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Mort d'Adama Traoré : les zones d'ombre d'un dossier sensible

Alors que les causes précises de la mort du jeune homme, pendant son interpellation par trois gendarmes, restent floues, les anomalies s'accumulent, entraînant plusieurs plaintes de la famille de la victime.

Article rédigé par franceinfo
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Des manifestants participent à un rassemblement pour réclamer "vérité et justice" devant la Gare du Nord, à Paris, le 30 juillet 2016, après la mort d'Adama Traoré lors de son interpellation par des gendarmes. (JULIEN MATTIA / NURPHOTO / AFP)

Comment Adama Traoré, 24 ans, est-il mort ? Les circonstances de l'interpellation du jeune homme par trois gendarmes, le 19 juillet à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise), se précisent peu à peu, mais les causes directes de la mort restent troubles. L'avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, a annoncé avoir déposé une plainte, vendredi, pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner", et France 3 révèle, samedi 6 juillet, une nouvelle plainte contre une gendarme pour faux en écritures publiques et modification de scène de crime.

>> ENQUÊTE FRANCETV INFO. Le récit de l'arrestation d'Adama Traoré, mort dans une gendarmerie du Val-d'Oise le 19 juillet

Francetv info liste les anomalies soulevées par la presse et l'avocat de la famille Traoré, dans ce dossier sensible.

Une gendarme accusée d'avoir modifié la scène de crime

La famille d'Adama Traoré a décidé de porter plainte à l'encontre d'une gendarme pour faux en écritures publiques aggravés, dénonciation calomnieuse et modification de scène de crime, a appris France 3 auprès de Me Yassine Bouzrou. L'avocat accuse une gendarme de l'Isle-Adam (Val-d'Oise) d'avoir reporté de fausses informations dans un procès-verbal rédigé au soir de la mort d'Adama Traoré, et censé relater le déroulement de l'interpellation durant laquelle le jeune homme a trouvé la mort.

"Les affirmations de ce procès-verbal, selon lesquelles Adama Traoré aurait commis des violences à l'égard d'un gendarme, sont contredites par tous les éléments de la procédure, et notamment les déclarations dudit gendarme. Il est permis de penser qu’elle l’a rédigé dans le dessein de protéger ses collègues et de nuire à la manifestation de la vérité dans le cadre de l’enquête relative aux causes de la mort de Monsieur Adama Traoré", estime Me Bouzrou.

Vendredi, Mediapart affirmait déjà qu'"une femme officier de police judiciaire, en résidence à la Brigade de recherches de L’Isle-Adam" avait pris des initiatives sans attendre les consignes du parquet. Elle aurait notamment "procédé, sans être manifestement habilitée à le faire, à une saisie d'une pièce importante pour l'enquête, à savoir le polo porté par l'un des gendarmes, 'maculé de traces rougeâtres s'apparentant à du sang"

Les rapports des secours manquent au dossier

Quatre pompiers et quatre membres du Smur sont intervenus pour sauver Adama Traoré. Mais leurs rapports n'ont pas été versés au dossier, dénonce l'avocat de ses proches. Selon Yassine Bouzrou, près de deux semaines après le drame, ces documents manquent toujours à l'appel, comme l'a indiqué le site Mediapart. "Le rapport de police technique et scientifique rassemblant les constatations et prélèvements effectués dans le véhicule des gendarmes" est absent aussi.

Les médecins légistes, qui ont réalisé les autopsies, n'ont pas non plus pu consulter ces documents, toujours selon MediapartLe légiste qui a effectué la première autopsie a relevé un "syndrome asphyxique" et des "lésions d'allure infectieuse", au poumon et au foie notamment, sans parvenir à identifier la "cause immédiate" du décès. La contre-expertise réalisée à la demande de la famille révèle le même "syndrome asphyxique", mais les médecins ne sont pas non plus parvenus à trouver la cause directe de la mort d'Adama Traoré.

Le procureur de la République à Pontoise, affirme que "si ces documents ne sont pas actuellement dans le dossier, c'est parce qu'ils sont en train d'être recueillis ou font l'objet des investigations en cours dans le cadre de la commission rogatoire"

Une enquête pour "rébellion" ouverte après sa mort

Au lendemain de la mort d’Adama Traoré, le parquet de Pontoise a demandé à la section de recherches de la gendarmerie de Versailles d'"ouvrir une nouvelle procédure visant l’infraction de rébellion à l’encontre du défunt Traoré Adama. Infraction commise lors de son interpellation", révèle Mediapart.

Mais en droit français, une telle procédure n'existe pas. Le décès d'une personne déjà poursuivie met fin à toute action. Et il est, en toute logique, impossible d'engager des poursuites contre une personne dont la mort a été constatée. 

Pour Mediapart, il est donc "difficile, dès lors, ne pas voir dans ce choix une éventuelle volonté d'insister sur le fait que, Adama Traoré s'étant rebellé lors de son interpellation, l'usage 'strictement nécessaire de la force' par les gendarmes se justifierait pleinement". Les gendarmes ont expliqué avoir exercé une technique de "plaquage ventral", sur Adama Traoré, qui résistait à l'interpellation, affirmant que le jeune avait "pris le poids de nos corps à tous les trois au moment de son interpellation".

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