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A Reims, ce qu'a changé l'alternance à gauche

La ville est passée à gauche en 2008, après avoir été dirigée durant vingt-cinq ans par la droite. A l'issue du mandat de la socialiste Adeline Hazan, francetv info s'est penché sur ce qui a changé, et sur ce qui est resté.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des affiches électorales dans le centre de Reims (Marne), mardi 18 mars 2014. (ILAN CARO / FRANCETV INFO)

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Pour les uns, Reims s'est "mise en mouvement". Pour les autres, les six années de gestion socialiste n'ont été qu'une "succession d'échecs". Avant son passage à gauche en 2008, la ville des sacres des rois de France avait connu vingt-cinq années de droite et de centre-droit. Un mandat plus tard, l'heure est au bilan : l'alternance politique a-t-elle vraiment marqué une rupture avec le passé ?

"Je n'emploierais pas le mot de rupture, mais de changement total d'état d'esprit", répond Adeline Hazan, la maire socialiste, qui remet son mandat en jeu. Elle est arrivée deuxième à l'issue du premier tour des élections municipales, dimanche 23 mars, avec 38,29% des voix, derrière Arnaud Robinet (UMP, 39,63%). "Jean Falala [maire RPR de 1983 à 1999] n'avait rien fait, poursuit-elle. Cela s'est amélioré avec Jean-Louis Schneiter [maire centre-droit de 1999 à 2008], mais il n'y avait pas réellement de fil conducteur et beaucoup moins de dynamisme. Depuis mon arrivée, la ville a été transformée par une autre conception de l'espace public", assure cette proche de Martine Aubry.

Parmi les réalisations les plus visibles, il y a bien sûr le tramway et ses 9 kilomètres de lignes mises en service en 2011 après deux ans de travaux. Les Rémois en doivent la paternité à l'ancien maire, Jean-Louis Schneiter, qui a porté le projet malgré les réticences d'une partie de la droite. Fervente partisane, "dès 2001", de la construction d'un tram, Adeline Hazan a naturellement poursuivi le chantier. "[Jean-Louis Schneiter] avait eu à gérer le contrat et la négociation, moi les travaux et la réalisation", explique-t-elle. A Reims, on souffle même qu'en 2008, Jean-Louis Schneiter, qui ne se représentait pas, avait officieusement soutenu la candidate socialiste, meilleure garantie pour la pérennité de son projet.

La rénovation urbaine, vrai changement ou vitrine ?

Grâce au tram, mais aussi aux opérations de rénovation urbaine menées dans plusieurs quartiers périphériques, la maire de la 12e commune de France (180 000 habitants) se félicite d'avoir "unifié" la ville. Reims et ses 43% de logements sociaux "n'est plus la ville clivée et divisée qu'elle était avant", se réjouit-elle. Un journaliste local confirme : "De gros efforts ont été faits sur Croix-Rouge et Wilson. La vie de ces quartiers a changé et c'est à mettre au crédit [de la maire sortante]."

Aujourd'hui, l'UMP, rassemblée derrière un ticket formé du filloniste Arnaud Robinet et de la copéiste Catherine Vautrin, reconnaît que l'arrivée du tram "a donné une image de modernité dans certains quartiers", mais a eu "des conséquences très lourdes dans d'autres". "Il n'y a eu aucune approche globale. C'est une vitrine ! tacle Catherine Vautrin. Lorsque vous êtes dans le tram, vous vous dites que la rénovation urbaine a changé cette ville, mais dès qu'on va dans une rue perpendiculaire, on se rend compte que rien n'a changé."

Sévère tant sur le bilan des maires successifs que sur "le manque de vision" des candidats, tous partis confondus, Gérard Lemarié, prof de philo et véritable figure locale, observe, à l'écart de toute préférence partisane, "une ville à l'arrêt" depuis de nombreuses années, dont l'image s'est fossilisée autour de son club de foot, autrefois mythique, de son champagne et de sa cathédrale. Localement célèbre pour l'organisation de conférences à succès, il regrette que "personne n'arrive avec une idée géniale pour que Reims devienne attractive ! Pendant ce temps, on débat de savoir si la piscine doit être rénovée ou reconstruite..."

La taxe de la discorde

Depuis 2000, la ville a perdu plusieurs milliers d'habitants. Le taux de chômage est repassé au-dessus de la moyenne nationale. En un mandat, pendant lequel 8 000 emplois ont été détruits, l'équipe sortante estime avoir limité la casse en favorisant la création de 6 000 emplois et l'arrivée de 135 entreprises dans l'agglomération. Quant au nombre d'habitants, "les derniers chiffres de l'Insee montrent qu'on a gagné 800 habitants sur la période 2010-2011", met en avant Adeline Hazan.

Pour la droite, le bilan de la maire sortante comporte "les travers classiques" qu'on peut observer dans les villes de gauche. "La municipalité n'a jamais été aussi politisée", dénonce Arnaud Robinet. Durant le mandat, le nombre et le rôle des collaborateurs de la maire ont nourri de nombreux débats entre la majorité et l'opposition, comme le relevait le journal L'Union en 2011.

Autre grand cheval de bataille de la droite : "l'explosion fiscale, typique de ce que fait la gauche au plan national". Si Adeline Hazan peut se targuer de ne pas avoir augmenté les impôts locaux, l'opposition lui reproche l'instauration d'une taxe d'enlèvement sur les ordures ménagères. "Cette taxe est obligatoire, j'ai été obligée de la créer. Reims était la dernière ville à ne pas l'avoir instaurée", se défend la maire sortante, précisant l'avoir baissée de 15% ces trois dernières années. "La meilleure preuve, c'est que le programme de mes adversaires ne prévoit pas la suppression de cette taxe, mais seulement une diminution !" souligne-t-elle.

Une politique municipale de gauche, c'est quoi ?

Une politique municipale de gauche, "il y a des secteurs où ça ne veut rien dire", avance Adeline Hazan, qui donne en exemple le développement économique. "Tout maire digne de ce nom a envie de favoriser la création d'emplois. C'est une question de volontarisme", explique-t-elle. Ses débuts ont pourtant été moyennement appréciés par les acteurs économiques. "Les socialistes sont arrivés avec des idées toutes faites sur le monde de l'entreprise. Au début du mandat, les relations avec la municipalité étaient quasi-inexistantes", se souvient Luc Mourot, président de la CGPME de la Marne. "Petit à petit, les échanges sont devenus plus positifs et plus concrets", observe-t-il cependant. "Il y a eu une méconnaissance réciproque, admet la maire sortante. Une proximité insuffisante qui a été, au fil des mois et des années, complètement compensée."

Mais une politique municipale, ce sont aussi "des marqueurs de gauche". Dès son arrivée aux manettes, Adeline Hazan a nommé une adjointe chargée de la lutte contre les discriminations et une autre affectée à l'égalité hommes-femmes. Autre décision remarquée : la gratuité du parc de Champagne, le plus grand des rares espaces verts de la ville. "Lorsqu'on était dans l'opposition, on nous répondait que rendre l'accès gratuit entraînerait du vandalisme. Il n'en a rien été. C'est un exemple symbolique, mais qui marque bien la différence entre gauche et droite." Quoiqu'il en soit, la candidate, comme bon nombre de ses collègues socialistes, n'a apposé le logo du PS sur aucun tract ni aucune affiche.

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