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Des Parisiens transforment un banc en "autel" pour un sans-abri de leur quartier mort dans la rue

Andrej a vécu cinq ans sur le banc en face du magasin Franprix situé quai de la Gare, dans le 13e arrondissement de la capitale. Sa disparition a touché les habitants.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les habitants du boulevard Vincent-Auriol, dans le 13e arrondissement de Paris, ont déposé des fleurs sur le banc où est mort un sans-abri, le 26 juillet 2015. (BABOUCAR DIAO / RAPHAEL GODET / TWITTER)

Ils le connaissaient tous, mais ignoraient son histoire. Les habitants du quartier du quai de la Gare, dans le 13e arrondissement de Paris, ont rendu hommage à Andrej durant le mois d'août avec un autel improvisé, dont les photos ont été partagées sur Twitter par un journaliste de Radio France. Ce SDF, mort le 25 juillet, avait élu domicile devant le Franprix du boulevard Vincent-Auriol depuis près de cinq ans.

"Je l'ai connu seulement deux mois, se rappelle Eva, employée dans ce supermarché depuis le début de l'été. Il était très gentil, il disait toujours bonjour à tout le monde même s'il ne parlait pas bien français." "Il n'embêtait jamais personne, ajoute Baboucar, le vigile. Après autant d'années, il faisait partie du quartier. Il faisait même partie du magasin."

"On ne connaissait pas sa vie"

Aucun des habitants interrogés ne sait pourtant pourquoi ce Polonais de 50 ou 60 ans, "un grand blond, costaud, qui portait toujours une veste militaire", s'est retrouvé à la rue. "On lui parlait tous les jours, mais on ne connaissait pas sa vie, reconnaît Claude, assis à la terrasse du café d'en face. Cela ne nous empêchait pas de lui acheter à manger ou à boire, pour l'aider."

En arrivant le matin du samedi 25 juillet, les employés du Franprix l'ont découvert allongé sur le banc, le front ensanglanté. "Il avait du mal à respirer, alors on a appelé les pompiers, explique Eva. Ils lui ont proposé d'aller à l'hôpital, mais il ne voulait pas laisser ses affaires ici."

Emporté par une hémorragie au cerveau

Les secours sont revenus en début de soirée, appelés par les employés du Franprix qui voyaient l'état d'Andrej empirer. "Après leur départ, je l'ai aidé à s'asseoir sur le banc parce qu'il était très faible, se souvient Baboucar. Il somnolait un peu, mais je pensais que c'était à cause d'un médicament." 

Un de ses collègues a constaté sa mort une heure plus tard. "C'était une hémorragie au cerveau, explique Baboucar. Sa blessure à la tête était plus grave que ce que l'on pensait, mais personne ne s'en est rendu compte parce qu'il a refusé d'aller à l'hôpital."

"C'est triste de mourir comme ça"

Tous les riverains ont été émus par la disparition du sans-abri. "On a pleuré lorsqu'on a appris la nouvelle le lendemain matin", confie Eva, absente au moment de son décès. Ce sont les employés du supermarché qui, les premiers, ont déposé quelques fleurs sur le banc. "C'est triste de mourir comme ça, seul dans la rue, poursuit-elle. On voulait faire un geste et même essayer de retrouver sa famille pour les prévenir, mais on n'a pas réussi."

Couvert de fleurs, de bougies et de dessins d'enfants, le banc s'est peu à peu transformé en "autel". "Les habitants du quartier ont beaucoup parlé de la mort d'Andrej, rapporte Claude. L'éboueur qui balaie le trottoir devant le Franprix m'a raconté que, à chaque fois qu'il passait, Andrej lui apprenait un nouveau mot en polonais."

"Les gens sont sensibles à la misère des autres"

Pour le sexagénaire, cet hommage prouve que, "quoi qu'on en dise, les gens sont sensibles à la misère des autres". "La société d'aujourd'hui est soi-disant déshumanisée, mais les habitants du quartier se sont occupés d'Andrej quand il était en vie et ont été présents après sa mort, souligne Claude.

Un mois après sa disparition, le sans-abri commence toutefois à s'effacer doucement des mémoires. Il n'y a plus trace d'Andrej dans la rue : les fleurs et les dessins ont disparu. Eva et ses collègues ignorent qui a nettoyé le banc. "On finira forcément par l'oublier, estime Claude. Malheureusement, c'est comme ça pour tout le monde."

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