Menaces du suspect, police avertie… Pourquoi les autorités allemandes sont critiquées après l'attaque de Magdebourg
L'attaque sur un marché de Noël à Magdebourg, qui a fait au moins cinq morts et plus de 200 blessés (dont plus de 40 dans un état grave) vendredi 20 décembre, provoque la colère en Allemagne. Les services de police sont pointés du doigt. Le suspect, Taleb Jawad al-Abdulmohsen, était connu pour des menaces et des propos violents.
"Nous ne comprenons pas pourquoi ils ont laissé faire", explique une passante, interrogée sur place par France 24. "Des questions pressantes se posent", écrit le tabloïd Bild dans un éditorial. Sur le plan politique, les partis populistes se sont emparés du sujet. "L'impéritie de l'administration, qui a permis l'horreur de Magdebourg, laisse sans voix", a critiqué Alice Weidel, cheffe de l'AfD, formation d'extrême droite.
"Les opinions et les déclarations de l'auteur font l'objet d'une enquête, de même que les renseignements [au sujet du suspect] et les procédures qui ont eu lieu auprès d'autorités et de la justice", a assuré dimanche la ministre de l'Intérieur. Le médecin saoudien de 50 ans, réfugié en Allemagne, était "islamophobe" au regard de ses positions publiques, a précisé Nancy Faeser. Franceinfo détaille les raisons à l'origine des critiques visant les autorités.
Une série de menaces en ligne et par téléphone
Le procureur Horst Walter Nopens, cité par l'AFP, affirme que l'attaque menée à la voiture-bélier "pourrait avoir comme arrière-plan un mécontentement à l'égard de la manière dont les réfugiés d'Arabie saoudite sont traités en Allemagne". Des messages publiés par le suspect, Taleb Jawad al-Abdulmohsen, sur X corroborent cette piste. Dans l'un d'eux, le quinquagénaire menaçait l'Allemagne d'un "prix" à payer pour cette raison. "Existe-t-il une voie vers la justice en Allemagne sans faire exploser une ambassade allemande ou égorger au hasard des citoyens allemands ? Je cherche cette voie pacifique depuis janvier 2019 et je ne l'ai pas trouvée", a-t-il encore déclaré en août sur son compte X.
Le suspect se sentait persécuté et soutenait l'extrême droite. "La police allemande est le vrai moteur de l'islamisme en Allemagne. Mon expérience, c'est sept ans de police (...) qui utilise des tactiques sales contre moi et d'autres critiques de l'islam pour détruire notre activisme anti-islam", a-t-il écrit en juin sur X. "La gauche est folle. Nous avons besoin de l'AfD [le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne] pour protéger la police contre eux." Mina Ahadi, présidente du Conseil central des anciens musulmans en Allemagne, évoque un "psychopathe adhérant aux idéologies de l'ultradroite conspirationniste", rapporte l'AFP.
Le médecin avait aussi, en 2013, menacé par téléphone une association médicale dans le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, rapporte Der Spiegel, citant le ministère de l'Intérieur local. D'après cette source, le suspect avait menacé de mener une action qui serait médiatisée à l'étranger, mentionnant l'attentat du marathon de Boston (Etats-Unis), le 15 avril 2013. Des recherches ont été menées au domicile du réfugié, mais aucune preuve de "vraies préparations d'une attaque" n'a été repérée, selon le ministère de l'Intérieur du Land. Le réfugié avait été condamné à une amende pour "trouble à l'ordre public en menaçant de commettre des crimes", et s'était plaint de ce jugement. Il avait insulté des juges et menacé d'acquérir une arme, précise Der Spiegel.
Des autorités alertées
Holger Münch, chef de l'Office fédéral de la police criminelle, a confirmé à la chaîne publique ZDF que ses équipes avaient reçu, fin 2023, une alerte d'Arabie saoudite au sujet de Taleb Jawad al-Abdulmohsen. "La police en Saxe-Anhalt [le Land de Magdebourg] a mené les mesures d'enquête qui s'imposaient", a-t-il défendu, tout en évoquant des informations "trop peu spécifiques". Le médecin, reconnaît-il, "a publié un grand nombre de messages sur internet. Il a également pris contact avec diverses autorités, proféré des insultes et même des menaces". "Néanmoins, il n'était pas connu pour avoir commis des actes de violence". Holger Münch promet des vérifications sur d'éventuelles négligences.
A son tour, l'Office fédéral sur les migrations et les réfugiés (Bamf) a annoncé sur X avoir reçu en 2023 une alerte concernant le même homme, via les réseaux sociaux. "Ces informations, comme toutes les autres, ont été prises au sérieux", assure l'organisme public, qui ajoute que le lanceur d'alerte a été redirigé vers des autorités compétentes, le Bamf n'étant pas habilité à mener des enquêtes.
Par ailleurs, le bureau du procureur de Berlin a déclaré au média public RBB que le suspect a récemment fait l'objet de poursuites pour "utilisation abusive d'appels d'urgence". Il s'est présenté en février à un commissariat de la capitale allemande pour porter plainte, mais ses propos étaient confus et il avait critiqué le travail des agents du commissariat. D'après cette même source, le médecin devait se présenter jeudi à un tribunal à ce sujet. Il n'est jamais apparu.
Des questions autour de la sécurité du marché
Au-delà du profil du suspect, les interrogations se multiplient autour des mesures prises pour sécuriser le marché de Noël de Magdebourg. Comment l'assaillant a-t-il pu percuter la foule à si grande vitesse, au cœur marché et sur 400 mètres ? Selon Ronni Krug, un adjoint à la mairie, "le dispositif avait été renforcé" cette année.
La police, citée par ZDF, estime que le suspect a pu s'insérer dans une allée principale du marché en passant par une voie d'évacuation et de secours, un espace prévu pour les pompiers en cas d'urgence. D'après la mairie, cette voie ne disposait pas de barrière ou de borne pour limiter le passage de véhicules. Ronni Krug a souligné que les pompiers et services d'urgences devaient pouvoir accéder à cet espace, et que des services d'urgence mobiles y étaient installés.
"Aurions-nous dû faire autre chose avant ?", s'est interrogé Holger Münch, de l'Office fédéral de la police criminelle, auprès de ZDF. "D'un côté, il s'agit de prévenir de tels événements. Il s'agit aussi de s'assurer que ces voies d'évacuation et de secours sont dégagées", a-t-il défendu.
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