"Encore aujourd’hui, j’ai la chair de poule" : neuf ans après le déraillement d'un TGV en Alsace, l'émotion toujours vive du premier témoin du drame
C'est l'accident de TGV le plus grave de l'histoire en France. Une rame de TGV qui gît à la verticale dans l'eau d'un canal pendant des heures à Ecwkersheim en Alsace. Tandis que la France est sous le choc des attentats commis la veille au Bataclan, l'image reste vive dans les mémoires des victimes et des témoins de l'accident qui s’est produit le 14 novembre 2015.
Le premier à être venu en aide aux voyageurs avant les secours, c'est Robert Pfrimmer, 86 ans. Il habite à côté de la voie de chemin de fer et s'est rendu tout de suite sur place. "À 14h03, j’entends un bruit sourd, comme une mitrailleuse. Il y a des caténaires qui pendaient, qui étaient encore enflammées. Quelques instants après, il y a une portière qui s’ouvre et le conducteur de la motrice arrière qui sort et qui titube. Je vais vers lui", se souvient l’octogénaire. S'engage alors un dialogue entre les deux hommes.
"Il me dit : ‘on était en excès de vitesse’. Je lui demande combien ils sont, huit, dix ? Il répond : ‘Non, la cinquantaine, au moins’."
Robert Pfrimmer, premier sur les lieux de l'accidentà franceinfo
"Encore aujourd’hui, j’ai la chair de poule quand j’y pense", confie Robert Pfrimmer.
La vitesse excessive au cœur du procès
La vitesse excessive du TGV et le freinage tardif, c'est le cœur du dossier du procès qui s’ouvre lundi 4 mars, soit près de neuf ans après. La SNCF, trois de ses employés et deux de ses filiales sont jugés jusqu’au 16 mai pour "blessures et homicides involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité" au tribunal correctionnel de Paris. Ce 14 novembre 2015, la SNCF organisait un ultime essai pour ouvrir à la grande vitesse ce tronçon alsacien de la ligne TGV-Est avec, dans le train, des cheminots et de nombreux invités. Pour les victimes et leurs proches, dont une cinquantaine représentée par l'avocat Gérard Chemla, de nombreuses questions se posent. "On doit comprendre comment on a pu, dans de telles conditions, saborder le fleuron de la SNCF. Comment ça arrive ? Il doit y avoir une composante essentielle : l’attitude des personnes poursuivies. Est-ce qu'on va avoir des gens qui vont assumer ? L’avenir proche nous le dira".
L'audience s'annonce tendue car la SNCF renvoie la responsabilité sur une de ses filiales impliquées dans cet essai. Une accusation que réfute Philippe Goossens, l'avocat de cette société, Systra, au micro de France Bleu Alsace. "Systra considère qu’elle n’est pas responsable de l’accident tragique qui est survenu lors de ces essais. Systra n’était pas en charge de la conduite et avait demandé une vitesse maximale. Cette vitesse était connue, il aurait fallu la respecter", défend l'avocat. La rame avait déraillé à 265 km/h dans une courbe où la vitesse maximale aurait dû se limiter à 176 km/h.
Des procédures de sécurité revues depuis l'accident
Premier moment attendu lundi après-midi, les explications à la barre de l'ancien PDG de la SCF Guillaume Pepy. Le nom même d'Eckwersheim reste un traumatisme dans la mémoire de nombreux cheminots, confient, unanimes, des syndicalistes, tant le TGV était une fierté en interne, gage de sûreté absolue. Mais les différents rapports d'enquête depuis 2015 ont semblé accablants sur l'enchaînement d'erreurs et de manquements aux règles de sécurité.
La SNCF a depuis revu les procédures, notamment sur le freinage, avec l'installation d'un système d'urgence dans les rames d'essai qui se déclenche en cas d'incident. Il est aussi interdit depuis d'embarquer des personnes extérieures à l'essai, en clair, des invités, ou de se retrouver à plus de quatre en cabine de conduite. Un protocole rigoureusement appliqué alors que se déroulent, depuis l'an dernier, les différentes phases d'essai du TGV-M de nouvelle génération sur le réseau ferré français.
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