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Ce que l'on sait de l'agression de deux surveillants par un détenu à la prison de Condé-sur-Sarthe

L'homme, suivi pour radicalisation, a utilisé un couteau en céramique qui pourrait avoir été introduit dans la prison par son épouse.

Article rédigé par franceinfo
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Un hélicoptère est posé devant le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (Orne), le 5 mars 2019. (MAXPPP)

Un caractère "terroriste" qui ne fait "aucun doute", selon la ministre de la Justice. Un détenu a agressé deux surveillants de la maison centrale d'Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne), mardi 5 mars, alors qu'il se trouvait dans une unité de vie familiale avec son épouse. L'homme, suivi pour radicalisation, a utilisé un couteau en céramique. Il a été arrêté dans la soirée dans un assaut du Raid, avec sa compagne. Cette dernière, grièvement touchée, a succombé à ses blessures. Voici ce que l'on sait de l'agression de la matinée.

Que s'est-il passé ?

L'agression s'est déroulée mardi vers 9h45. Michaël Chiolo, détenu à la prison d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, a attaqué deux surveillants à l'aide d'un couteau en céramique en criant "Allah Akbar", selon des témoignages rapportés par le parquet de Paris. Il se trouvait depuis lundi avec son épouse dans une unité de vie familiale (UVF), une sorte de parloir amélioré ressemblant à un petit appartement équipé d'un coin-cuisine, dans lequel les détenus peuvent passer entre 6 et 72 heures avec leur famille.

Selon une source syndicale, les faits se sont produits lorsque les surveillants sont venus lui signifier la fin de son placement en UVF. Lors d'un point-presse, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a au contraire indiqué que les surveillants avaient été appelés dans l'UVF à la demande du détenu. Une source proche du dossier précise que la femme a simulé un malaise, prétextant être enceinte, pour faire venir un agent pénitentiaire. Selon les informations de France Télévisions, c'est elle qui aurait donné le premier coup de couteau au surveillant.

"C'est vraiment une tentative d'assassinat. Il y avait du sang partout. L'unité de vie familiale était un champ de bataille. Un des surveillants a perdu connaissance à un moment", a indiqué Alassanne Sall, du syndicat FO-pénitentiaire. Le détenu s'est ensuite retranché dans l'unité avec son épouse, pendant une dizaine d'heures, jusqu'à l'assaut. Il a ensuite été hospitalisé du fait de blessures "sans gravité", selon le parquet de Paris.

Quel est l'état de santé des surveillants ?

"Je suis heureuse de savoir que les deux surveillants ne sont pas en danger", a déclaré Nicole Belloubet lors d'un point-presse en début d'après-midi, en soulignant qu'ils avaient "subi une attaque terrible".

Le surveillant le plus grièvement blessé a été touché à l'intestin et au rein. Il a été opéré dans la journée et son état était rassurant en début de soirée, selon une source proche du dossier. L'autre surveillant, avec des morceaux de lame dans l'omoplate et la mâchoire, devait être opéré dans la soirée, précise France Bleu Picardie.

Quel est le passé judiciaire de l'assaillant ?

Michaël Chiolo, âgé de 27 ans, était "un détenu de droit commun, placé au regard de ses antécédents dans l'un des établissements les plus sécuritaires du pays", a indiqué Nicole Belloubet. Arrivé dans l'établissement en mars 2017, l'homme purgeait une peine de trente ans de réclusion criminelle pour "arrestation, enlèvement, séquestration suivie de mort et vol avec arme", et d'un an d'emprisonnement pour "apologie publique d'acte de terrorisme".

>> Qui est Michaël Chiolo, l'agresseur présumé de deux surveillants à la prison de Condé-sur-Sarthe ?

Avec un complice, ils avaient été condamnés en décembre 2015 en appel à Nancy pour avoir étouffé un homme de 89 ans, après l'avoir séquestré et "momifié" à son domicile près de Metz en 2012. Originaires de Saint-Avold (Moselle), les deux hommes s'étaient rendus le 17 avril 2012 au domicile de Roger Tarall, 89 ans, à Montigny-lès-Metz, pour le cambrioler. Sur son lit, le vieil homme avait été ligoté et bâillonné, son visage emballé dans des bandes médicales, tandis que les voleurs procédaient à la fouille de son appartement. Le corps de la victime, morte par asphyxie, avait été découvert le lendemain sur son lit.

En novembre 2015, alors qu'il était déjà incarcéré à Mulhouse dans l'attente de son jugement en appel, Michaël Chiolo avait été condamné à un an de prison ferme pour avoir demandé à ses codétenus de "rejouer" l'attaque du Bataclan dans la cour de la maison d'arrêt. "Après Paris, j'aurais continué en province", aurait dit le jeune homme à un codétenu, selon des propos rapportés par les surveillants de la maison d'arrêt. Il est libérable en 2038.

Etait-il suivi pour radicalisation ?

Selon nos informations, le détenu était fiché FSPRT (fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste). Converti à l'islam, il se serait radicalisé en prison. On ne sait pas s'il était détenu au sein de l'unité réservée aux détenus radicalisés.

La ministre de la Justice a affirmé que le caractère "terroriste" de l'attaque ne faisait "aucun doute". La section antiterroriste du parquet de Paris a donc été saisie, et le procureur de Paris, Rémy Heitz, s'est rendu sur place. L'enquête a été confiée à la sous-direction de l'antiterrorisme (Sdat), qui mène les investigations conjointement avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la direction interrégionale de la police judiciaire de Rennes.

Quelles sont les zones d'ombre de l'enquête ?

Nicole Belloubet a elle-même reconnu qu'il faudrait, "à froid, tirer toutes les conséquences de cette attaque terroriste". L'enquête devra tout d'abord déterminer comment l'homme a pu se procurer ce couteau en céramique. La ministre a exclu que cet objet ait pu se trouver parmi le matériel de cuisine disponible au sein de l'unité de vie familiale. Elle a revanche suggéré que le couteau ait pu être apporté par l'épouse, rappelant que les portiques sous lesquels passent les visiteurs ne détectent pas les objets en céramique.

La ministre de la Justice s'est également demandé si "toutes les ressources du renseignement pénitentiaire" ont bien été "mobilisées" dans cette affaire, et si les surveillants qui sont venus rejoindre le détenu "étaient parfaitement équipés". Outre l'enquête ouverte par le parquet antiterroriste, une enquête administrative de la Chancellerie tentera également de répondre à ces questions. Trois personnes ont été placées en garde à vue mardi soir.

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