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Attentats : les Belhoucine, deux autres frères au cœur de l'enquête

Mohamed et Mehdi Belhoucine seraient liés à Amedy Coulibaly, le terroriste qui a tué une policière, à Montrouge, et quatre personnes dans un magasin casher, à Paris.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Capture d'écran d'une vidéo diffusée le 12 janvier 2015. Elle montre Mehdi Belhoucine et Hayat Boumeddiene à l'aéroport d'Istanbul (Turquie), le 2 janvier 2015. (IHLAS NEWS AGENCY / AFP)

Plus personne n'ignore qui sont les frères Kouachi, les auteurs de l'attaque contre Charlie Hebdo, le 7 janvier. Mais les enquêteurs s'intéressent désormais à une autre fratrie : les Belhoucine. Leur parcours s'approche d'Amedy Coulibaly, le troisième terroriste, auteur des attaques meurtrières à Montrouge et porte de Vincennes, à Paris.

Une caméra de surveillance

Après les attentats des 7 et 9 janvier, leurs noms apparaissent dans la presse le 13 janvier. Le Monde publie des images de la télévision turque. Cinq jours avant l'attaque de Charlie Hebdo, une caméra de surveillance a filmé un homme aux cheveux longs, attachés, et une femme voilée. Ils présentent leurs passeports à l'aéroport d'Istanbul.


La jeune femme, Hayat Boumeddiene, est alors la personne la plus recherchée de France. C'est la compagne du preneur d'otages du magasin casher, Amedy Coulibaly, celle qui apparaît sur l'avis de recherche diffusé par tous les médias. Les services turcs identifieront plus tard l'homme aux cheveux longs à sa droite : Mehdi Belhoucine, 23 ans. Depuis, les deux se sont évanouis dans la nature. Hayat Boumediene est entrée le 8 janvier en Syrie, selon les autorités turques. Mehdi Belhoucine peut-être aussi, où se trouve déjà son frère.

Belhoucine est un nom connu des services de renseignement. Le frère aîné, Mohamed, 27 ans, a été arrêté en 2010 et condamné en juillet 2014 à deux ans de prison, dont un avec sursis, pour sa participation à une filière acheminant des combattants en Afghanistan. Lui aussi est parti en Turquie avant les attentats, avec sa femme de 24 ans et leur fils, né peu avant son arrestation. Aujourd'hui, Mohamed Belhoucine se trouve en Syrie, dans une zone tenue par l'organisation Etat islamique. 

Mehdi, passionné de foot tenté par le jihad

Mehdi et Mohamed grandissent à Bondy (Seine-Saint-Denis) dans une fratrie de quatre. Ce sont plutôt de bons élèves. Au Parisien, un voisin des parents confie : "Ils les ont bien élevés, leurs fils".  Un ami de collège de Mehdi Belhoucine, le plus jeune, le décrit comme "un passionné de football. Il ne parlait que de cela. Le foot en salle, c'était intense avec lui. Mais à la fin du lycée, il avait déjà un peu changé. Il n'était plus tout à fait le même garçon. Le savoir mêlé de près ou de loin à ces attentats, ce n'est pas concevable." Il ajoute : "Il parlait plus souvent de religion, sans être intrusif. Il expliquait que cela pouvait te changer la vie, que la voie de l'islam était le bon chemin. A tel point qu'il avait réussi à nous convaincre qu'il fallait faire ramadan par solidarité avec les musulmans. Et on l'a fait !"

Quand son frère est arrêté, en 2010, Mehdi Belhoucine est placé sous surveillance et interrogé. Il n'a que 18 ans. Il est étudiant en mécanique électronique à Jussieu, à Paris. Il parle de la situation en Afghanistan, en Irak, en Palestine, en Somalie et en Tchétchénie. Il déclare aux enquêteurs : "J’ai pensé à me rendre dans l'un de ces pays, mais pas forcément pour prendre les armes dans un premier temps. L’idée, pour moi, serait d’être là avec eux, de les aider, peut-être sous forme d’aide humanitaire et peut-être que, poussé, je pourrais être amené à prendre les armes." Il assiste à des réunions dans un appartement de transit pour les jihadistes en partance pour l'Afghanistan, à Bobigny. Mais il n'a fait que "jouer à la console", dit un participant. Il n'est pas inquiété.

Mohamed, étudiant brillant à la dérive

Mohamed, le grand frère, surnommé "Hamidou" par ses proches, est un étudiant brillant. Il réussit le difficile concours d'entrée à l'école des mines d'Albi (Tarn). "Le premier de la famille à faire des études d'ingénieur", dit-il lors de son procès. "J'étais leur fierté." Mais, à Albi, cela ne se passe pas bien. "Il n'avait pas le niveau et après avoir redoublé la première année, il a quitté l'école en juin 2009. Il a préféré se réorienter plutôt que d'attendre une décision d'exclusion inéluctable", selon l'école d'ingénieurs, citée par La Dépêche.

Dans le Tarn, il ne se fait pas d'ami, s'isole, déprime. A son procès, il déclare : "Je suis musulman, mais je n'ai jamais été pratiquant, je n'avais pas de repère. Parce que j'étais mal, je me suis tourné vers la religion, mais je n'y connaissais rien. Au début, on se moquait de mon ignorance dans les forums." Il se passionne pour l'islam radical, se lance dans le "cyberjihad", poste des traductions françaises de films de propagande jihadiste de l'organe médiatique d'Al-Qaïda. Son mail est oussama911 (comme Oussama Ben Laden et le 11-Septembre).

Sur un forum jihadiste, il entre en contact avec un membre d'un groupe radical. Pendant les vacances d'été, il fait, grâce à ce dernier, la connaissance des autres membres du groupe, dont six partiront plus tard pour la zone pakistano-afghane (trois y périront). Il abandonne son école en 3e année, rentre chez ses parents. L'adresse IP de son ordinateur est repérée par les services antiterroristes. Il est placé sous surveillance et des messages provenant du Pakistan ou d'Afghanistan dans lesquels les jihadistes membres du groupe de Bobigny réclament de l'argent sont interceptés. En 2010, il est embauché par la mairie d'Aulnay-sous-Bois pour faire du soutien scolaire. Mais, en mai, il est arrêté.

Une mosquée parisienne

Le 11 juillet 2014, Mohamed Belhoucine est condamné pour son rôle de messager dans la filière afghane, dont les membres gravitent autour de la mosquée parisienne de la rue Timbaud, un lieu de culte traditionnaliste.

Huit autres prévenus sont condamnés dans cette affaire, "dont un Français de 34 ans originaire de Pantin, interpellé en novembre 2011 dans un train en Bulgarie et trouvé en possession d'une microcarte mémoire renfermant le parfait manuel de l'apprenti terroriste", selon Le Parisien. Cet homme a été condamné à huit ans de prison. Dans le dossier, apparaît aussi "Moez Garsallaoui, considéré par les services de renseignement européens comme le pivot du recrutement jihadiste venant d'Europe à destination de l'Afghanistan", écrit encore le quotidien.

Un dernier nom attire l'attention dans cette affaire : Zahir Chouket, en fuite en Tunisie. Selon Le Monde, qui cite le réquisitoire du 21 février 2014 dans le procès de la filière, il jouait "un rôle de facilitateur en Turquie, où il disposait de contacts susceptibles d’héberger [des jihadistes] à Istanbul". Il aurait pu aider toutes ces personnes dont les noms ressurgissent après les attentats à s'éclipser vers la Syrie.

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