Jade, ex-prostituée de l'affaire du Carlton : "C'était pas de la grosse boucherie"
Partie civile dans le dossier, cette mère de famille s'est exprimée pour la première fois ce mardi matin à la barre.
Son carré court est un peu trop lisse, et laisse penser qu'il s'agit d'une perruque. Précaution superflue pour celle qui a "lu ce matin dans la presse son prénom et nom de famille". "Jade", ex-prostituée et partie civile dans l'affaire du Carlton, a exprimé "sa colère" à la barre, mardi 3 février, au deuxième jour du procès.
"Je ne veux pas estimer les dégâts collatéraux que cela va provoquer mais je vous tiendrai au courant", lance-t-elle devant le tribunal derrière ses lunettes embuées par les larmes. "Je ne comprends pas et je suis en colère", ajoute cette mère de famille belge, qui affirme avoir arrêté la prostitution depuis quelques années. "Jade", son surnom dans le "milieu", travaillait dans un des bars de Dodo La Saumure, le "club madame", en Belgique, quand elle a rencontré René Kojfer, alors chargé des relations publiques de l'hôtel du Carlton.
S'en sont suivies des parties fines, "avec chacun(e) son partenaire", dans un appartement de la rue Faidherbe à Lille. Etaient notamment présents, dit-elle, Hervé Franchois, propriétaire du Carlton, et Francis Henrion, ex-gérant de l'hôtel. On se situe au coeur du premier volet de l'affaire, qui concerne le groupe hôtelier. Le président du tribunal lui demande : "Aujourd'hui, quel est votre sentiment à l'égard des gens (Kojfer, Franchois et Henrion) qui comparaissent ?"
C'était classe. C'était pas de la grosse boucherie. Ces gens étaient courtois. C'était une ambiance où on ne sentait pas diminuées. On avait quand même un cadre plus agréable que dans une chambre où l'on fait des passes.
Elle évoque une scène beaucoup plus dure dans un restaurant à Lambersart, près de Lille, où René Kojfer l'avait conviée pour "l'anniversaire d'une entreprise de travaux publics". Là, elle a retrouvé dans les toilettes une jeune fille "de 19 ans", "ivre morte", "par terre", "le pantalon et la culotte baissés aux chevilles".
"Je ne sais pas combien lui sont passés dessus"
Aujourd'hui, Jade est "sortie de son passé", travaille et se reconstruit, grâce à l'aide de l'association du Nid. Un échange poignant sur ce qui l'a conduite à se prostituer s'est tenu entre elle et le président du tribunal, Bernard Lemaire.
- "Ce passé, vous l'avez voulu ou non ?
- Franchement non
- Qu'est-ce qui vous a fait entrer dans la prostitution ?
- J'ai eu un gros souci financier lors de ma séparation avec mon mari. Je devais faire garder mes deux enfants, qui n'avaient pas l'âge d'aller à l'école.
- Comment avez-vous passé le pas ?
- J'ai ouvert mon frigo et je savais que j'avais une enquête sociale et ce frigo était vide ou presque. Donc je savais qu'il fallait que je me lance. J'ai répondu à une annonce. (...) Voilà comment j'ai mis le pied dedans."
"Morte de trouille"
C'est "morte de trouille" qu'elle se rend à son premier rendez-vous. Elle assure ne jamais s'être achetée de sacs ou de "bottes de marque" avec cet argent, utilisé pour "rembourser ce qu'elle devait à l'avocat pour la séparation". "Je ne supporte pas l'expression de l'argent facile car parfois il peut l'être, parfois pas du tout", lâche-t-elle.
Sa relation avec René Kojfer l'a menée jusqu'à Washington, et au directeur du Fonds monétaire international, Dominique Strauss Kahn. De lui, elle dit à la barre : "Moi ce bonhomme, je ne le connaissais pas. Je leur en veux profondément car ils savaient qu'ils me présentaient à [une personne publique]", ajoute-t-elle, en référence à René Kojfer, mais aussi à Fabrice Paszkowski et David Roquet, deux autres prévenus.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.