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Affaire Grégory : ce que contenaient les lettres et les appels des corbeaux

Le contenu des lettres et les appels téléphoniques du ou des corbeaux laissaient entrevoir les relations très tendues qu'entretenaient les membres de la famille Villemin entre eux.

Article rédigé par franceinfo
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Le domicile de Jacqueline Jacob d'Aumontzey, dans les Vosges. (RADIO FRANCE / GILLES GALLINARO)

Ils sont au cœur de l'enquête sur l'affaire Grégory. De nouvelles expertises sur des courriers "sont de nature à nous faire progresser sur le chemin de la vérité", a expliqué Jean-Jacques Bosc, procureur général de la République de Dijon, lors d'une conférence de presse, jeudi 15 juin. Des analyses qui sont "confondantes" pour Jacqueline Jacob, la grand-tante du petit Grégory, et Monique Villemin, sa grand-mère. Ces deux femmes sont aujourd'hui soupçonnées d'avoir fait partie des corbeaux qui ont envoyé des lettres de menace ou passé des coups de fil anonymes à la famille Villemin et au juge d'instruction de l'époque. 

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Franceinfo revient sur ce que contenaient ces menaces.

Schéma des membres de la famille Villemin impliqués dans l'enquête sur le meurtre du petit Grégory. (ANSELME CALABRESE / FRANCEINFO)

Plus de mille appels anonymes

La famille Villemin a reçu plus de mille appels de plusieurs corbeaux pendant près de trois ans. Ces appels ont débuté dès 1981, trois ans avant la mort du petit Grégory. "La date n'est pas anodine", explique Libération, qui rappelle que Jean-Marie Villemin, le père de l'enfant, "vient d'obtenir une promotion. Il a été nommé contremaître" dans l'usine Auto Coussin qu'il avait intégrée comme ouvrier.

Les parents de Grégory reçoivent des appels silencieux, parfois accompagnés de musique. Ses grands-parents également. A tel point qu'ils tiennent un registre. Le 30 novembre 1982, le grand-père de Grégory, Albert Villemin, reçoit ainsi "pas moins de 27 appels", raconte Ouest France. Le lendemain, il finit par déposer plainte à la gendarmerie de Corcieux (Vosges). Mais la plainte reste sans effet... et les appels ne s'arrêtent pas. Le 26 janvier 1983, il en reçoit encore 17. "Ces communications aux grands-parents Villemin cessent le 17 mai 1983 lorsque leur ligne téléphonique est mise sur écoute", écrit Ouest France. Mais d’autres membres de la famille continuent à recevoir des appels.

Un appel a retenu particulièrement l'attention des juges dijonnais, qui avaient réalisé une nouvelle enquête en 1993. Le 8 avril 1984, rapporte Ouest France, une voix anonyme appelle le père de Grégory, Jean-Marie Villemin, 26 ans à l'époque. L'interlocuteur le menace de brûler sa maison. "Je m'en fous", lui répond le père. Puis le corbeau s'en prend à sa femme, Christine Villemin, alors âgée de 24 ans. "J'en trouverai une autre" lui répond Jean-Marie Villemin. La voix anonyme surenchérit. Elle menace d'enlever Grégory.

Ne fais jamais ça !

Jean-Marie Villemin au corbeau

Le père "idolâtrait son garçon âgé de 4 ans à cette période", raconte le quotidien régional. Les juges de Dijon notent que Jean-Marie Villemin venait de montrer au corbeau "quel était le meilleur moyen de l'atteindre". Grégory Villemin sera trouvé sans vie dans la Vologne six mois après cet appel. Selon le procureur Jean-Jacques Bosc, les investigations ont permis d'établir que "ces appels émanaient d'une femme et d'un homme à la voix rauque et essoufflée". Mais ces deux personnes n'ont toujours pas été identifiées formellement.

Des lettres de menaces à la famille Villemin

L'enquête semble progresser aujourd'hui grâce aux lettres des "corbeaux". Elles ont été écrites entre 1983 et 1985. 

Un premier message manuscrit, écrit en lettres capitales et truffé de fautes d'orthographe, est laissé derrière les volets de la maison des parents du petit Grégory, le 4 mars 1983.

Je vous ferez votre peau a la famille Villemain

Un corbeau aux parents de Grégory

4 mars 1983

Suivent quatre lettres, cette fois-ci envoyées par La Poste. Une sera adressée aux parents de Grégory. Trois autres seront envoyées aux grands-parents de Grégory, Albert et Monique Villemin.

Les enquêteurs soupçonnent aujourd'hui Jacqueline Jacob. Il s'agit de l'épouse du frère de la grand-mère de Grégory (elle est donc la grand-tante de l'enfant). Elle aurait écrit l'une de ces lettres : celle de trois pages, en écriture cursive, envoyée le 17 mai 1983 à Albert et Monique Villemin, les grands-parents de l'enfant. La lettre est garnie d'insultes envers plusieurs membres de la famille. Surtout, elle prend la défense de Jacky, "toujours mis de côté". Jacky, c'est l'aîné de la fratrie Villemin : né d'une première liaison, il n'est pas le fils d'Albert. Et le traitement qui lui est réservé pose problème à l'auteur de la lettre, qui écrit : "Il n'y en a toujour que pour les mêmes et le chef vient toujour en premier." Pour finir, le corbeau explique qu'il arrête là les courriers. 

Ceci est ma dernière lettre et vous n'aurez plus aucune nouvelle de moi. (...) Adieu mes chers cons.

Un corbeau à Albert et Monique Villemin

17 mai 1983

Des expertises en écriture, une technique utilisée par les enquêteurs pour authentifier des documents, ont permis d'attribuer ces lettres à Jacqueline Jacob, explique Jean-Jacques Bosc, procureur général de la République de Dijon. "Les conclusions sont confondantes" pour elle, a-t-il indiqué. 

Une lettre de revendication après le meurtre

Une autre lettre de revendication, envoyée le 16 octobre 1984, le jour du meurtre, n'a pour l'heure pas été attribuée à un auteur.

J'espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance. Pauvre con.

Un corbeau au père de Grégory

le 16 octobre 1984, date de la mort du garçon

Selon les investigations des gendarmes, pourtant, "une similitude importante" apparaît entre la lettre du 17 mai 1983 et celle du 16 octobre 1984. L'expression "le chef", qui désigne Jean-Marie Villemin, le père de Grégory (devenu contremaître à l'usine) se retrouve dans les deux lettres.

Des menaces de mort à l'encontre d'un juge

En 1989, le juge Maurice Simon, président de la cour d'appel de Dijon, est en charge de l'affaire Grégory quand il reçoit un courrier anonyme menaçant. 

Vas-tu voir 1990 ? ça c'est notre affaire, en tout cas tu seras tué

Un corbeau au juge Maurice Simon

courrier daté de 1989

Selon le procureur Jean-Jacques Bosc, les analyses sur le courrier pointent vers Monique Villemin, la grand-mère de Grégory. 

Le texte mettait aussi en cause les parents de Grégory comme étant les auteurs du crime, alors que le juge Jean-Michel Lambert avait porté ses soupçons en juillet 1985 vers la mère de Grégory, Christine Villemin, finalement innocentée en 1993 au terme d'un non-lieu retentissant.

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