"La stratégie du Raid : purger la dimension d'hyperviolence" du suspect
Christophe Caupenne a été négociateur dans cette unité pendant près d'onze ans. Il explique à FTVi le travail effectué par son "collègue" auprès du suspect retranché à Toulouse.
Christophe Caupenne a été négociateur au Raid, une unité d'élite de la police nationale, pendant près de 11 ans, de 2000 à 2011. Il est titulaire d'un Master 2 professionnel d'expert en négociation et en situation de crise. Il est aussi diplômé en criminologie appliquée à l'expertise mentale. Auteur du livre intitulé Négociateur au Raid (éditions du Cherche-Midi), il explique à FTVi le travail que doit effectuer son "collègue" auprès de l'auteur présumé des tueries de Toulouse et Montauban, retranché chez lui mercredi 21 mars au matin.
FTVi : A Toulouse, que fait actuellement le négociateur du Raid face à l'homme retranché ?
Christophe Caupenne : D'abord, il l'a laissé s'exprimer. Longuement. La stratégie consiste à faire en sorte que l'homme retranché ventile, si l'on peut dire, ses émotions. Laisser le discours se tenir largement, de façon à ce qu'il épuise la tension qui est la sienne, est une étape cruciale. Evidemment, il peut y avoir des ruptures, des reprises, le dialogue est forcément chaotique. Un minimum de confiance doit, au fil du temps, s’établir. Mais le fil est par définition ténu.
FTVi : Y a-t-il des choses à ne pas faire, des mots à ne pas prononcer ?
C. C. : Surtout, il ne faut pas chercher à obtenir à court terme la reddition. Il faut d'emblée s'installer dans la durée et jouer ensuite en fonction des épisodes qui peuvent surgir, influer sur le comportement. C'est une gestion de conflit, de crise. Il faut donc parvenir à purger la dimension d'hyperviolence sous-jacente. Quant aux mots, mieux vaut éviter tout le vocabulaire en relation étroite et descriptive avec la situation présente. "Prison", "armes", "morts" doivent se faire rares, le dialogue doit parler d'une atmosphère, de relations aux proches, etc...
FTVi : Est-il important d'avoir des informations sur le parcours de celui auquel on s'adresse ?
C. C. : Bien sûr ! En l'occurrence, on sait que cet homme est passé par un conditionnement religieux puissant. Il faut donc contourner cet obstacle majeur. Tenter peu à peu d'entamer un travail de déconditionnement. C'est le plus délicat, de toute évidence. Faire atterrir en quelque sorte votre interlocuteur pour éviter la casse, c'est tout le but du négociateur.
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