"Grosse m..." : le procès Merah s'ouvre dans une ambiance tendue
Le procès d'Abdelkader Merah, grand frère de Mohamed Merah, et d'un ami d'enfance du tueur au scooter s'est ouvert lundi devant la cour d'assises spéciale à Paris.
La mère d'Abdelkader Merah est appelée à la barre pour fixer la date de son audition comme témoin. Elle se tourne vers le box et envoie un baiser de la main à son fils, frère aîné du tueur au scooter. Un geste de trop pour les parties civiles. "Grosse merde", lance depuis son banc le père de Jonathan Sandler, tué avec ses deux enfants Arié et Gabriel, 5 et 4 ans, devant l'école Ozar Hatorah à Toulouse le 19 mars 2012. "Il m'a insultée", répond Zoulikha Aziri, alors que le président appelle au calme. "C'est sorti tout seul, mais ça m'a fait du bien", lâche Samuel Sandler après s'être excusé auprès des gendarmes lors de la suspension d'audience. "Je suis désolée pour les victimes, mais Abdelkader n'a rien fait", a maintenu de son côté Zoulikha Aziri au sujet de son fils, à l'extérieur de la salle.
Pourtant, dès le début de l'audience, lundi 2 octobre, Franck Zientara, le président de la cour d'assises spécialement composée pour juger Abdelkader Merah et Fettah Malki, avait averti : "Nous avons à juger deux hommes qui sont présumés innocents. La justice a besoin, pour être rendue dans les meilleures conditions, de calme." Avant de poursuivre : "Les faits sur lesquels nous allons nous pencher sont terribles." Cinq ans après les attentats de Montauban et Toulouse, qui ont fait sept morts – trois militaires, un enseignant et trois enfants juifs –, Abdelkader Merah est renvoyé devant la justice pour "complicité d'assassinats". A ses côtés dans le box, un ami de Mohamed Merah est poursuivi pour "participation à une association de malfaiteurs terroristes criminelle".
"Ce box est bien vide"
Encadrés par quatre gendarmes, les deux accusés ont fait leur entrée dans une ambiance solennelle et pesante. Abdelkader Merah, 35 ans, est apparu vêtu de blanc, carrure massive et visage encadré par une longue barbe noire et des cheveux noués en catogan. Ses lunettes accrochées à sa chemise, il s'est contenté, pour ce premier jour, de décliner son identité avant de se rasseoir pour le reste de la journée.
La cour n'est pas encore rentrée dans le vif du sujet, mais déjà, les lignes de fracture, profondes et violentes, se dessinent. L'ombre d'un absent pèse sur ce procès, premier grand rendez-vous judiciaire de la série d'attaques terroristes qui ont frappé la France depuis 2012. "Ce box est bien vide", lance devant caméras et micros – 139 journalistes sont accrédités – Albert Chennouf, père du militaire Abel Chennouf, tué à Montauban le 15 mars 2012. Un accusé fantôme, dont le nom, Mohamed Merah, ne cesse d'être prononcé, au grand dam des parties civiles.
"Je suis là pour faire contrepoids. Parler de mes enfants, c'est tout ce qu'il me reste", avait confié à franceinfo Samuel Sandler. A son arrivée, la mère du militaire Mohamed Legouad, assassiné à Montauban, a pour sa part glissé d'une petite voix espérer "faire son deuil" grâce à ce procès. Au total, près de 250 parties civiles sont représentées mais peu feront le déplacement.
Après avoir procédé à la lecture du dossier pendant une heure et demie, égrenant les éléments à charge et à décharge pour les deux accusés, le président a commencé par interroger Fettah Malki sur son parcours, sans aborder les faits qui lui sont reprochés. Assis à la gauche d'Abdelkader Merah, ce trentenaire de petite taille, aux cheveux noirs frisés, est accusé d'avoir fourni arme, munitions et gilet par balles à Mohamed Merah. Il a toujours affirmé ignorer tout des intentions terroristes de son ami.
Fettah Malki, le "commercial" de la cité
Au micro, il est revenu sur sa vie faite d'échec scolaire, de magouilles et "d'argent facile". La trajectoire tristement banale d'un petit délinquant, présenté par son ex-avocate comme le "commercial" de la cité des Izards à Toulouse. Questionné par le président, Fettah Melki reconnaît volontiers s'être livré à des "trafics" et avoir joué l'intermédiaire pour vendre "bijoux, voitures, shit". Avec son accent toulousain, il indique avoir été "recalé à la légion étrangère".
Rapidement, les débats s'attardent sur sa possession d'armes et sa religiosité, des éléments censés être abordés plus tard. Les échanges se tendent. "Vous voulez me faire dire que je suis un tueur", s'énerve ce père de deux enfants, qui assure n'avoir acheté des armes que pour les revendre. Quant à son rapport avec la religion musulmane, il souligne qu'il ne fait pas le ramadan. Son avocat, Me Edouard Martial, précise que son client n'est pas resté dans l'unité dédiée aux détenus radicalisés de Fleury-Mérogis : "Ils ont bien vu qu'il n'avait rien à y faire."
Mardi, ce sera au tour d'Abdelkader Merah de dérouler son curriculum vitae avant les faits. Les débats doivent durer cinq semaines.
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