Armes fabriquées avec des imprimantes 3D : "Ce qui est un peu inquiétant, c'est l'ubérisation du trafic d'armes", alerte le procureur de Marseille

Un réseau de trafic d'armes créées avec des imprimantes 3D a été démantelé en Belgique et en France, notamment dans le Var, fin janvier 2024.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des armes imprimées en 3D saisies par les forces de l'ordre, à Marseille, en février 2024. (MATHILDE VINCENEUX / RADIOFRANCE)

"Ce qui est un peu inquiétant, c'est l'ubérisation du trafic d'armes", a alerté mardi 6 février sur franceinfo Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille, alors qu'un vaste réseau qui fabriquait et revendait des armes créées à partir d'imprimantes 3D a été démantelé fin janvier en France et en Belgique. Les trafiquants utilisaient les réseaux sociaux, notamment "Vinted pour livrer sa clientèle", a-t-il expliqué. Les armes, dotées d'un canon en métal et d'une crosse en plastique, se vendaient entre "1 000 et 1 500 € l'unité", précise-t-il. "Ils se font rémunérer en cryptomonnaies", a souligné le procureur.

franceinfo : C'est la première fois que vous avez affaire à ce type d'armes ?

Nicolas Bessone : Ce n'est pas la première fois que ces armes sont apparues. En 2022, dans un règlement de comptes, une tentative d'homicide volontaire sur Marseille, les personnes ayant pris la fuite avaient abandonné leur arme. On avait trouvé une "arme 3D". C'est la raison pour laquelle on est particulièrement vigilants sur cette nouvelle criminalité.

De quel type d'arme s'agit-il ?

Le canon est en métal, mais le reste est en plastique. Elles peuvent être fabriquées selon un procédé par des imprimantes 3D. Elles ont le même pouvoir létal que les armes conventionnelles, les armes pour lesquelles elles sont passibles naturellement de poursuites au regard de la loi pénale, comme des armes traditionnelles.

Qui fabrique ce genre d'armes ?

L'enquête diligentée par l'unité nationale cyber de la gendarmerie sur commission rogatoire d'un juge d'instruction marseillais, a pu déterminer dans notre affaire que ces armes partaient du sud-est de la France, dans la région de Roquebrune-sur-Argens (Var). On s'est rendu compte qu'un petit groupe qui communiquait par Telegram se livrait à la fabrication, à la revente de ce type d'armement qu'il fabriquait avec ces imprimantes 3D. Les gendarmes ont réalisé quatorze interpellations dans toute la France et en Belgique, où la personne du sud-est de la France s'était déplacée pour suivre son trafic d'armes.

C'est plus simple d'acheter ces armes que des armes traditionnelles ?

Je ne dirai pas nécessairement ça. Sur Marseille, les armes, c'est une préoccupation, sont diffusées largement. Mais ce qui est un peu inquiétant, c'est l'ubérisation du trafic d'armes puisqu'on va utiliser les réseaux sociaux, on va utiliser Vinted pour livrer sa clientèle en démontant l'arme et en faisant plusieurs envois. Ils se font rémunérer en cryptomonnaies. On est tout à fait dans la modernité et l'adaptation de la délinquance aux nouvelles technologies.

Combien coûte une "arme 3D" ?

Le prix d'une arme 9mm qui répond au doux nom "Fuck Gun Control" (FGC-9). Il y a un peu d'idéologie aussi derrière, mais ça n'empêche pas le mercantilisme. C'est un mouvement qui se veut libertarien au départ et qui, en réalité, va fournir à la fois des collectionneurs et des trafiquants de drogue. Il ressort de la procédure qu'elle se monnaye entre 1 000 et 1 500 euros l'unité. Elles n'ont pas de numéro de série. Pour faire une recherche comparative, c'est plus compliqué. Ça peut être des armes, compte tenu de leur prix, à usage unique qui pourraient être jetées, détruites après la commission d'infraction.

Vous ne craignez pas d'être débordé par le phénomène ?

C'est la raison pour laquelle nous sommes vigilants. L'immense majorité des armes malheureusement utilisées sur Marseille sont des armes conventionnelles. Mais les autorités policières et judiciaires sont très attentives pour éviter que ce type de trafics se développe. Je ne dis pas qu'on est dépassé, au contraire. Cette organisation qui me semble-t-il, est la première à avoir été démantelée, est une vraie réussite. Mais il faut rester naturellement particulièrement vigilant.

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