Affaire Merah : "Mon petit-fils Gabriel avait la tétine à la bouche quand il s'est fait assassiner"
La France rend hommage, dimanche, aux sept victimes de Mohamed Merah assassinées il y a cinq ans. Interrogé par franceinfo, Samuel Sandler, qui a perdu son fils et deux petits-fils, souligne l'importance de ces commémorations.
Un moment de recueillement dans les jardins de l'école juive Ozar Hatorah, à Toulouse. Puis une cérémonie du souvenir près du Capitole, en présence de François Hollande. Ce dimanche 19 mars marque une nouvelle journée de commémorations en l'honneur des sept victimes de Mohamed Merah. Il y a cinq ans jour pour jour, le "tueur au scooter" assassinait Jonathan Sandler, ses deux fils Arieh et Gabriel, âgés respectivement de 5 et 3 ans, ainsi que Myriam Monsonego, 7 ans. Il avait déjà tué trois militaires les jours précédents.
Samuel Sandler, le père de Jonathan Sandler et grand-père d'Arieh et Gabriel, a tenu à participer aux commémorations. Il souhaite que la France se souvienne des noms des victimes.
franceinfo : En quoi ces commémorations sont-elles importantes à vos yeux ?
Samuel Sandler : C'est avant tout un devoir de mémoire. À travers les cérémonies se manifestent le souvenir de mon fils et de mes deux petits-fils, le souvenir de la petite Myriam et des soldats. Il faut perpétuer cette mémoire.
Malheureusement, on se souvient toujours du nom de l'assassin, en particulier de celui-là, dont le nom est récurrent. Mais on se souvient très peu des noms des victimes. Par facilité, on parle de la mort d'un professeur et de trois élèves. Mais mon petit-fils Gabriel avait 3 ans et la tétine à la bouche quand il s'est fait assassiner. On ne peut pas simplement le qualifier d'élève.
Jonathan, Arieh et Gabriel étaient un père et ses deux enfants qui attendaient la navette du jardin d'enfant avec la petite Myriam.
Samuel Sandlerà franceinfo
Comment vous sentez-vous cinq ans après ?
Je suis à la retraite depuis seulement quatre mois. Ma vie professionnelle m'a aidé à tenir, ainsi que mon activité dans différentes associations. Ce sont des distractions, elles m'ont évité de penser.
Comment avez-vous vécu les attentats qui ont suivi, à Paris et à Nice ?
C'est toujours très difficile, parce que chaque attentat efface le souvenir du précédent. J'ai beaucoup pensé aux familles. Les attentats de Toulouse et de Montauban ont beaucoup marqué. Mais après l'attentat de Nice ou les attaques du 13-Novembre à Paris, de nombreuses victimes restent malheureusement anonymes. Pour les familles, je crois que l'anonymat rajoute encore à la souffrance.
L'un des frères de Mohamed Merah, Abdelghani Merah, termine ce dimanche à Paris une marche contre l'intégrisme. Que pensez-vous de son initiative ?
Je suis choqué. Non pas par son initiative, mais par la date qu'il a choisie. Arriver un 19 mars à Paris... Cet homme va encore mettre en exergue le nom de son frère au détriment de ceux des victimes. Choisir cette date, c'est un acte indécent et obscène.
Avec Latifa Ibn-Ziaten, la mère d'un des militaires tué par Mohamed Merah, vous vous rendez régulièrement dans les écoles d'Ile-de-France. Que dites-vous aux élèves ?
Il faut leur rappeler la guerre. Je parle aussi de la déportation de mon cousin. Il avait 8 ans quand il a été arrêté au Havre, en même temps que ma grand-mère. C'est de la haine gratuite que l'on retrouve encore et encore.
Pendant longtemps, j'ai pensé qu'on ne tuerait plus jamais d'enfants parce qu'ils étaient juifs. Mais ça s'est reproduit à Toulouse.
Samuel Sandlerà franceinfo
Il y a trop souvent de l'ignorance. Aujourd'hui encore, beaucoup de personnes ont des idées reçues. Ils ne savent ce qu'est le judaïsme, il n'ont jamais vraiment rencontré de personnes juives. Mais ça ne les empêche pas de manifester une violence et une haine incommensurables.
Face à cela, la solution c'est l'éducation, même s'il y a parfois des échecs. En juillet 2015, un jeune, islamiste potentiel, a été arrêté tout près de chez moi, au Chesnay (Yvelines). Cela m'a étonné car il a certainement fréquenté les écoles qu'ont fréquentées mes enfants. L'éducation est sûrement une méthode insuffisante, mais je n'en vois pas d'autre.
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