique, soit entièrement incontestable. Je souhaite pour ma part qu'on puisse continuer à voter librement dans un isoloir."
Vers une nouvelle proposition de loi
Si l'exécutif reste frileux, les députés La République en marche sont de plus en plus nombreux à s’y montrer favorables. "Il faut adapter notre démocratie aux enjeux à la fois modernes et pandémiques, juge Roland Lescure, député des Français établis hors de France. Par ailleurs, on sort d'une élection municipale où on sait que le taux de participation, y compris au deuxième tour alors qu'on était en déconfinement, a été historiquement bas."
Bruno Bonnell, député du Rhône, enfonce le clou : "C'est dans la mobilisation des militants, avec ces taux extrêmement faibles de participation, que se joue l'avenir des élections, et ça, ce n'est pas acceptable." Cette vision est partagée par le groupe Agir, autre partenaire de la majorité, qui appelle à déposer une nouvelle proposition de loi commune et plus globale dans les prochains mois. "Ce qui est certain, c'est que le débat doit avoir lieu", convient mercredi 10 novembre sur franceinfo Olivier Becht, le président du groupe Agir à l'Assemblée.
"On ne va pas pouvoir reporter indéfiniment la démocratie"
"Nous sommes dans un contexte exceptionnel de crise sanitaire. Nous commençons à envisager le report d'un certain nombre de scrutins, notamment le scrutin départemental et régional, mais également les élections partielles, y compris législatives partielles qui devaient être organisées. On voit bien que l'on ne va pas pouvoir reporter indéfiniment la démocratie", développe Olivier Becht.
Cette épidémie, elle peut durer un an, elle peut aussi durer deux ans, trois ans. Il va falloir évidemment s'organiser pour qu'on ne puisse pas contester le caractère totalement individuel et secret du vote.
Olivier Becht, président du groupe Agir à l'Assembléeà franceinfo
Olivier Becht imagine par exemple qu'on envoie des agents assermentés au domicile des personnes vulnérables pour recueillir leur suffrage pour que leur "probité" ne puisse pas être remise en cause. "Il faut qu'on discute des garanties que l'on peut apporter sur un plan matériel et sur un plan humain. C'est ça, le débat qui doit avoir lieu", selon le député Agir. "Après, aucun système n'est parfait à 100%. Il peut toujours y avoir de la fraude. J'étais président de bureau de vote pendant dix ans. Au niveau local, lorsque vous voyez des personnes fragiles, etc. qui sont parfois accompagnées de manière illégale dans l'isoloir, on peut aussi se poser des questions sur la régularité de certains votes. Donc, la fraude, elle est toujours possible. Mais la garantie que doit apporter une démocratie, c'est qu'elle reste la plus marginale possible pour que le résultat du scrutin ne puisse pas être remis en cause", conclut-il.
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