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Elections régionales 2021 : mais que vient faire le thème de la sécurité dans la campagne ?

Depuis le début de la campagne, de nombreux candidats, notamment de droite et d'extrême droite, mettent en avant des propositions sécuritaires qui ne font pas partie du champ de compétences de l'échelon régional.

Article rédigé par Charles-Edouard Ama Koffi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des panneaux électoraux pour les élections régionales des 20 et 27 juin 2021, à Paris. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS / AFP)

"J'ai un meilleur programme sécurité que les autres !" Dans un sourire espiègle, Julien Odoul, le candidat du RN en Bourgogne Franche-Comté venu manifester le 19 mai à Paris avec les policiers devant l'Assemblée nationale, fanfaronne. Qu'ils soient du Rassemblement national, des Républicains, de la République en marche voire de la gauche, de nombreux candidats aux élections régionales rivalisent de promesses sécuritaires.

La sécurité n'est pourtant pas une compétence des conseils régionaux. La région est même le seul échelon parmi les collectivités locales à n'avoir aucune compétence en la matière, comme l'indique clairement ce tableau disponible sur le site du ministère de la Cohésion des territoires.

Les promesses sécuritaires sont légion

Julien Odoul, dont le slogan est "Pour une Région qui vous protège", n'est pas le seul candidat à axer sa campagne sur cette thématique. Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand (ex-LR) et son concurrent Laurent Pietraszewski (LREM) veulent tous deux que la région finance des équipements des polices municipales.

Idem dans les Pays de la Loire, où la présidente sortante Christelle Morançais (LR) propose d'amplifier le "pacte régional de sécurité" voté au conseil régional en mars dernier. Ce dispositif, doté d'un budget de trois millions d'euros, permet notamment d'aider les communes "à développer la vidéoprotection et l'équipement de la police municipale".

Des propositions potentiellement illégales, si l'on se fonde sur une décision de justice à propos d'un "plan de sécurité intérieure régional" présenté en 2016 par Christian Estrosi, alors président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ce plan de 250 millions d'euros, qui prévoyait notamment de financer "le déploiement de la vidéoprotection dans les communes", avait été attaqué par le préfet de région de l'époque, arguant que conformément à la loi NOTRe, les régions "n'ont aucune compétence en matière de sécurité". Le tribunal administratif de Marseille l'avait alors en partie retoqué, comme le rappelle Médiacités (article réservé aux abonnés)

L'extrême droite en pointe, les autres partis pas en reste

La présidente LR des Pays de la Loire, qui envisage de nommer Benoit Barret, secrétaire national adjoint du syndicat de police Alliance, comme vice-président chargé de la sécurité, a défendu sur France Bleu Loire-Atlantique cet arsenal de propositions. "Ce n'est pas une compétence, comme la santé n'en est pas une, reconnaît-elle. Mais c'est de ma responsabilité aujourd'hui d'agir." Son "pacte régional de sécurité" est directement inspiré de celui de Laurent Wauquiez (LR), en Auvergne-Rhône-Alpes, en place depuis la fin de l'année 2020.

En Bourgogne-Franche-Comté, Julien Odoul propose lui aussi que la région finance les systèmes communaux de vidéoprotection. "Beaucoup de villes n'ont pas les moyens financiers d'investir dans le recrutement d'un ou deux agents municipaux ou dans la vidéoprotection, regrette-t-il auprès de franceinfo. Si je suis élu, la région financera la vidéoprotection avec un budget qui sera important mais qu'il est pour le moment impossible de chiffrer." 

La sécurité est un axe fort du positionnement politique du Rassemblement national et de son ancêtre, le Front national. Dès 1984, dans "L'Heure de vérité", Jean-Marie Le Pen déclarait que "la sécurité est la première des libertés". Une formule devenue, en trois décennies, presque banale dans la bouche des personnalités politiques de tous bords. "Nous avons porté cette thématique bien avant tout le monde", se réjouit auprès de franceinfo Jordan Bardella, tête de liste RN en Ile-de-France.

Dans cette région, le candidat de La République en marche, Laurent Saint-Martin, souhaite de son côté créer une "police régionale" dans les transports en commun et dans les lycées, qui "complétera et coordonnera le patchwork aujourd'hui composé de la Suge [Surveillance générale de la SNCF] et de la Sûreté de la RATP", explique-t-il dans les colonnes du JDD (article réservé aux abonnés). Le député du Val-de-Marne propose ainsi "le recrutement" ou la "contractualisation" de 500 agents dès la première année pour un budget annuel de 80 millions d'euros. Il envisage également de "financer l'équipement des polices municipales"… bien que cette disposition existe déjà en Ile-de-France, dans le cadre d'un "bouclier de sécurité" contenu dans une convention Etat-région négociée après les attentats de 2015.

"C'est l'une de nos priorités, avance Déborah Pawlik, porte-parole de la liste LREM en Ile-de-France. C'est un très gros sujet. Quatre Franciliens sur 10 disent avoir peur d'être agressés, selon le rapport de l'institut Paris Région. Nous souhaitons notre propre force de sécurité, ce que n'a pas Ile-de-France Mobilités", argumente-t-elle. 

Toujours en Ile-de-France, la liste PS d'Audrey Pulvar ne veut pas non plus abandonner cette thématique à ses concurrents. "C'est un ressenti de la population, sa priorité numéro un, alors on ne peut que proposer des choses", confesse Nadège Azzaz, maire socialiste de Châtillon (Hauts-de-Seine) et tête de la liste départementale. "Nous proposons un renforcement de la présence policière le soir", déclare-t-elle, reprenant à son compte l'affirmation – contestée – selon laquelle le gouvernement aurait supprimé 300 postes de policiers dans les transports.

Une préoccupation forte des électeurs

Selon un sondage OpinionWay pour Les Echos paru le 27 mai, la sécurité arrive en effet en tête des enjeux des élections régionales pour la moitié des électeurs, devant le développement économique et la création d'emploi (38%) et le cadre de vie et l'environnement (36%).

"Cette thématique de la sécurité progresse de trois points depuis le mois d'avril pour atteindre son record au cours de cette élection, précise Frédéric Micheau, directeur général adjoint d'OpinionWay, qui note "un déplacement à droite de l'électorat de manière générale". En 2015, année pourtant marquée par les attentats à Charlie Hebdo, au Stade de France et au Bataclan, "la sécurité était le deuxième enjeu (à 45%) derrière le développement économique qui était à 54%", rappelle le sondeur. 

Derrière ces propositions pour une sécurité accrue, c'est aussi la campagne de 2022 qui se prépare. "C'est une façon d'entamer la campagne présidentielle car la sécurité sera un enjeu inévitable lors de cette élection", estime Olivier Rouquan, politologue, enseignant-chercheur en sciences politiques et chercheur associé au Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa). Un mélange des genres que Philippe Ballard, tête de liste RN à Paris, semble assumer : "Comme le dit souvent Jordan Bardella, les régionales sont l'apéritif de la présidentielle."

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