Comment les pays musulmans réagissent à la une de "Charlie Hebdo"
Les autorités religieuses et les médias de nombreux pays dénoncent la nouvelle caricature de Mahomet, dessinée par Luz.
La nouvelle une de Charlie Hebdo, une semaine après l'attaque qui a décimé une bonne partie de la rédaction, fait scandale au sein du monde musulman. De nombreux pays musulmans ont dénoncé la caricature de Mahomet. Le prophète apparaît, la larme à l'œil, en train de tenir une pancarte "Je suis Charlie". Pour rappel, la majorité des instances religieuses de l'islam interdisent de représenter le prophète. De l'Algérie à l'Iran, les réactions sont nombreuses pour dénoncer cette "provocation". Tour d'horizon.
Les autorités religieuses dénoncent une "insulte"
Peu après la parution, autorités politiques et religieuses du monde musulman ont sévèrement dénoncé le nouveau Charlie Hebdo. En Egypte, la mosquée et l'université Al-Azhar, qui fait autorité pour l'enseignement de l'islam sunnite, demande aux musulmans d'ignorer ses nouveaux dessins qualifiés d'"odieuse futilité". Dans un communiqué cité par France 24, Al-Azhar estime que le choix de l'hebdomadaire satirique "ne sert pas la coexistence pacifique entre les peuples et entrave l'intégration des musulmans dans les sociétés européennes et occidentales".
Le grand mufti d'Egypte, un des dignitaires musulmans les plus influents au Proche-Orient, professe lui que "ce numéro va soulever une nouvelle vague de haine dans la société française et la société occidentale en général". Le mufti de Jérusalem, plus haute autorité religieuse dans les Territoires palestiniens, exprime lui aussi son malaise vis-à-vis de la caricature du prophète Mahomet.
"Cette insulte a blessé les sentiments de près de 2 milliards de musulmans dans le monde", juge-t-il dans un communiqué. "Ces dessins et autres insultes nuisent aux relations entre les adeptes des religions" du Livre (l'islam, le judaïsme et le christianisme), poursuit-il en déplorant la vaste diffusion de ce nouveau numéro. Il rejette toutefois tout recours à la violence : "L'islam proscrit l'usage de la violence contre des innocents, qu'ils soient musulmans ou pas."
Les chiites ont aussi réagi par la voix du grand ayatollah Nasser Makarem-Shirazi, en Iran. Le dignitaire chiite conservateur estime que les nouveaux dessins du prophète constituent "une déclaration de guerre à tous les musulmans". Le chef de la diplomatie iranienne appelle, lui, au "respect" mutuel des convictions religieuses.
Pour l'Union mondiale des oulémas musulmans, installée au Qatar et présidée par le prédicateur Youssef Al-Qaradaoui, considéré comme l'éminence grise des Frères musulmans, il n'est "ni raisonnable, ni logique, ni sage" de publier de nouveaux dessins "offensant le prophète ou attaquant l'islam".
Les médias algériens lancent un "Nous sommes Mahomet"
Les médias des différents pays musulmans ont eux aussi montré leur mécontentement après la publication du nouveau Charlie Hebdo. En Algérie, les deux grands quotidiens arabophones Echorouk et Ennahar titrent tous les deux sur le slogan "Nous sommes tous Mahomet" pour répondre aux caricatures du prophète, relève le blog Visa pour l'Algérie du Figaro.
La une d'Echorouk consiste ainsi en un dessin d'un homme brandissant une pancarte "Je suis Charlie", à côté d'un char de combat écrasant des pancartes où sont écrits "Palestine", "Mali", "Gaza", "Irak" et "Syrie". Le journal pointe ainsi "le parti-pris des Français quand il s'agit de drames les touchant directement", analyse le blog.
#Algérie Et celle d'@EchoroukJournal Voir #TP #Charlie pic.twitter.com/JLhd4CLp1r
— Mélanie Matarese ✒️ (@melalger) January 14, 2015
De son côté, Ennahar publie sur sa première page une photo d'une main tenant un papier "Nous sommes tous Mohamed" [le prophète] en français.
La Une d Ennahar ce matin #algerie pic.twitter.com/LIpf6gljif
— Mélanie Matarese ✒️ (@melalger) January 14, 2015
La justice turque bloque la diffusion des caricatures sur le web
En Turquie, le nouveau Charlie Hebdo fait également débat. Seul contre tous, le quotidien Cumhuriyet, journal d'opposition laïque, a publié des extraits du dernier numéro. En réponse, la justice turque a interdit, mercredi, la diffusion sur internet de la caricature du prophète Mahomet dessinée par Luz.
Quelques heures après la sortie dans les kiosques de l'hebdomadaire français, un tribunal de Diyarbakir (sud-est du pays) a ordonné le blocage en Turquie de toutes les pages web reproduisant cette une. "La liberté d'expression n'autorise personne à dire tout ce qu'il veut", argumente le tribunal. Selon lui, "les mots, écrits, dessins et publications qui dénigrent les valeurs religieuses et le prophète constituent une insulte pour les croyants".
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