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Crash dans les Alpes : le BEA met-il trop de temps à communiquer ses informations ?

Le procureur de Marseille a reproché au Bureau d'enquêtes et d'analyses d'avoir mis trop de temps pour lui remettre certains éléments de l'enquête sur le crash, jeudi 26 mars.

Article rédigé par franceinfo
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Le directeur du BEA, Rémi Jouty, répond à la presse, au Bourget, mardi 24 mars 2015, au lendemain du crash d'un A320 de la compagnie Germanwings. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

"Ces éléments m'ont été trop tardivement transmis à mon goût." Le procureur de la République de Marseille n'a pas caché sa colère, jeudi 26 mars, lors d'une conférence de presse à la mi-journée. A plusieurs reprises, Brice Robin a reproché au Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) d'avoir tardé à lui remettre la retranscription de la conversation entre les deux pilotes, enregistrée par le Cockpit Voice Recorder, l'une des boîtes noires, installé dans le cockpit de l'Airbus A320. Comme il l'a reconnu face à la presse, Brice Robin pensait obtenir ces éléments "plus tôt dans l'après-midi". Il ne les obtient qu'en "début et en milieu de nuit".

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Les médias ont pris de court le parquet

Face à la presse, la veille, dans l'après-midi, le directeur du BEA a expliqué que l'enregistrement avait été écouté par ses enquêteurs. Mais, interrogé sur son contenu précis, Rémi Jouty se contente de réponses évasives.

Que la presse patiente, pourquoi pas. Mais pourquoi attendre plus d'une demi-journée pour transmettre les éléments au parquet ? De telles omissions soulèvent la question de l'indépendance du BEA, estiment Les Echos, qui rappellent les liens toujours très forts entre le Bureau et le ministère des Transports.

La relation avec les médias n'est guère meilleure. "On a pu voir ça sur les dernières grandes catastrophes qui ont été traitées en France, observe le journaliste spécialisé Michel Polacco, sur BFMTV. [Le BEA] a une fâcheuse tendance à retenir l'information, et vous savez que l'information, ça ne se retient pas." La preuve : dans la nuit de mercredi à jeudi, le New York Times (en anglais) indique qu'un des deux pilotes est resté bloqué à l'extérieur du cockpit, après avoir recueilli les confidences d'un enquêteur militaire anonyme. Tôt dans la matinée, l'AFP livre à son tour le même récit. Contacté, le BEA ne veut pas confirmer, ce qui laisse planer l'ombre d'un doute jusqu'à l'intervention du procureur.

Les syndicats de pilotes agacés par les fuites dans la presse

Les acteurs du secteur, eux, digèrent mal l'épisode. Mais ils en veulent aux médias plutôt qu'au BEA. L'European Cockpit Association regrette "une violation grave des règles fondamentales et mondialement acceptées en matière d'enquêtes sur les accidents". En France, le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) a "pris la décision de porter plainte contre X pour violation du secret professionnel", a annoncé son président, Eric Derivry, sur RMC.

Dans de telles circonstances, pourtant, la pression médiatique est souvent telle qu'il vaut mieux lâcher du lest, explique un spécialiste en communication de crise, cité par Libération. "Sur ces crashs, on peut communiquer au fil de l’enquête, plutôt que d’attendre des semaines", précise Jean-Christophe Alquier, qui collabore notamment avec Air France. "Cela permettrait de considérer ces enquêtes comme assez transparentes. On a souvent un sentiment d’opacité, qui peut éveiller les soupçons." Entre le devoir d'information et la nécessaire sérénité de l'enquête, le compromis est parfois délicat.

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