Affaire Cécile Vallin : comment l'enquête se poursuit, près de 26 ans après la disparition de l'adolescente
Elle a été vue pour la dernière fois à 18 heures, le 8 juin 1997, le long d'une route départementale à la sortie de Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), en direction de Chambéry. Elle n'avait que 17 ans et s'apprêtait à passer l'épreuve de philosophie du baccalauréat. Cécile Vallin n'a plus donné signe de vie depuis. "Elle s'est volatilisée, évaporée", estime Caty Richard, l'avocate du père de Cécile Vallin, contactée par franceinfo à l'occasion de la journée internationale des enfants disparus, jeudi 25 mai.
Depuis près de 26 ans, l'adolescente est introuvable, malgré les affiches placardées, les appels à témoins et les fouilles, y compris celles, dans les fondations d'un tronçon de l'A43, en 2008. La piste criminelle reste privilégiée, même si l'enquête, ouverte contre X pour "arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire", aurait pu être refermée depuis longtemps. C'était sans compter sur l'acharnement de Jonathan Oliver, le père de Cécile Vallin, et la détermination de son avocate.
Le parquet d'Albertville a annoncé en septembre dernier qu'il se dessaisissait "au profit du pôle dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés" de Nanterre (Hauts-de-Seine), surnommé pôle "cold cases". Une nouvelle accueillie avec "soulagement" par Caty Richard et une "grande satisfaction" pour Jonathan Oliver, dont les craintes sur la fermeture du dossier s'éloignent. "C'est fondamental, car il n'y aura plus de juge d'instruction surchargé, avec d'autres cas à traiter en parallèle", se réjouit-il. "Ce n'est pas une garantie de savoir ce qui lui est arrivé. Mais cela permet d'exploiter des nouvelles pistes, plus récentes", souligne Jonathan Oliver.
Une relecture complète du dossier
"Des pistes restent à explorer", assure Caty Richard. L'avocate a pu rencontrer en avril la juge d'instruction qui a hérité de ce dossier. D'après elle, les enquêteurs cherchent notamment à savoir si Yves Chatain, qui a avoué, 36 ans après, le meurtre de Marie-Thérèse Bonfanti, commis à Pontcharra (Isère) en 1986, pourrait avoir un lien avec la disparition de Cécile Vallin.
"Michel Fourniret n'est pas incriminé dans ce dossier, mais cela ne signifie pas qu'il en est exclu."
Caty Richard, avocate du père de Cécile Vallinà franceinfo
Son client relève, de son côté, que sa fille a disparu "pile au moment de sa 'période blanche'", c'est-à-dire les dix ans, entre 1990 et 2000, pendant laquelle aucune victime n'est imputée au tueur en série des Ardennes. Contacté, le parquet de Nanterre n'a pas souhaité faire de commentaire à ce sujet.
De leur côté, les enquêteurs de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) confirment que l'affaire Cécile Vallin est toujours entre leurs mains, même s'ils ne souhaitent pas entrer dans le détail des investigations en raison du secret de l'instruction. L'OCRVP a été saisi de la disparition de l'adolescente en décembre 2019, à la demande du juge d'instruction d'Albertville. Six mois plus tard, les enquêteurs avaient lancé un nouvel appel à témoins. Ils ont également procédé à une relecture complète du dossier, comme ils le font pour chaque "cold case", notamment à l'aide de logiciels et de "fichiers de recoupement".
"Faire parler à nouveau" les scellés
"On relit l'ensemble des procès-verbaux, ou encore l'exploitation téléphonique, afin de voir quelles pistes d'enquête ont déjà été menées, leur avancement, les raisons pour lesquelles elles n'ont pas été poursuivies", détaille auprès de franceinfo Frédéric Courtot, chef-adjoint de l'OCRVP.
"On peut réentendre des personnes qui l'ont été à l'époque des faits et comparer leurs témoignages."
Frédéric Courtot, chef-adjoint de l'OCRVPà franceinfo
Après le temps de la relecture, vient une phase plus active. "On voit quels sont les axes à creuser et on essaie de mettre en œuvre ceux qui n'ont pas été travaillés", explique Frédéric Courtot. Par exemple, les enquêteurs peuvent élargir le périmètre des fouilles. Le commissaire ajoute que le "référencement, l'analyse et la réexploitation des scellés" est également "assez systématique". "On essaie de les faire parler à nouveau", notamment grâce aux "progrès considérables" de l'expertise ADN, précise Frédéric Courtot.
L'objectif est de redonner une impulsion au dossier. "On est une force supplémentaire pour continuer à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour parvenir à l'élucidation", estime le commissaire, qui précise que les enquêteurs de l'OCRVP "travaillent, bien souvent, en cosaisine avec le service d'origine pour se donner un maximum de chances". Il met aussi en avant "la possibilité de se consacrer à temps plein à ces dossiers", une disponibilité très appréciée par les familles des personnes disparues, d'autant plus quand il s'agit d'enfants et d'adolescents. "On n'a pas vocation à être en contact avec les proches des victimes, c'est le rôle qui revient au magistrat instructeur. Mais dans certains dossiers, un lien peut se créer et on vient en accompagnement", observe Frédéric Courtot.
"La justice doit garder cette capacité d'attention"
C'est aussi l'intérêt du pôle judiciaire de Nanterre dédié aux crimes non élucidés, qui doit avoir une "aptitude à l'empathie avec les familles", insiste Jacques Dallest, auteur de Cold cases, un magistrat enquête (Mareuil éditions). "Même si le dossier n'avance pas, le seul fait de parler aux gens rassure, donne l'impression qu'on s'intéresse. La justice doit garder cette capacité d'attention aux autres", recommande-t-il. "Il faut que cette culture irrigue le corps judiciaire", poursuit le magistrat, désormais à la retraite, qui compte parmi ceux qui ont œuvré à la création du pôle "cold cases".
"Un jour, le pôle de Nanterre refermera des dossiers. Mais au moins, ils sauront l'expliquer aux familles et je pense qu'elles pourront le comprendre."
Jacques Dallest, ancien procureur généralà franceinfo
Dans l'affaire Cécile Vallin, la juge d'instruction qui vient d'être saisie n'a pas encore reçu Jonathan Oliver. "Mais elle est prête à le faire quand il le souhaite", assure l'avocate du père de la disparue. "Le plus important, c'est de travailler sur le dossier", estime Jonathan Oliver, qui n'a pas encore fait la demande pour éviter de lui faire perdre du temps. Un temps précieux pour explorer les ultimes facettes du dossier et permettre, un jour, d'offrir la vérité à ce père qui attend toujours, même s'il tente d'accepter qu'il ne saura peut-être jamais ce qu'il s'est passé. "Cela ne veut pas dire que je suis résigné. Car il y a au moins, quelque part, une personne qui sait ce que Cécile est devenue."
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