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Meurtre d'Arthur Noyer : des anciens amis de Nordahl Lelandais l'implorent de "dire la vérité" au troisième jour du procès

L'audience a donné lieu à des échanges intenses entre ces témoins et l'accusé. L'ancien maître-chien n'a cependant pas évolué sur sa version des faits.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Nordahl Lelandais, le 4 mai 2021, au deuxième jour de son procès pour le meurtre d'Arthur Noyer, devant la cour d'assises de la Savoie, à Chambéry.  (MARIE WILLIAMS / AFP)

C'est ce qu'on appelle un moment d'audience, cet instant où tout peut basculer dans une cour d'assises. Après des débats techniques sur la différence entre "alcoolisation" et "ivresse" au sujet de l'état d'Arthur Noyer lors de la nuit du 11 au 12 avril 2017, à Chambéry, le procès de Nordahl Lelandais est sorti des rails mercredi 5 mai. Trois témoins ont emmené les assises de la Savoie sur un chemin de traverse, celui de leur longue amitié avec l'homme qui se tient dans le box. Alexandra, d'abord. Elle l'a rencontré en octobre 2016 par le biais de son ancien patron, Nazim, également ami de longue date de l'accusé. Cette responsable commerciale de 44 ans ne fait pas de détour : "Moi, j'ai connu quelqu'un d'extrêmement prévenant, sympathique, un super gars, c'est affreux à dire."

Si cette femme dynamique aux longs cheveux bruns se retrouve à la barre, c'est surtout parce qu'elle a "fait la fête" avec Nordahl Lelandais moins de 48 heures après la mort du caporal Noyer. Lors de cette soirée du 13 avril, il était "bien, beau, festif, normal, comme toujours". Sa voix se brise lorsque l'avocat de la famille de la victime, Bernard Boulloud, lui demande sa réaction en apprenant la mise en cause de l'ancien maître-chien dans l'affaire Maëlys puis dans celle-ci. "On est ahuri, on a de la peine d'avoir fait entrer quelqu'un comme ça dans sa vie, on se met à la place d'une maman."

"Je ne mets pas en doute ce qu'il a fait mais mon cerveau a bloqué, comme une grande douleur."

Alexandra, une ancienne amie de l'accusé

devant la cour d'assises de la Savoie

Naturellement, Alexandra se tourne vers cet ami "perdu" : "C'est compliqué de savoir le mal que tu as fait. Tu dois leur dire la vérité, Nordahl." L'intéressé se lève : "Bonjour Alex, tu as une très bonne mémoire et tu as tout à fait raison dans tes propos." "Ce n'est pas moi qu'il faut que tu regardes, Nordahl", corrige-t-elle. "La vérité, oui je la donnerai, j'ai essayé tout au long de l'instruction de la donner", reprend l'accusé. "Dis-leur ce qui s'est passé, tu sais au fond de toi, tu le sais (...) tu le leur dois", insiste la jeune femme. "Oui, bien sûr", acquiesce son interlocuteur.

"Tu as choisi une drôle de façon de briller"

L'auditoire retient son souffle. "Dans ces moments-là, c'est compliqué, on met une très grosse carapace", commence Nordahl Lelandais. "Ce n'est plus de la carapace, d'être aussi normal [48 heures après les faits], ce n'est plus une carapace, Nordahl, tu le sais", réplique Alexandra. Le président interrompt un peu vite l'échange pour reprendre la main. "Vous auriez eu un accident de voiture dans lequel vous auriez renversé un motocycliste, ils auraient compris", tente François-Xavier Manteaux. "On t'aurait même aidé, pas à dissimuler la vérité, mais à l'assumer", encourage la témoin, dans une sorte de conversation à trois.

"Par la suite, mes journées et mes nuits n'ont plus été pareilles, confie l'accusé. Je suis désolé de dire ça, monsieur et madame Noyer, je sais que, pour vous, elles sont pires que les miennes. J'étais dans un état de sidération, dans le déni, je ne savais même pas où j'en étais." Et de poursuivre :

"A ce moment-là, la meilleure chose à faire, ça aurait été de prévenir les secours, les gendarmes. A ce moment-là, je ne savais pas quoi faire, je ne savais plus quoi faire."

Nordahl Lelandais

devant la cour d'assises de la Savoie

Son avocat, Alain Jakubowicz, prend la relève : "Qu'est-ce qu'il y a dans votre tête à ce moment-là [lors de la soirée du 13 avril] ?" "C'est pour oublier cet événement à la fois présent et pas présent, c'est irréel. J'avais besoin de mes amis, de reprendre comme une vie normale, je ne sais pas comment l'expliquer, j'avais besoin d'eux", expose son client. Pas de quoi convaincre celle qui se tient à la barre. Si Alexandra "n'arrive pas à le voir comme un monstre", elle ne croit pas "une seule seconde" à la version de Nordahl Lelandais. Sa dernière phrase, elle l'adresse aux jurés : "Tu avais besoin de lumière, tu avais besoin de briller, tu as choisi une drôle de façon de le faire."

"Ce n'est pas la personne qu'on a connue"

Julien, 39 ans, lui succède devant la cour. L'époque où les deux hommes "n'avaient pas besoin de se parler pour se comprendre" est révolue depuis l'arrestation. Cet ami de 20 ans n'est jamais venu au parloir. La "colère" a pris le pas sur tout le reste, les bons souvenirs, les sorties, la coloc. Une vitre sépare désormais les deux meilleurs copains, réunis le temps d'une déposition à la barre. "Ce n'est pas la personne qu'on a connue", résume Julien au nom de ce "cercle" qui entourait Nordahl Lelandais avant les faits. Lui aussi tente de trouver la clé, au nom de leurs liens passés.

"A un moment, il va falloir que tu lâches les choses. Je sais que c'est ta vérité mais ce n'est pas la vérité."

Julien, ancien ami de Nordahl Lelandais

devant les assises de la Savoie

Une nouvelle fois, le temps s'arrête. "De quelle vérité tu parles ?, rétorque l'accusé, sur la défensive. Je sais que tu es en colère, je ne peux pas t'en vouloir. Je m'excuse du fond du cœur." Son conseil vient à son secours. "Qu'est-ce que vous en savez de la vérité ?" interroge Alain Jakubowicz. "C'est ce que je ressens, ce n'est pas la vérité absolue", admet le témoin.

"Soulage-toi de la vérité, le mal est fait"

Arrive ensuite Nazim, proche parmi les proches. Ce chef d'entreprise de 38 ans parle avec l'aisance et l'assurance d'un manager d'équipe. Il se souvient des "fous rires, des vacances, des barbecues, des délires entre copains, des discothèques, des bonnes tables, des bons verres, une vie normale que vous avez tous ici avec vos amis". "Nordahl était en plus de cela quelqu'un d'attentionné avec ses proches, toujours le mot sympa. Bref, c'était un super pote", complète-t-il. Pas une ombre au tableau. Et une énigme insoluble pour finir : 

"Je n'arrive pas à l'associer à ça. Je n'arrive pas à comprendre comment une même personne arrive à faire le grand écart. On a tous nos secrets mais pas des secrets comme ça. Aujourd'hui, je n'ai pas de haine, juste de la peine."

Nazim, ami de l'accusé

devant la cour d'assises de la Savoie

Sur les bancs de la défense, Alain Jakubowicz essuie ses larmes, visiblement bouleversé par ces mots. "Une audience c'est aussi des rencontres. Je voulais juste vous dire que j'étais heureux de vous avoir rencontré et je ne veux pas gâcher ce moment par des questions, articule le célèbre pénaliste entre deux sanglots. Je veux juste vous dire merci pour ce moment d'humanité dans cette audience qui en avait tant besoin."

Dans un ultime moment de suspension, le témoin invite à son tour Nordahl Lelandais à en dire davantage sur ce qui l'a fait basculer : "Soulage-toi de la vérité, le mal est fait. Vis ce qui te reste à vivre plus léger. Faut arrêtez tout cela et dire ce qu'il y a dire." L'accusé se lève en pleurant : "Nazim t'as tout dit, courageux tu l'as toujours été.Tu étais comme mon grand frère, quelqu'un de formidable qui a réussi dans sa vie. Je ne suis plus ton ami, toi tu le resteras toujours." Le président attrape au vol l'occasion : "Aujourd'hui, le courage, n'est-ce pas faire un pas vers cette vérité à laquelle votre ami vous exhorte ?" "La vérité, je l'ai peut-être toujours mal exprimée, j'essaye de la dire depuis le début, répond Nordahl Lelandais. Tout le monde me dit : 'Non c'est pas vrai, c'est pas là, c'est pas comme ça'." La porte s'est refermée, l'audience est suspendue.

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