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Selon quels critères une attaque est-elle qualifiée de "terroriste" ?

Un homme a attaqué le commissariat de la Goutte-d’Or, à Paris, le 7 janvier. Le parquet antiterroriste a été saisi de l’affaire. Mais qu’est-ce qui définit un acte terroriste ? Francetv info détaille les trois critères principaux.

Article rédigé par Marthe Ronteix
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Des policiers sécurisent la rue à proximité du commissariat de la Goutte-d'Or, attaqué par un homme armé d'un couteau le 7 janvier 2016, à Paris. (MICHAUD GAEL / NURPHOTO)

Armé d'une feuille de boucher et d'une ceinture d'explosifs factice, un homme a tenté d'entrer dans le commissariat de la Goutte-d'Or, dans le 18e arrondissement de Paris, le 7 janvier 2016. Il a été abattu par des policiers en faction devant les locaux. Le parquet antiterroriste a été saisi de l'affaire. Il n'est toutefois pas toujours évident de différencier un "simple" acte criminel, parfois commis par un déséquilibré, de l'acte terroriste. Francetv info détaille les trois critères principaux permettant d'apposer ce qualificatif sur une attaque.

1Revendiquer une appartenance à une entreprise terroriste

L'acte terroriste est défini par l'article 421-1 du Code pénal : celui-ci explique qu'il doit être commis "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective" pour être qualifié de terroriste.

C'est cette idée "d'entreprise" qui permet d'exclure les actes isolés de cette qualification. Comme par exemple l'attaque de Valence (Drôme) du 1er janvier dernier. Un homme a foncé sur des militaires devant une mosquée. Bien qu'il ait, semble-t-il, proféré "Allah akbar" ("Allah est le plus grand", en arabe) avant son attaque, comme les jihadistes, la piste terroriste n'a pas été retenue dans un premier temps car il ne s'est réclamé d'aucun groupe terroriste. Les enquêteurs ont retrouvé des images de propagande jihadiste sur son ordinateur, mais les preuves ne sont pas suffisantes pour parler d'acte terroriste.

"Ce qui différencie l'acte terroriste du délit ou du crime de droit commun, c'est la revendication [d'appartenance à un groupe terroriste]", assure Loïc Bussy, avocat pénaliste au barreau de Douai (Nord). Il ne faut pas s’arrêter à la forme, aux méthodes utilisées. C’est le fond de l'agression qui permet de qualifier le crime."

Pour l'homme qui a attaqué le commissariat de la Goutte-d'Or, la revendication était claire puisque les enquêteurs ont retrouvé "un téléphone portable et un papier sur lequel figurent le drapeau de Daesh et une revendication manuscrite non équivoque en langue arabe", a indiqué le procureur de la République, le jour même.

2Montrer les signes d'un acte prémédité

Pour que le terme "terrorisme" soit évoqué, il faut encore que l'attaque ne soit pas due au hasard. L'attaque être préméditée, préparée et ne doit pas relever d'une pulsion. "C'est ce que souligne le terme 'intentionnelle' du texte de loi, explique Thierry Renoux, professeur à l’université d’Aix-Marseille et spécialiste du droit du terrorismeToute idée d'improvisation doit être exclue."

Le mode opératoire peut être un élément prouvant la préméditation, mais ce critère s'ajoute à celui de l'appartenance à une entreprise terroriste. Ainsi, un homme qui braque une bijouterie avec une ceinture d'explosifs ne sera pas qualifié de terroriste bien qu'il ait adopté une méthode souvent utilisée par les terroristes et dénotant une certaine préméditation. Le lien avec une entreprise terroriste étant, dans ce cas précis, inexistant. 

"J'ai déjà défendu un individu fiché S qui possédait un fusil à pompe et un revolver, raconte l'avocat Loïc Bussy. Mais il n'a pas été accusé de terrorisme pour autant, parce que rien n'indiquait qu'il préparait un acte violent avec ces armes.

De plus, l'acte commis doit relever "d'une violence exceptionnelle, même si aujourd'hui, elle peut être relative", affirme Thierry Renoux. Une violence et un sang-froid qui doit aussi transparaître dans la personnalité de l'agresseur.

3Choisir un objectif qui vise à déstabiliser l'Etat

"Le choix de la victime doit être fait en fonction de sa position sociale. C'est-à-dire que l'on n'attaque pas une personnalité, mais un symbole comme la police ou une mosquée", énonce Thierry Renoux. Avec son attaque, le terroriste doit avoir pour volonté de déstabiliser les institutions "par l'intimidation ou la terreur" comme le stipule l'article 421-1 du Code pénal. "C'est pour ça qu'ils ont attaqué une salle de spectacle en novembre, souligne Loïc Bussy. Ce sont des lieux de culture qui représentent les valeurs de la nation, donc ça rentre aussi dans l'atteinte à la sûreté de l'Etat."

Les peines encourues lorsque la qualification de terrorisme est retenue sont bien plus importantes. L'article 421-3 du Code pénal prévoit par exemple qu'une peine de cinq ans d'emprisonnement pour une infraction de droit commun (toute infraction qui porte atteinte à des intérêts privés) passe à sept ans lorsqu'elle constitue, en plus, un acte de terrorisme. Des peines sévères issues d'un processus judiciaire spécifique qui expliquent sans doute la prudence avec laquelle les autorités qualifient un acte de "terroriste".

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