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Ce que l'on sait du meurtre de Mireille Knoll, octogénaire juive, à Paris

Deux hommes ont été mis en examen pour homicide à caractère antisémite. Une marche blanche est prévue mercredi à Paris.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une photo de Mireille Knoll a été affichée sur la porte de l'appartement de l'octogénaire, le 27 mars 2018. (MAXPPP)

Le meurtre de Mireille Knoll, 85 ans, horrifie la France. Deux hommes ont été mis en examen, mardi 27 mars, pour "homicide volontaire" à caractère antisémite et écroués après le meurtre de cette octogénaire de confession juive, à Paris, vendredi. Une marche blanche est prévue à Paris, mercredi, à 18h30, place de la Nation.

La victime s'appelle Mireille Knoll

Mireille Knoll, 85 ans, était "de confession juive", a souligné dimanche soir, dans un communiqué, le Service de protection de la communauté juive (SPCJ).  A l'âge de 10 ans, elle avait échappé de justesse à la rafle du Vel d'Hiv' de juillet 1942, en s'enfuyant de Paris juste avant, avec sa mère, a raconté à l'AFP son fils. C'est un passeport brésilien hérité de son père qui lui a permis de passer la ligne de démarcation, avec sa mère et de trouver refuge au Portugal. "Les soldats ont regardé les passeports et ont finalement décidé de les laisser passer. Ca les a sauvés", a relaté son fils Daniel sur la chaîne i24 News.

Elle était revenue à Paris après la guerre, et avait épousé un homme rescapé du camp d'Auschwitz. Ils avaient vécu au Canada avant de revenir à Paris où le mari avait un atelier d'imperméables, dans le quartier du Sentier. Son mari est mort au début des années 2000.

Mireille Knoll habitait au deuxième étage de cet immeuble qui en compte dix et est "habituellement très calme", selon des voisins. Handicapée, souffrant de la maladie de Parkinson selon un de ses deux fils, elle ne sortait de chez elle qu'en fauteuil roulant, accompagnée de son auxiliaire de vie. "Elle était gentille, on la voyait se promener dans les jardins" de la résidence avec son aide-soignante, témoigne une voisine.

"Ma grand mère était une femme admirable, très gentille, très douce. Elle était pleine de joie de vivre, elle aimait la vie. Elle ne croyait pas au mal chez les gens. Peut-être était-elle un peu trop naïve...", confie à l'AFP l'une de ses petites-filles, Noa Goldfarb, 34 ans.

"C'était une femme extrêmement modeste", a déclaré à l'AFP Gilles-William Goldnadel, avocat de sa famille. "Il n'y avait absolument rien de valeur à voler", a-t-il ajouté.

Elle a reçu des coups de couteau et son appartement a été incendié

Le corps de Mireille Knoll a été retrouvé en partie carbonisé, vendredi 23 mars, dans son appartement, au deuxième étage d'un immeuble du 11e arrondissement de Paris. C'est une voisine qui a signalé l'incendie et a appelé les pompiers.

Les policiers se sont rapidement orientés vers la piste criminelle, après la découverte de plusieurs départs de feu dans l'appartement, puis de traces de coups de couteau sur le corps de la vieille dame, qui gisait sur son lit.

Deux suspects mis en examen pour homicide à caractère antisémite

Lundi, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire des chefs "d'assassinat en raison de l'appartenance vraie ou supposée de la victime à une religion et sur une personne vulnérable", "vol aggravé", "dégradation du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes". "Les déclarations d'un des suspects en garde à vue et le fait qu'ils connaissaient tous les deux la religion de la victime ont motivé cette décision", d'après des sources proches de l'enquête citées par l'AFP. Mardi, les deux hommes ont finalement été mis en examen pour "homicide", le juge d'instruction n'ayant pas retenu la préméditation, à caractère antisémite.

Le premier suspect, né en 1989 et connu des services de police pour des affaires de viol et d'agression sexuelle, est un voisin qui avait l'habitude de rendre visite à la victime. Il était passé dans son appartement dans la journée. "Apparemment, ma mère le connaissait très bien et le considérait comme un fils", a déclaré à l'AFP le fils de la victime. Le second mis en examen, âgé de 21 ans et connu pour des vols avec violences, se trouvait également dans l'immeuble le jour du meurtre. Ce SDF a dit avoir entendu son complice présumé crier "Allah Akbar" lors du meurtre, a appris franceinfo de source proche du dossier.

Emotion dans la communauté juive

La communauté juive attendait depuis le meurtre que la justice retienne le caractère antisémitedu crime. Les juifs de France sont encore marqués par le meurtre, en 2017, de Sarah Halimi. Cette femme juive orthodoxe de 65 ans avait été tuée à Paris par son voisin, qui l'avait rouée de coups et défenestrée. Il avait fallu plusieurs mois de bras de fer judiciaire pour que le caractère antisémite du meurtre soit finalement retenu par la juge d'instruction, fin février 2018. 

Dans un communiqué, dimanche, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), instance de représentation politique de la communauté juive, avait déclaré attendre "des autorités la plus totale transparence dans l'enquête en cours, afin que les motifs de ce crime barbare soient connus de tous le plus rapidement possible". Le président du Consistoire israélite (organe de représentation religieuse), Joël Mergui, avait de son côté dit à l'AFP vouloir "comprendre ce qui s'est passé et ne pas laisser se reproduire le silence qui avait suivi l'assassinat de Sarah Halimi il y a un an, dans le même arrondissement"

Depuis 2006 et l'assassinat d'Ilan Halimi, onze personnes ont été tuées en France parce que juives, selon des responsables communautaires. "Cette succession de meurtres nous rappelle que la communauté juive est la cible privilégiée de ceux qui haïssent la République et ses valeurs", a dit à l'AFP le président du Consistoire israélite, Joël Mergui.

Condamnation unanime de la classe politique

"Ignoble", "abject", "abominable" : la classe politique a unanimement condamné le meurtre de Mireille Knoll. Exprimant son "émotion devant le crime épouvantable commis contre Mme Knoll", Emmanuel Macron a réaffirmé sa "détermination absolue à lutter contre l'antisémitisme".

Christophe Castaner, délégué général de La République en marche, a appelé les adhérents à participer à la "marche blanche", organisée mercredi après-midi à Paris en hommage à Mireille Knoll. L'appel à participer à cette marche blanche a été relayé par la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, par le coordinateur du PS Rachid Temal ou encore par le PCF. Le rendez-vous est fixé à 18h30 place de la Nation. "Les juifs ne sont pas en sécurité en France", a dénoncé Malek Boutih, ancien député PS et ex-président de SOS Racisme.

"Il faut qu'il y ait beaucoup de monde demain à la manifestation à Paris. Ca n'est pas l'affaire des juifs (...) ça n'est pas l'affaire des Français juifs, c'est l'affaire de tous les Français", a lancé l'ancien Premier ministre Manuel Valls sur franceinfo. Pour Bernard Cazeneuve, son successeur à Matignon, "l'abject assassinat de Mireille #Knoll, qui avait échappé à la rafle du Vél d'Hiv, nous rappelle que la haine des juifs tue toujours en France"

Jean-Luc Mélenchon a dénoncé l'"assassinat abominable" d'une femme "sans défense". "Vigilance et solidarité. Prompt châtiment contre la main du meurtre !", a tweeté le leader de La France insoumise. A droite, Laurent Wauquiez, président des Républicains, a condamné sur Twitter un "assassinat ignoble", appelant "chacun" à ouvrir "enfin les yeux sur le nouvel antisémitisme qui se développe dans notre pays". Dans un communiqué, la présidente du Front national Marine Le Pen a dénoncé un "acte barbare" et appelé le gouvernement à mener "enfin le combat contre le fondamentalisme islamiste". Sa présence n'est toutefois "pas souhaitée" à la marche blanche, selon le Crif.

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