Affaire Grégory : ce que l'on sait de la confrontation entre Murielle Bolle et son cousin
Ce cousin assure que Murielle Bolle a été "lynchée" par sa famille avant de retirer ses accusations à l'encontre de son beau-frère Bernard Laroche en novembre 1984. Les deux protoganistes se sont confrontés, vendredi.
Les trois heures d'audition n'ont pas permis de démêler le vrai du faux. La présidente de la chambre de l'instruction de Dijon, Claire Barbier, a confronté dans son bureau, vendredi 28 juillet, deux acteurs clés de l'enquête sur la mort du petit Grégory : Murielle Bolle, 48 ans, et son cousin, le mystérieux Patrick F., 54 ans, apparu à la fin juin dans cette affaire vieille de près de trente-trois ans.
Tous deux livrent une version radicalement différente de la soirée du 5 novembre 1984. Une date cruciale pour les enquêteurs, puisque c'est la veille de la rétractation de Murielle Bolle, l'adolescente qui les avait mis sur la piste du principal suspect, son beau-frère Bernard Laroche, mort depuis.
Franceinfo vous résume les enjeux de cette confrontation en six points.
1Murielle Bolle, un témoin clé qui dénonce, puis se rétracte du jour au lendemain en 1984
Murielle Bolle est un personnage clé de l'affaire Grégory. En 1984, dix-sept jours après la découverte du corps du petit garçon, dans la Vologne une rivière des Vosges, cette adolescente de 15 ans fait basculer l'enquête. A la gendarmerie de Bruyères, elle livre en effet un témoignage qui accable le mari de sa sœur Marie-Ange, Bernard Laroche, lequel est un cousin germain du père de Grégory. Murielle vit chez le couple et assure aux enquêteurs avoir vu l'enfant avec son beau-frère, dans sa voiture, le jour de sa mort avant de se rétracter soudainement le 6 novembre 1984.
Depuis, Murielle Bolle martèle que son beau-frère est innocent. Même quand, quasiment trente-trois ans plus tard, en juin 2017, elle est interpellée à son domicile de Granges-sur-Vologne (Vosges). Sauf qu'entre temps, les enquêteurs ont reçu le témoignage d'un mystérieux cousin.
2Patrick F., un mystérieux témoin qui se fait connaître en 2017
Agé de 54 ans, Patrick F. n'avait jamais été auditionné dans le cadre de l'affaire Grégory. Il assure que c'est en apprenant la garde à vue des époux Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory, le 14 juin, qu'il a décidé de contacter les enquêteurs. Il se présente comme un cousin germain de Murielle Bolle, qui vit en Lorraine. Comme le montre notre infographie, la mère de Patrick F. est la sœur de Jeanine Lavalée, la maman de Murielle et de Marie-Ange Bolle.
On sait peu de choses de lui, si ce n'est qu'il a dit aux enquêteurs avoir fait autrefois de la prison "pour de la violence, beaucoup de violence, et un vol avec violence", selon des éléments des procès-verbaux cités par Le Figaro. Enfin, dans les colonnes du Parisien, il s'est dit "gravement malade", et "invalide à 80%". Surtout, il a expliqué s'être manifesté auprès des enquêteurs pour soulager sa conscience et n'avoir "rien à gagner" dans cette affaire.
3Il assure que Murielle Bolle a été "lynchée" par sa famille pour obtenir son silence
Patrick F. a confié aux enquêteurs connaître la raison pour laquelle Murielle Bolle est revenue sur ces accusations, innocentant du jour au lendemain Bernard Laroche. Et pour cause, il assure avoir été témoin du "lynchage" de la jeune fille, dans la soirée du 5 au 6 novembre 1984, la veille de sa rétractation. Dans ses dépositions, que franceinfo s'est procuré, il affirme avoir assisté à "une scène insoutenable". Selon lui, l'adolescente a reçu des "gifles" de son père et sa mère. "Celle qui l'a le plus secouée, détaille-t-il, c'est sa sœur Marie-Ange", la femme de Bernard Laroche "qui lui criait : 'Tu as envoyé ton beau-frère en prison !' On entendait [Murielle] hurler."
J'ai été choqué de voir Marie-Ange avec une poignée de cheveux de Murielle dans la main.
Patrick F.aux enquêteurs
Toujours selon ce cousin, il s'est entretenu brièvement ce soir-là avec Murielle Bolle. En cachette, il lui a apporté son repas dans sa chambre, où elle avait été enfermée : "C'est là qu'elle m'a pris la main et m'a dit qu'elle n'avait pas menti, que Bernard avait pris le gamin sur un tas de sable", affirme-t-il. Selon lui, elle lui aurait "juré sur la tête de sa mère" que Bernard Laroche était bien l'auteur de l'enlèvement, et que Grégory aurait été remis "à deux personnes, alors qu'il faisait presque nuit".
Enfin, selon Patrick, c'est l'avocat de la famille, Paul Prompt, qui aurait décidé d'organiser une interview dans laquelle l'adolescente doit dire qu'elle a menti et qu'elle a été maltraitée par les gendarmes.
4Une version toujours démentie par Murielle Bolle
Malgré ce récent témoignage, Murielle Bolle n'a, pour le moment, pas modifié sa version de la soirée du 6 novembre 1984, selon son avocat, Jean-Paul Teissonnière. Pour expliquer ce fameux revirement, elle a ainsi assuré aux enquêteurs qu'elle ne s'était "pas rendue compte des conséquences que ce qu'on lui faisait dire auraient sur sa famille, la pire d'entre elles étant la mort de Bernard Laroche." Pour l'avocat de Murielle Bolle, le témoignage du cousin "est faux." Et de résumer : "Un de ses cousins éloignés, par ailleurs repris de justice et condamné à plusieurs reprises, a eu besoin de dire, subitement, sur procès-verbal, que Murielle avait subi des pressions, après avoir appris sur BFMTV l'arrestation du couple Jacob".
Jean-Christophe Tymoczko, l'avocat du cousin, assure pourtant que son client espère faire "bouger la sensibilité de Murielle, pour qu'elle admette qu'il n'est pas un menteur", a-t-il expliqué à l'AFP. Il devra en tout cas défendre sa version des faits face aux avocats de Murielle Bolle, qui seront présents pendant la confrontation. Son avocat à lui ne sera pas présent, Patrick F. n'étant entendu qu'en qualité de simple témoin.
5Ces deux versions ont des failles qui chiffonnent les enquêteurs
Les avocats de Murielle Bolle assurent disposer d'"arguments solides pour faire vaciller" la déposition de Patrick F. L'une des questions portera notamment sur la présence sur les lieux de l'avocat, Paul Prompt, aujourd'hui décédé. Si le cousin de Murielle Bolle a assuré l'avoir vu au domicile de la famille, le soir du 5 novembre 1984, les avocats de Murielle Bolle affirment pouvoir démontrer qu'il ne pouvait être présent. Me Jean-Christophe Tymoczko, l'avocat du cousin, reconnaît que ce point "sera âprement discuté" et que c'est "le talon d'Achille" de la déposition de son client, qui compte cependant rappeler à Murielle Bolle "certains points indiscutables".
Difficile de trouver, dans le cercle familial, des témoins pour corroborer le témoignage de Patrick F. Marie-Ange Bolle, sœur de Murielle et épouse de Bernard Laroche, a, elle aussi, formellement démenti sa version des faits : le soir du 5 novembre 1984, "j'ai saisi Murielle par les épaules, mais je ne l'ai pas frappée. C'est faux, je suis formelle. Je lui ai dit : 'Qu'est-ce que tu as dit ?'", a-t-elle affirmé lors d'un entretien accordé à l'AFP et à L'Est républicain.
Toutefois, les enquêteurs considéraient déjà comme "établi" que Murielle Bolle avait été "malmenée" par sa famille. Une ancienne voisine de la famille a d'ailleurs récemment témoigné en ce sens, dans les pages de L'Est républicain. Selon elle, Murielle Bolle "a bien été maltraitée par sa famille. Le cousin dit la vérité. (...) On a entendu des gens parler fort, des cris. Il faisait nuit, je suis allée dehors pour voir ce qu'il se passait. J’ai tout de suite compris que les hurlements provenaient de la maison habitée par les époux Bolle. C’était violent. Toute la famille était là. On entendait Murielle se plaindre", a relaté la voisine, près de trente-trois ans après cette nuit. Selon elle, Murielle Bolle "n'a jamais avoué parce qu'elle a trop peur de sa famille".
6Le témoignage du "voisin" crédible selon le procureur
"Chacun est resté sur ses positions", a résumé Jean-Jacques Bosc, le procureur général de Dijon après trois heures de confrontation entre Murielle Bolle et son cousin Patrick. Le cousin semble "crédible" sur certains éléments, a ajouté le procureur.
Murielle Bolle de son côté nie toujours "toutes violences" de sa famille lors de la soirée du 5 novembre 1984 mais les deux cousins ont pu "échanger". "Tout le monde a pu s'exprimer" même s'il y a eu quelques "tensions" mais "ce n'est pas exceptionnel dans une confrontation", a précisé Jean-Jacques Bosc. Ce dernier a enfin rappelé que les gendarmes "poursuivaient les investigations".
"Les deux discours ne concordent pas, nous n'avons pas beaucoup avancé", ont affirmé les avocats de Murielle Bolle. "Le mythomane a encore frappé", ont-il ajouté. L'avocat du cousin, Jean-Christophe Tymoczko, a expliqué de son côté que son client a "réitéré l'ensemble de ses déclarations", mais qu'il était "déçu" car "il pensait qu'il pourrait y avoir une vérité qui puisse émerger subitement". "Ce n'est pas forcément mon client le menteur", a-t-il ajouté.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.