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Euro 2021 : les chemins tortueux d’une compétition itinérante

France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Les supporters anglais se rendent à Wembley pour la finale de l'Euro, le 11 juillet à Londres. (CHRISTIAN CHARISIUS / PICTURE ALLIANCE)

Après un mois de compétition, l’Euro itinérant a pris fin dimanche. Le format inédit du tournoi n’a pas convaincu et ne devrait rester qu’une expérience unique.

Suivre un Euro sur le terrain, en voilà une aventure. Celle qui attendait les journalistes, les supporters mais également les joueurs lors de cette édition 2021 était inédite : onze villes hôtes, onze pays différents, des milliers de kilomètres à parcourir et un élément perturbateur nommé Covid-19 venu chambouler tout le programme. Partir pour suivre cet Euro itinérant, c’était finalement avoir la certitude de plonger dans l'aléatoire. Rien, du pré vert pour les joueurs, aux déplacements pour les supporters, en passant par la couverture pour les journalistes, ne se passerait comme prévu.

Après un mois de compétition et la victoire de l’Italie en finale face à l’Angleterre (1-1, 3-2 t.a.b.), l’Euro itinérant a vécu. L’UEFA a déjà écarté l’idée de réorganiser un tournoi sur l’ensemble du continent. "Trop difficile à mettre en œuvre", a soutenu dans une interview à la BBC Aleksander Ceferin, le président de l’instance européenne, vendredi. L’idée, sur le papier, était excitante : une création signée Michel Platini, annoncée en 2012 pour fêter en 2020 les 60 ans de l’Euro.

"Ça se ferait dans 12-13 villes. L’idée me plaît énormément. (…) Il y aurait un stade par pays, par ville, dans toute l’Europe, ce serait beaucoup plus simple et moins cher", indiquait alors le président de l’UEFA de l’époque. "Moins cher", on en convient : Platini souhaite offrir à des petits pays la chance d’accueillir une grande compétition sur leur territoire, sans s’endetter avec des constructions de stade ou des rénovations, alors que la crise économique frappe le continent de plein fouet.

Des allées et venues harassantes pour les joueurs

"Plus simple", on en doute davantage. L’idée avait un sens, mais est venu se joindre à elle cet imprévisible virus, qui a donc contraint l’UEFA à repousser le tournoi d’un an. En revanche, ce qui n’a pas bougé entre 2020 et 2021, c’est la répartition des matchs sur le continent : certaines sélections ont comme été touchées par la grâce au moment de l’organisation du tournoi et ont pu compter sur un premier tour disputé à la maison. Plus simple pour ces équipes, l’Euro s’est transformé en parcours du combattant pour les autres.

Cela a été dit et redit : les quatre sélections présentes dans le dernier carré (Italie, Angleterre, Danemark et Espagne) ont joué leur phase de poules chez elles. L’Angleterre a même disputé six de ses sept matchs à domicile, dans le stade de Wembley, que ses joueurs connaissent à la perfection. "Un avantage injuste", constaté par Luka Modric, le capitaine croate, avant même le début de la compétition et l’entrée en lice de son équipe face à l’Angleterre le 13 juin dernier (0-1).

Les organismes des joueurs, soumis à rude épreuve lors de leur saison en club, n’étaient peut-être pas prêts pour un marathon à travers l’Europe, entre longs déplacements et changements brusques de température. La Suisse, équipe qui a connu les plus grandes distances, en a vu du pays, avec plus de 19 000 kilomètres parcourus selon les calculs de L’Équipe. La Nati n’a jamais joué dans les mêmes conditions que les Anglais, avec sept degrés de plus en moyenne par match (26°C contre 19°C).

Home sweet home

Alors, forcément, pour les jambes et les têtes des joueurs, ça fait beaucoup. Ceux de l’équipe de France ont semblé particulièrement marqués sous la chaleur caniculaire de Budapest. Il fallait les voir, au lendemain du match nul contre la Hongrie (1-1), chercher désespérément à s’hydrater dans le stade Nandor. Pas plus d’un tour de terrain pour les titulaires de la veille, un décrassage au rabais et des longues pauses pour reprendre ses esprits : le staff de Didier Deschamps ne souhaitait prendre aucun risque et savait les Bleus mis à rude épreuve par le format de la compétition.

Pour sortir vivant et frais de cette édition transcontinentale, il fallait donc s’accrocher. Les supporters aussi. "Pour moi, l’Angleterre est le grand favori dans ce format. Vous savez bien que quand les matchs sont serrés dans la phase à élimination directe, c’est un grand avantage de jouer à domicile", indiquait Roberto Martinez, le sélectionneur belge, à l’issue du premier tour. Il ne pensait pas si bien dire : 52% des matchs ont été remportés par l’équipe qui recevait dans son propre stade (14 sur 27).

Un parcours semé d'embûches

Quand on sait la croix et la bannière qu'a représenté le simple suivi de son équipe nationale pour les supporters, l'avantage du domicile a dépassé les strictes limites du rectangle vert. De la chance (ou des privilèges) et un pécule conséquent, il en fallait ne serait-ce que pour suivre les quatre matchs de l'équipe de France entre Munich, Budapest et Bucarest. De la volonté aussi car il ne fallait pas craquer en cédant les places acquises deux ans plus tôt, avant le début de la pandémie.

Le seul supporter que nous avons croisé revendiquant avoir assisté à tous les matchs des Bleus à l’Euro 2021 était un investisseur en crypto-monnaies, déguisé en Panoramix. Alors qu’ils étaient 7 500 à Budapest face au Portugal, les Français n’étaient plus que 1 700 à Bucarest contre la Suisse. Ce n’est que cinq jours avant son huitième de finale que la France a su qu’elle jouerait en Roumanie. Évidemment, les prix des billets d’avion de dernière minute étaient aussi prohibitifs que la paperasse dont il fallait s’affranchir pour voyager la conscience tranquille. Et si l’on confond Bucarest avec Budapest, ça n’arrange pas les choses.

Pour nous journalistes, beaucoup de temps a été perdu dans les méandres des démarches administratives. Nos deux passeports arborent aujourd’hui fièrement un visa russe qui ne servira jamais malgré deux matinées perdues aux consulat et ambassade russes de Budapest. Car en perdant contre la Suisse, les Bleus se sont fermé la porte du quart de finale de Saint-Pétersbourg et le contingent des journalistes français a également été renvoyé chez lui par le tir au but manqué de Kylian Mbappé.

Une fête inégale

D’autres morceaux de journées ont été passés à faire la queue pour se soustraire à des tests PCR tous les deux-trois jours, sans savoir si le coton tige irait dans la gorge et/ou dans une ou deux narines. Tout ça pour n’en avoir jamais eu besoin dans certains aéroports. Une certaine cacophonie a régné. Elle s’est traduite par le respect très personnel du port du masque entre deux stades différents. Dans l’étuve de la Puskas Arena, rien n’est venu masquer le vrombissement de gradins en transe.

Il serait erroné de dire que la fête attendue pour cet Euro n’a pas eu lieu, mais une chose est sûre, l’ambiance n’était pas la même partout. Organisatrices mais sans équipe nationale à supporter, les villes de Bakou (Azerbaïdjan) et de Bucarest sont restées hermétiques aux scènes d’ivresse populaire comme celles aperçues dans les rues de Londres avant la finale. Un mal pour un bien, peut-être.

Les rues de Bakou au moment d'aborder l'Euro, le 10 juin (OZAN KOSE / AFP)

Le climat de libération des contraintes sanitaires associé aux fêtes et aux transits en avion n’ont pas aidé à contenir la propagation du Covid-19 sous sa forme Delta, découverte juste avant le début du tournoi sur le sol européen. Trois supporters présents en tribunes à Copenhague pour Danemark-Belgique ont été testés positifs au variant. En France, un cluster a été détecté dans les Vosges, avec neuf cas positifs chez des supporters de retour de Budapest. Sans oublier l’imbroglio de la tenue du quart de finale à Saint-Pétersbourg, qui a été maintenu malgré l’augmentation inquiétante des cas positifs.

Le contexte n’était peut-être pas le plus indiqué pour mettre sur la route 24 sélections et envoyer leurs milliers de supporters sillonner l’Europe de Séville à Bakou. Mais la fête aurait-elle été plus belle dans d’autres circonstances ? A priori non. Après plus d’un an de restrictions, entre couvre-feu, port du masque et confinements, cet Euro a conjugué libération et retour du vrai football, celui dont le cœur bat au gré des gesticulations de tribunes pleines. Sans cette lecture, l’Euro 2021 n’aurait peut-être été qu'un tournoi illisible et éclaté.

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