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Meurtre d'Arthur Noyer : Nordahl Lelandais et sa défense s'appliquent à déconstruire l'image du prédateur au premier jour du procès

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Un dessin de Nordahl Lelandais lors du premier jour de son procès devant la cour d'assises de Chambéry (Savoie), le 3 mai 2021. (MARIE WILLIAMS / AFP)

L'accusé, jugé depuis lundi devant la cour d'assises de la Savoie pour le meurtre du caporal de 23 ans, est resté sur la même ligne que pendant l'instruction : il s'agissait d'un homicide involontaire. 

Sa première comparution devant une cour d'assises était très attendue. Nordahl Lelandais n'est pas un accusé comme les autres. Jugé pour le meurtre du caporal Arthur Noyer depuis le lundi 3 mai à Chambéry (Savoie), sa réputation le précède. Et surtout l'autre affaire dans laquelle il est poursuivi : l'enlèvement et le meurtre de la petite Maëlys de Araujo lors d'un mariage à Pont-de-Beauvoisin (Isère), en août 2017. Le président de la cour, François-Xavier Manteaux, ne le sait que trop bien. Il a pris soin d'assurer à l'homme de 38 ans dans le box, dès l'ouverture des débats, qu'il serait "jugé comme tous les accusés, avec les mêmes droits, par des jurés et magistrats qui sauront faire abstraction de toute la médiatisation"

Allure de cadre dynamique avec ses cheveux et sa courte barbe poivre et sel, sa chemise bleu clair et son pantalon beige, Nordahl Lelandais a pu compter sur son avocat pour attaquer d'emblée son image de "tueur en série" construite par "les chaînes de télévision". "D'où est-ce que ça sort ? Nulle part ! Au plan juridique, tout le monde sait qu'on peut commencer à parler de tueur en série à partir de trois assassinats", lance Alain Jakubowicz. Peu après, l'avocat obtient la nullité d'une expertise psychiatrique de Paul Bensussan, notamment parce qu'il était intervenu sur le plateau d'une émission présentant son client comme un "serial killer".

Une enfance "dénuée de toute difficulté"

Devant la cour, l'accusé réitère la position qu'il a tenue pendant l'instruction : cette nuit du 11 au 12 avril 2017, il a "donné la mort à Arthur Noyer sans vouloir la donner". Puis, il écoute sagement l'enquêtrice de personnalité dérouler le fil de sa vie. Il lui a raconté son enfance "dénuée de toute difficulté", son "éducation basée sur la politesse" entre un père attaché commercial dans les produits pharmaceutiques et une mère assistante de radiologie. Sa "légère crise d'adolescence" aussi, pendant laquelle il abandonne le sport-études au collège avant de tenter un CAP en mécanique auto.

Il s'engage finalement dans l'armée à sa majorité, en 2001. Il y obtient le grade de caporal et part deux fois en mission en Guyane. Mais ses évaluations se dégradent, avec des problèmes de "maturité" et des "sautes d'humeur". "Fin 2004, il n'a plus la confiance de ses supérieurs", relate l'enquêtrice. S'ensuit une vie professionnelle "décousue", avec CDI avortés, petits boulots en intérim, accidents de travail et arrêts maladie. Ses proches le décrivent comme "serviable" mais "peu travailleur". Nordahl Lelandais retourne alors vivre chez ses parents. 

Une dualité omniprésente dans le dossier

Sur le plan sentimental, l'enquêtrice évoque un certain nombre de relations hétérosexuelles : "Il confie qu'à chaque fois, il y croyait." Et qu'il a émis le désir d'être père. Il reconnaît auprès d'elle une rencontre avec un homme sur un site internet, par "curiosité" et "opportunité". Juste pour des "caresses". Au fil du récit, le tableau se brouille et la chronologie bascule en 2017, année des deux meurtres dont il est accusé. Selon un cousin qu'elle a interrogé, il abuse de l'alcool et de la cocaïne. Nordahl Lelandais, lui, reconnaît des prises "occasionnelles". Sa dernière ex-compagne, qui a porté plainte contre lui pour violences, dépeint un homme à la fois "agréable, serviable, gentil et menteur, provocateur et manipulateur".  

Cette dualité est omniprésente dans le dossier. Invité à répondre aux questions du président sur sa personnalité, Nordahl Lelandais donne à voir un seul et même visage, celui d'un premier de la classe. D'un ton docte et affable, il reprend point par point les aspects peu reluisants de son CV. S'il a arrêté le sport-études, c'est parce que le biathlon n'était finalement pas au programme. S'il a quitté l'armée avant la fin de ses cinq ans de contrat, c'est parce qu'il a reçu une fléchette de sarbacane dans l'œil de la part d'un chef de groupe et que "la Grande Muette" l'a dissuadé de "porter plainte". S'il a privilégié l'intérim aux CDI, c'est pour "des raisons financières".

"Jordan" sur les applications de rencontres

"Préférait-il aussi l'intérim dans ses relations amoureuses ?", lui demande en substance le président. Ponctuant ses réponses de "si je puis me permettre", l'accusé disserte sur les amours contemporaines à l'ère de Tinder, où "les femmes comme les hommes cherchent des histoires d'un soir". Pour autant, "Jordan", son surnom sur les applications de rencontres, manifeste une certaine émotion à l'évocation de l'une de ses conquêtes, avec laquelle il est resté trois ans avant de reprendre sa vie de célibataire "fêtard", privilégiant "les potes, les copines et les voitures". "Je regrette de ne pas lui avoir donné assez d'amour, elle en méritait énormément."

Ce costume d'homme pas encore prêt pour "la maison, l'enfant, le labrador" devient de plus en plus mal ajusté. Avec pudeur, Nordahl Lelandais confirme devant la cour une relation homosexuelle, sans "pénétration avec le sexe. Je n'ai pas spécialement le souvenir, mais je crois qu'il y a eu des pénétrations digitales". Si sa vie sexuelle est passée en revue, c'est parce qu'elle peut constituer un mobile dans le meurtre d'Arthur Noyer. Pendant l'instruction, Lelandais a toujours nié avoir cherché à satisfaire une pulsion en prenant en stop le militaire ce soir-là, une thèse privilégiée par l'accusation.

"J'étais un vagabond"

A l'audience, l'accusé préfère parler de son mal-être survenu au cours de l'année 2017, évoquant "la mort d'un de ses cousins dans un accident de voiture". "Je n'étais pas bien, je ne savais pas où j'allais, mes amis construisaient leur vie, ils avaient un travail, des enfants... Moi, à ce moment-là, j'étais un vagabond", raconte-t-il, confiant boire et prendre de la cocaïne "tout seul" chez lui, parfois "dès le matin". "J'étais en train de m'enfoncer, je ne voulais pas en parler à ma mère." Entendue dans l'après-midi, cette petite femme de 72 ans au carré blond impeccable reconnaît n'avoir rien vu.

"Ce qu'il s'est passé par rapport à Arthur, je ne l'ai pas vu venir", glisse-t-elle en chuchotant le prénom de la victime, dont un portrait fixe la salle d'audience depuis le banc des parties civiles. "Même s'il habitait chez nous, Nordahl avait son espace à lui." Dressant le portrait d'une famille "où on ne parle pas pour ne rien dire" et où le père, aujourd'hui décédé, a brillé par son "absence" et son "égoïsme", la mère jure qu'il "n'y avait pas deux Nordahl". Encouragée par l'avocat des parents d'Arthur Noyer, Bernard Boulloud, à demander à son fils de "dire la vérité", elle s'exécute en se tournant vers le box. Son fils se lève, la salle se fige : "Je réitère ce que j'ai dit ce matin, je n'ai pas voulu donner la mort à Arthur Noyer."

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