Lassana Bathily, héros de la prise d'otages porte de Vincennes, a été naturalisé français
Près de neuf ans après son arrivée en France, le jeune employé du magasin Hyper Cacher a été naturalisé français, lors d'une cérémonie place Beauvau, présidée par le ministre de l'Intérieur. Portrait.
C'est officiel. Lassana Bathily, héros de la prise d'otages porte de Vincennes, a été naturalisé français, mardi 20 janvier, lors d'une cérémonie place Beauvau, présidée par le ministre de l'Intérieur. Lassana Bathily "s'est comporté en citoyen courageux dans des circonstances dramatiques", a reconnu Bernard Cazeneuve. "Il s'est efforcé de cacher des otages, il a réussi à tromper la vigilance du tueur. (...) Lassana fait partie de ces êtres qui ne sont pas conscients de leur propre part d’héroïsme", a-t-il salué. "La République accueille tous ses enfants, sans quoi elle ne serait plus la République. Bienvenue chez vous", a conclu Bernard Cazeneuve lors de la cérémonie de naturalisation.
"Les gens me prennent pour un héros, mais je ne suis pas un héros, je suis Lassana, je resterai moi-même", a répondu Lassana Bathily à la tribune, après les discours du ministre de l'Intérieur et du Premier ministre. "Je suis très heureux, mais triste aussi car j'ai perdu quelqu'un que j'aimais beaucoup", a-t-il poursuivi, en référence à Yohan Cohen, lui aussi employé de l'Hyper Cacher, où il a été tué. Et Lassana Bathily de conclure : "Vive la liberté, vive l'amitié, vive la solidarité, vive la France".
"J'ai caché des êtres humains"
Né en 1990 à Bamako, le Malien est récompensé pour son "acte de bravoure". Lors de la prise d'otages de la porte de Vincennes, vendredi 9 janvier, l'employé de l'Hyper Cacher s'était distingué par son sang-froid et son courage, aidant des clients à se dissimuler dans la chambre froide pendant l'attaque d'Amedy Coulibaly. "Je n'ai pas caché des juifs, j'ai caché des êtres humains", avait expliqué ce musulman pratiquant après le dénouement.
>>> 13 heures, vendredi 9 janvier, porte de Vincennes. Francetv info refait le film de la prise d'otages
Ce jour-là, le jeune homme était arrivé à 8 heures, une demi-heure avant l'ouverture, le temps de laver le sol. Quand Amedy Coulibaly pénètre dans le magasin, à la mi-journée, et ouvre le feu à la kalachnikov, Lassana Bathily est au sous-sol, en train d'ouvrir la porte d'une chambre froide pour y stocker une palette de marchandises. Au même moment, des clients descendent pour tenter d'échapper au terroriste.
Un courage salué par le président de la République
"Je leur dit 'venez, venez'", raconte l'employé, qui protège les otages en les confinant dans deux chambres froides. Lassana Bathily leur propose de sortir via le monte-charge, qui donne accès à une issue de secours. Ses compagnons refusent de prendre le risque, il choisit de tenter sa chance et parvient à s'échapper. D'abord menotté par les policiers, le temps de vérifier qu'il n'était pas un complice, Lassana Bathily leur fournit ensuite des informations précieuses pour préparer l'assaut.
Le soir, il arrive à une heure du matin dans son foyer de travailleurs migrants du nord de Paris. Ses amis l'acclament. Le dimanche, il reçoit un coup de fil du président de la République, François Hollande, qui salue son courage et demande à le rencontrer. Le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, le remercie. Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, le félicite. Toute la presse, y compris les magazines people, s'intéresse à son parcours. Face à une telle attention, le jeune homme se met un temps en retrait des caméras.
Arrivé en France "le 10 mars 2006, à 19 heures"
Car Lassana Bathily est plus habitué à la discrétion. Le Malien est arrivé en France "le 10 mars 2006, à 19 heures", quittant sa région désertique de Kayes, comme son père et son oncle dans les années 1970, raconte Le Parisien. Après Mulhouse, il rejoint Paris, où il perfectionne son français et s'inscrit au lycée en CAP. Son professeur d'anglais se souvient, dans les colonnes du quotidien, d'un "élève respectueux, doux et très populaire".
Lassana Bathily reçoit le soutien des associations qui défendent les sans-papiers, comme le Réseau éducation sans frontières et la Ligue des droits de l'homme (LDH). "Ce qui frappe chez lui, c'est sa volonté et son étonnante capacité d'adaptation", explique au Figaro Denis Mercier, un membre de la LDH qui est son "parrain républicain". "Il a le sens des situations et sait atteindre son but en douceur." Un garçon "volontaire, respecté, qui s'est investi dans les élections pour la commission de la vie sociale", assure Denis Gouzerh, directeur général du centre de logement des jeunes travailleurs où il réside.
La France, "un beau pays où tu peux vite t'intégrer"
Un temps expulsable, le jeune Malien obtient, à force de patience, un titre de séjour en 2011, puis dépose en juillet dernier une demande de naturalisation. Aujourd'hui, il raconte son amour de la France. "C'est un beau pays où tu peux vite t'intégrer, confie-t-il. Même si tu n'as rien, même si tu n'as pas de papiers, même si tu n'as pas d'argent, ils te soignent quand même." Sa bravoure a touché les internautes, qui ont été près de 390 000 à signer une pétition pour demander sa naturalisation, créée à l'initiative du Conseil représentatif des associations noires de France.
Face à l'engouement, Lassana Bathily reste modeste. Ne veut pas parler de ses frères, de sa famille. S'étonne du terme "héros" dont on veut l'affubler. "Peut-être, je ne sais pas, répond le jeune homme. Je suis Lassana, j'ai sauvé des gens. Je ne vais pas prendre la grosse tête." "Triste", il pense à son ami, parti "très jeune". Il parle de Yohan Cohen, 20 ans, son collègue, l'une des quatre personnes tuées par Amedy Coulibaly dans l'Hyper Cacher.
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